Economie

Le gouvernement renonce à son «panier anti-inflation»

Le projet d'un panier commun à l'ensemble des enseignes ne semble plus d'actualité, la mesure ayant été jugée difficile à mettre en œuvre. Plusieurs distributeurs ont cependant annoncé bloquer les prix d'une série de produits.

L'idée d'un «panier anti-inflation» évoquée par le ministère de l'Economie semble avoir fait long feu face aux réticences de la grande distribution et des agriculteurs. Mi-janvier, Bercy avait dit travailler à l'élaboration d'un panier qui devait comporter dans un premier temps une vingtaine de produits de première nécessité, puis une cinquantaine, mais le projet a trébuché sur l'impossibilité pour le gouvernement d'encadrer trop rigoureusement les prix.

«Nous avons rencontré Bruno Le Maire avant-hier, et il nous l'a confirmé, il n'y aura pas de panier anti-inflation», a déclaré le 4 mars sur France Info la présidente de la FNSEA, le principal syndicat agricole, Christiane Lambert. «C'est compliqué parce que les grands distributeurs ne sont pas forcément d'accord sur le panier», a reconnu de son côté le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau sur RMC

La grande distribution prend la main

Sans attendre de projet gouvernemental, Système U avait été dès début février la première enseigne à lancer son propre panier de «150 produits à prix coûtants» pour «une durée indéterminée», se contentant de la marge minimale prévue par la loi pour ces articles. Ce weekend, Carrefour, Intermarché et Monoprix lui ont emboîté le pas.

Carrefour, par la voix de son PDG Alexandre Bompard, a annoncé le 4 mars au JDD qu'il allait lancer mi-mars son propre «panier anti-inflation» composé de 200 produits vendus en moyenne deux euros et «à prix bloqués» jusqu'à mi-juin, commercialisés sous les marques Carrefour et Simpl.

Intermarché a de son côté annoncé le 5 mars le lancement d'une campagne sur «500 produits anti-inflation», pour 470 d'entre eux des articles de ses propres marques de distributeur et pour 30, des «produits frais de rayons traditionnels – viande, poisson, fruit ou légume», selon un communiqué. Monoprix, enseigne du groupe Casino, a communiqué dans la même journée sur le maintien jusqu'à fin juin de son dispositif «Monopetitsprix» concernant 300 produits à des prix bloqués, auxquels viendront s'ajouter 87 produits supplémentaires à «prix contrôlés».

Le président du comité stratégique des centres Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, rejette pour sa part sur les industriels la responsabilité de la hausse des prix des produits alimentaires, qui s'est accélérée à 14,5% sur un an en février, selon une estimation provisoire de l'Insee. Selon lui, les 10% de hausse en moyenne que les agro-industriels ont réussi à imposer aux grandes surfaces lors des négociations qui viennent de s'achever vont se rajouter aux augmentations passées, si bien que les prix vont monter de 25% en 18 mois. Il a accusé sur Europe 1 les fournisseurs de ne pas avoir été «transparents» et déplore «une sorte de culture industrialiste qui se fait au détriment du consommateur».

Pour le PDG de Carrefour Alexandre Bompard également, le niveau de l'inflation alimentaire «va rester à deux chiffres jusqu'à cet été en s'élevant probablement au-dessus de celui atteint actuellement», a-t-il pronostiqué dans le JDD. Face à cette situation, il s'est dit satisfait que Bruno Le Maire ait «décidé de laisser à chacun la liberté de définir les opérations de son choix».

L'association de consommateurs UFC-Que Choisir avait également fait part de son scepticisme face au dispositif envisagé par le gouvernement, y voyant un «gadget». «Comment 50 produits pourraient répondre à la diversité des besoins selon les types de consommateurs ?», s'interrogeait début février Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation de l'association.

Le Maire annonce un «trimestre anti-inflation»

A l'issue d'une réunion ce 6 mars à Bercy avec les acteurs de la grande distribution, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé le lancement d'un «trimestre anti-inflation», issu d'un accord avec les distributeurs qui se sont engagés à proposer les prix «les plus bas possibles» jusqu'en juin sur une sélection de produits. Le dispositif, financé grâce aux marges des distributeurs, leur coûtera «plusieurs centaines de millions d'euros». En outre, le gouvernement compte déployer dans les prochains mois un «chèque alimentaire» pour les ménages les plus modestes.

Les produits qui seront vendus aux prix «les plus bas possibles» seront «choisis librement» par chacun des distributeurs, a précisé le ministre, et pourront varier d'une région à l'autre. Ils seront identifiables grâce à un logo tricolore «trimestre anti-inflation».

A l'issue de ce «trimestre anti-inflation», Bruno Le Maire a fait part de son intention de rouvrir les négociations commerciales avec les grands industriels «de façon à ce que la baisse des prix de gros, que nous observons sur les marchés mais qui n’est pas encore transmise aux produits de consommation courante, puisse se traduire» sur les produits du quotidien, a esquissé le ministre.

L'inflation en France a de nouveau accéléré en février en s’établissant à 6,2% sur un an, après 6% en janvier, tirée par un bond des prix dans l'alimentation estimé à +14,5% par l’Insee.