Les achats surprise d’actions d’Air France-KLM par l’Etat Néerlandais en 2019 jugés irréguliers
Selon la Cour des comptes néerlandaise, La Haye aurait dû consulter son Parlement avant de rafler par surprise, en février 2019, assez d’actions pour contrer l’Etat français au capital du groupe Air France-KLM.
La décision prise en 2019 par l'Etat néerlandais d'entrer à hauteur de 14% dans le capital d'Air France-KLM n'était pas conforme au droit, selon un arrêt rendu ce 19 mai par la Cour des comptes néerlandaise.
L'Etat néerlandais avait pris cette décision mi-février 2019 afin de peser sur les décisions du groupe de transport aérien et de détenir une participation identique à celle de l'Etat français.
Or, dans un communiqué, la Cour des comptes néerlandaise estime que l'Etat aurait dû informer au préalable le Parlement de son initiative.
L’institution précise que les ministres «doivent informer le Parlement sur ces transactions à l'avance» et non leur présenter un accord conclu après coup. C’est pourquoi, de son point de vue, «la transaction était donc irrégulière».
Cependant l’Etat néerlandais prétend que s'il avait dévoilé ses intentions, cela aurait pu s'apparenter à un délit d'initiés et faire monter artificiellement le cours de Bourse du groupe, rendant l'acquisition de cette participation plus onéreuse.
Wopke Hoestra, le ministre des Finances, affirme avoir fait face l'époque à un «dilemme». Il a ajouté qu'il examinerait si une modification de la loi est nécessaire ou possible. Dans ses conclusions, la Cour ne demande pas d'annuler l'opération mais elle formule une série de recommandations, invitant notamment le gouvernement à éviter qu'une telle décision ne se reproduise à l'avenir.
Une opération surprise jugée «inamicale» à Paris
Outre son caractère irrégulier selon l’autorité néerlandaise, le gouvernement français s’était irrité de cette opération surprise au terme de laquelle les Pays-Bas avaient annoncé détenir soudain 60 millions d’actions du groupe franco-néerlandais et plus de 12% des droits de vote.
Elle succédait à des tensions entre Paris et La Haye à propos de la nomination des dirigeants du groupe. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avait alors jugé l’opération «singulièrement inamicale», d’autant que Paris avait cédé aux demandes néerlandaises de reconduire à la tête de KLM le néerlandais Pieter Elbers soupçonné de privilégier les intérêts des Pays-Bas au sein du groupe.
L’alliance Air-France-KLM est née en 2004 à une époque où la compagnie aérienne néerlandaise connaissait de sérieuses difficultés financières et a donné naissance au premier groupe de transport aérien composé d’une société holding et de deux compagnies conservant chacune sa marque.
Fortement affecté par l’effondrement du trafic aérien le groupe a annoncé le 7 mai dernier un résultat en forte baisse pour le premier trimestre 2020 faisant état de 1,8 milliards d’euros de perte. Il a par ailleurs bénéficié d’un prêt bancaire garanti par l’Etat de 4 milliards d’euros ainsi qu’un prêt direct d’actionnaires accordé par l’Etat français d’un montant de 3 milliards d’euros. Une aide complémentaire de l’Etat néerlandais d’un montant attendu de 3 milliards d’euros est en cours de négociation.
Le groupe est détenu à 14,3 % par l'Etat français, 14 % par l'Etat néerlandais, 8,8 % par la compagnie aérienne américaine Delta Airlines, 8,8 % par China Airlines et 3,9 % par les salariés. Depuis le début de l’année le cours de l’action cotée sur Euronext Paris a connu une forte baisse passant d’un peu plus de 10 euros à moins de 4 euros.
L’annonce de l’avis de la Cour des comptes néerlandaise a encore fait baisser l’action qui perdait environ 3% en fin de séance ce mercredi 18 mai.
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