Afrique du Sud : l’arrivée de Starlink divise la classe politique

L’arrivée potentielle de Starlink, le service Internet par satellite développé par Elon Musk, suscite un vif débat en Afrique du Sud. Entre souveraineté numérique, politique de transformation économique et investissements étrangers, le projet révèle des tensions profondes au sein de la classe politique sud-africaine.
Le projet d’entrée de Starlink sur le marché sud-africain fait face à une résistance politique notable, menée notamment par le parti Economic Freedom Fighters (EFF). Lors d’un débat parlementaire sur le budget du ministère des Communications, le député Sinawo Thambo a affirmé que Starlink « ne devait jamais être autorisé à opérer en Afrique du Sud ».
Opposition farouche
Selon lui, le gouvernement chercherait à modifier les règles du secteur des télécommunications pour faciliter l’entrée de Starlink, en contournant des dispositions essentielles de la politique de Black Economic Empowerment (B-BBEE).
Actuellement, cette législation impose aux entreprises étrangères de céder au moins 30 % de leur capital à des Sud-Africains noirs. Or, une nouvelle proposition, défendue par le ministre des Communications, Solly Malatsi, introduit des « programmes d’équivalence d’équité » (EEIP).
Ces dispositifs permettraient aux entreprises de satisfaire aux exigences de transformation via des investissements ou des initiatives locales, sans obligation de cession de capital.
Des voix au sein même du Congrès national africain (ANC), comme Khusela Diko, ont également critiqué cette réforme, y voyant une tentative déguisée de créer un passe-droit réglementaire pour Elon Musk. Pour l’opposition, ces ajustements sapent les objectifs historiques de rééquilibrage économique et menacent la souveraineté numérique du pays.
Des partisans qui misent sur l’innovation et l’investissement
De son côté, le ministre Malatsi défend un projet plus large de modernisation du secteur des TIC, estimant que l’introduction de programmes comme les EEIP permettrait d’attirer davantage d’investissements étrangers, sans pour autant remettre en cause les principes d’inclusion. Il a nié tout traitement de faveur envers Starlink, affirmant que la réforme vise à adapter le cadre réglementaire aux réalités technologiques actuelles.
Les partisans de l’ouverture à Starlink avancent plusieurs arguments : l’accès Internet par satellite permettrait de réduire la fracture numérique, notamment dans les zones rurales mal desservies, et stimulerait l’innovation dans les infrastructures de télécommunications. Pour eux, l’Afrique du Sud ne peut se permettre de rester à l’écart d’une technologie déjà déployée dans plus de 70 pays.
Cependant, même en cas d’adoption des nouvelles règles, la mise en œuvre opérationnelle prendra du temps. D’après Dominic Cull, expert en régulation des télécommunications, il faudra entre 18 mois et deux ans pour que l’autorité sud-africaine des communications (ICASA) soit en mesure de délivrer des licences dans le cadre du nouveau dispositif. Ainsi, aucun déploiement effectif de Starlink n’est envisagé avant la fin de l’année 2027.
Un débat technologique devenu politique
Au-delà des considérations légales et économiques, le dossier Starlink s’est aussi chargé d’une dimension personnelle. Elon Musk, né en Afrique du Sud, a publiquement critiqué les lois d’autonomisation en affirmant ne pas pouvoir opérer dans son pays natal « parce qu’il n’est pas noir ». En retour, Julius Malema, leader de l’EFF, l’a traité de raciste. Ces passes d’armes sur les réseaux sociaux ont contribué à politiser davantage un débat déjà sensible.
Le cas Starlink illustre ainsi les tensions croissantes entre ouverture technologique, exigences de souveraineté économique et régulation locale. Un équilibre complexe que l’Afrique du Sud devra définir dans les années à venir.