Les Etats-Unis ont décidé, le 11 décembre, de bloquer la cour d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’organe chargé de régler les contentieux commerciaux entre Etats. En effet, à la suite de la réunion du conseil général de l’OMC du 9 au 11 décembre, l’administration américaine n’a pas souhaité nommer les deux nouveaux juges (dont les mandats ont expiré le 10 décembre) indispensables au fonctionnement de l’Organe de règlement des différends (ORD), désormais enrayé. Ainsi, sur les sept sièges que compte l’ORD, seul un sera occupé, alors que toute décision nécessite l’avis de trois arbitres de nationalités différentes.
L’Organisation mondiale du commerce, créée en 1995, perd ainsi sa raison d’être et se résume désormais à un mandat unique de concertation sur les règles du commerce mondial. La décision américaine «pourrait ouvrir la porte à une plus grande incertitude et à des représailles incontrôlées», selon le directeur général de l’OMC, Roberto Azevêdo, cité par Le Monde.
«On peut envisager toutes sortes de mécanismes temporaires et combler des carences», a expliqué à la presse Keith Rockwell, porte-parole de l'OMC. «Mais on ne peut pas renoncer à notre priorité, qui est de trouver une solution permanente. Le directeur général de l'OMC estime qu'on ne peut pas sous-traiter cela à des universitaires, à des juristes ou à des think tanks, ni s'appuyer uniquement sur des experts : c'est une question politique qui exige une approche politique, à Genève et dans les capitales», a-t-il continué.
Des critiques de longues dates envers l’OMC
Cela faisait plusieurs années que Washington exprimait explicitement son désamour envers l’OMC, voire menaçait l’organisation internationale. «Nous partirons s'il le faut» : devant des employés d'une usine chimique de la société Shell en Pennsylvanie le 13 août, le président américain Donald Trump avait adressé un message sans équivoque à l'organisation internationale.
Habitué aux critiques virulentes contre les institutions internationales, Donald Trump avait déjà brandi la menace d'un retrait américain de l'OMC l'année dernière. «S'ils ne font pas de progrès, je me retirerai de l'OMC», avait-il averti, alors qu'il s'en était pris auparavant aux organes de règlement des différends de l'OMC. Fin juillet, il était revenu à la charge, exigeant des réformes de la part de l'organisation, pour qu'elle n'accorde plus de traitement de faveur aux pays en voie de développement.
L’OMC : anti-américaine et pro-chinoise ?
En pleine guerre commerciale avec Pékin, Donald Trump reproche notamment à l'OMC de permettre à la Chine d'abuser des avantages découlant du statut de «pays en développement», qui autorise, entre autres, à retarder l'application de certains accords ou à protéger certains secteurs sans s'exposer à l'ire des membres de l'organisation.
Les Etats-Unis ont été la cible de nombreux dossiers de plainte déposés à l'OMC. En effet, sur les 600 plaintes que l’Organe de règlement des différends de l’OMC a enregistrées depuis 1995, 170 l’ont été à l’encontre de Washington, selon Le Monde.
La décision de bloquer l’ORD constituerait-elle une stratégie de Donald Trump pour que l’OMC modifie les règles du commerce mondial tout en l’obligeant à davantage réguler et circonscrire les activités chinoises ? Même si l’OMC continuera à produire une expertise, désormais non contraignante, sur les différends commerciaux entre Etats, le commerce mondial rejoint sa situation d’avant 1995. Seuls les rapports de force ont changé, parmi lesquels la Chine tient désormais tête aux Etats-Unis.