La saga Huawei-Trump continue. Mike Pompeo a accusé la société Huawei de mentir sur ses liens avec les autorités chinoises. Celles-ci dénoncent le «harcèlement» de Washington à l'encontre du numéro deux mondial des smartphones, lâché en série par nombre de ses partenaires.
«Dire qu'ils ne travaillent pas avec le gouvernement chinois est une déclaration fausse», a lancé Mike Pompeo au cours d'un entretien sur la chaîne CNBC. «Le PDG de Huawei ne dit la vérité ni au peuple américain ni au monde [en affirmant qu'il n'a pas de lien avec le gouvernement]», a-t-il ajouté, citant la législation chinoise qui selon lui force les entreprises à collaborer avec les autorités.
En pleine guerre commerciale sino-américaine, l'administration Trump a placé le numéro deux mondial des smartphones sur une liste de sociétés suspectes auxquelles il est interdit de vendre des équipements technologiques de crainte que Pékin ne se serve de ces équipements à des fins d'espionnage.
Même si l'interdiction a été suspendue pour trois mois, il en va néanmoins de la survie même du groupe chinois, selon des experts : Huawei dépend largement pour ses téléphones de puces électroniques fabriquées aux Etats-Unis.
D'ailleurs, malgré le délai de 90 jours accordé par Washington pour fermer le robinet de la technologie américaine, plusieurs groupes, dont Panasonic, ont préféré prendre les devants face aux incertitudes planant désormais sur les produits Huawei. Panasonic va par exemple cesser de fournir certains composants, fabriqués complètement ou partiellement aux Etats-Unis, à Huawei et ses 68 filiales soumises à l'interdiction du gouvernement américain.
Le 22 mai, quatre grands opérateurs nippons (KDDI, Softbank) et britanniques (Vodafone, EE) avaient annoncé un report du lancement de nouveaux modèles Huawei, ces appareils pouvant perdre une grande partie de leur intérêt sans l'apport de technologies américaines.
Pékin a haussé le ton annonçant ce 23 mai avoir adressé «une protestation solennelle» à Washington, selon le ministère du Commerce. La veille, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, avait dénoncé un «harcèlement économique» destiné à «entraver le processus de développement» de son pays. Il a promis que Pékin se battrait «jusqu'au bout».
Le porte-parole du ministère du Commerce a averti que les négociations commerciales avec Washington ne reprendraient pas si les Américains ne faisaient pas preuve de «sincérité». Pékin disait jusqu'à présent croire à une reprise des discussions.
Mike Pompeo a pour sa part exprimé l'espoir «que ces deux questions [Huawei et le commerce] restent séparées» mais la guerre commerciale semble de plus en plus dominée par un affrontement technologique autour du géant de la téléphonie.
Déjà lâché par Google, Huawei travaille sur un système concurrent
Ces nouvelles mesures représentent de nouveaux revers pour Huawei, après l'annonce le 19 mai de Google : le mastodonte américain a fait savoir que son système Android, qui équipe l'immense majorité des téléphones dans le monde, n'équiperait plus les futurs smartphones du groupe chinois. Un coup très dur pour le géant de Shenzhen, qui pourrait avoir du mal à vendre ses téléphones sans les applications populaires telles que Maps, Gmail ou YouTube.
En réaction, Huawei travaille sur son propre système concurrent, HongMeng, qui pourrait être prêt en Chine avant la fin de l'année, a rapporté ce 23 mai le média d'information financière CNBC, citant Richard Yu, un haut responsable de Huawei. A l'international, le système serait disponible en début d'année prochaine, selon la même source.
«Si Huawei accélère le développement de son propre système d'exploitation, vu la taille conséquente du marché chinois», il pourrait s'en sortir, souligne pour l'AFP l'analyste financier Hiroyuki Kubota, spécialiste des tensions commerciales sino-américaines.
La recrudescence des tensions commerciales affecte les marchés en Asie comme aux Etats-Unis.
Le Fonds monétaire international a une nouvelle fois mis en garde contre les conséquences néfastes de la guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques mondiales pour la croissance.
Le conflit «pourrait sérieusement détériorer le climat des affaires et la confiance des marchés financiers, perturber les chaînes de production et compromettre la reprise de la croissance mondiale prévue en 2019», a mis en garde la cheffe économiste Gita Gopinath.