Economie

Projet de loi de finances : des avantages fiscaux pour les plus riches qui passent mal

Le projet de loi de finances 2019 a ulcéré de nombreux sénateurs et députés qui reprochent à l'exécutif de favoriser les plus riches. Devant la grogne, la majorité a abandonné un amendement concernant les traders anglais déménageant en France.

Les sénateurs se sont lancés dans le marathon budgétaire le 22 novembre pour examiner le nouveau projet de loi de finances 2019, le texte qui fixe les recettes et dépenses de l'Etat pour un an. Ils ont déposé pas moins de 1001 amendements au texte. Et ont fait entendre leur voix.

Le sénateur communiste Pascal Savoldelli a blâmé «l’avènement d’une course folle vers un ultra-libéralisme sans limites», qui laisserait selon lui «60 à 65 milliards en ristourne aux actionnaires des entreprises».

Nous le disons ici avec force, nous sommes opposés à l’allègement de la contribution au budget de la Nation des plus aisés

Le sénateur socialiste Claude Raynal a de son côté affirmé, à l'unisson avec son groupe politique : «Nous le disons ici avec force, nous sommes opposés à l’allègement de la contribution au budget de la Nation des plus aisés.» 

Alors que défilent les parlementaires de tous bords pour exprimer leur opposition au budget 2019, un sujet a su mobiliser plusieurs forces politiques d'opposition. Des amendements similaires ont ainsi été déposés par les groupes LR, PS, UC, PCF et Les Indépendants, pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscale, dans le contexte des CumEx Files, une enquête menée par plusieurs médias internationaux révélant que 55 milliards d'euros avaient été subtilisés en quinze ans à plusieurs Etats européens, dont la France, par des financiers opérant en bande organisée sur les marchés.

Selon le sénateur socialiste Vincent Eblé, président de la commission des finances, la France aurait perdu dans cette affaire entre un à trois milliards de recettes fiscales par an. Les sénateurs pressent le gouvernement d'agir. «Pas besoin d’attendre, c’est maintenant. Il y a urgence», a fait savoir Vincent Eblé à Public Sénat.

Contestations du budget 2019 à l'Assemblée

Du côté des députés, qui avaient voté pour le projet de loi la semaine précédente à 345 voix contre 200, des voix se sont élevées contre des amendements jugés considérés comme des cadeaux aux plus fortunés. «Vous réduisez surtout le poids de l'impôt pour les plus riches de nos concitoyens», a appuyé Eric Coquerel, député Insoumis de Seine-Saint-Denis, qui a estimé que l’aspect de «contribution égalitaire» de l'impôt était passé à la trappe. 

Selon lui, «à la fin 2019, ce seront les 5% des plus riches qui auront capté 42% des gains des mesures socio-fiscales.» Il s'élevait contre la réforme de l'exit tax en cours depuis 2011, dispositif remplacé par des mesures anti-abus. Jusqu’ici, les Français qui souhaitaient transférer leur domicile fiscal à l'étranger devaient s'acquitter d'un impôt sur leurs plus-values mobilières ou devaient attendre quinze ans avant de vendre leurs actifs ou leurs parts sans être imposés. Désormais, ils ne devront attendre que cinq ans, au-delà de 2,57 millions d'euros de patrimoine mobilier, et seulement deux ans entre 800 000 et 2,57 millions.

Un avantage destiné aux traders britanniques retiré

Réduire de 15 à deux ans ? «Pas dissuasif pour quelqu'un qui veut faire des bénéfices», a estimé Eric Coquerel, qui a avancé que les seuls gilets appréciés du gouvernement étaient les «gilets dorés». Cet aménagement de l'exit tax qui avantagera de riches actionnaires a également fait réagir la députée socialiste du Puy-de-Dôme, Christine Pirès-Beaune.  

Une autre mesure, destinée cette fois aux traders britanniques désireux de s'établir en France afin de fuir le Brexit, a été abandonnée par la majorité. Pour les attirer, Alexandre Holroyd, député LREM des Français de l'étranger, avait eu l'idée d'étendre un avantage fiscal jusqu'ici réservé aux cadres et dirigeants étrangers hors zone euro. Lorsqu'ils sont recrutés par une société française, la prime d'impatriation de ces derniers, qui correspond au montant dédommageant leur mobilité, n'est en effet pas à verser au calcul de l'impôt sur le revenu.

Le projet devait être soumis au vote dans la soirée du 16 novembre, lorsque l’hémicycle est traditionnellement désert. C’était sans compter sur la réactivité de Valérie Rabault, présidente du groupe PS à l'Assemblée nationale, qui a demandé à la majorité de rendre le vote public. En pleine crise des Gilets jaunes, la perspective d'un lever de main dans l’hémicycle pour voter des cadeaux fiscaux aux traders était de nature à faire reculer les députés.

Lire aussi : 577 millions d'euros de recettes de la taxe carburants siphonnés du budget de l'Ecologie