«La France dans les bras du RN» : la presse algérienne n’en revient pas
Au Maghreb, les résultats des législatives françaises anticipées ne laissent pas les opinions publiques indifférentes, mais c’est du côté de l’Algérie que les réactions sont les plus passionnées. À chaud, la victoire du RN au premier tour défraie déjà la chronique dans la presse du pays.
La presse algérienne, très attentive d’habitude aux développements de la vie politique française, a été particulièrement loquace ce 1er juillet, au lendemain du premier tour des législatives anticipées en France, où le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête avec 33,15% des suffrages, suivi du Nouveau Front populaire (NFP), à 28,9%, et du camp d’Emmanuel Macron, qui totalise 20,8 % des voix.
«Ce n’est pas une vue de l’esprit !», s’exclame à chaud un éditorial du quotidien L’Expression qui, visiblement, n’en revient pas de cette victoire du Rassemblement national, un « parti d'extrême droite raciste et xénophobe», selon le journal. « La France dans les bras du RN», titre l'éditorialiste, en décrivant cette performance comme un «rêve qui se concrétise» pour l'ancien parti de Jean-Marie Le Pen, un «tortionnaire notoire», selon les mots de L’Expression, et un «défenseur farouche» de l'Algérie française, «dont l'indépendance lui est restée en travers de la gorge», persifle le quotidien.
«Le loup est dans la bergerie»
«Le loup est désormais dans la bergerie», dramatise encore l’éditorialiste algérien, qui tire à boulets rouges sur le parti nationaliste français, tout en expliquant sa montée prévisible, par la déception des Français et «par la manière dont sont gérées les affaires de leur pays». Des Français, conclut-il, désormais décidés à «tenter l'aventure avec un parti xénophobe».
Beaucoup moins agressif, Le Soir d’Algérie n’en reste pas moins alarmiste : «Le ton est donné et la menace est claire», avertit le quotidien, craignant pour l’avenir des quelque «3,3 millions de binationaux» algéro-français menacés par la montée au pouvoir du RN, qui constituerait selon le journal «une grave entrave aux lois de la République et à sa devise : Liberté, égalité, fraternité.»
Plus pondéré, le site internet TSA (Tout sur l’Algérie), tout en soulignant le caractère «historique» de ce vote pour l’extrême-droite «portée aussi proche du pouvoir», reste persuadé que les résultats dévoilés le 30 juin «ne signifient rien pour le contrôle du gouvernement».
Tout reste encore possible dans un scrutin uninominal à deux tours, relève TSA, qui, s'il semble peu croire en une alliance entre la Macronie et le NFP au prochain tour, reste néanmoins persuadé qu'il s'agit de la «seule option qui s’offre à tous ceux qui ne veulent pas de l’extrême-droite au pouvoir».
«Une France ingouvernable»
Pour le média algérien, ces élections risquent en tout cas de déboucher soit sur «une France dirigée par l’extrême-droite», soit sur «une France ingouvernable», ou encore sur «une situation ouverte sur tous les scénarios». Selon TSA, le grand enjeu est de savoir, dans l’avenir, «comment enrayer cette montée inexorable de l’extrême-droite dans la société et dans les urnes».
«L’extrême droite aux portes du pouvoir», s’alarme pour sa part le quotidien El Watan en regrettant l’atmosphère qui «était à la déprime hier soir», alors que Le Courrier d’Algérie avertit contre la montée du racisme en France, tout mettant l’accent toutefois sur le fait que le parti «lepénien» n’a pas eu la majorité pour diriger le prochain exécutif sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Oscillant entre résignation alarmiste au lendemain du premier tour et optimisme prudent pour l’issue du vote au deuxième tour, la presse algérienne est fortement bouleversée face à ce que la presse de nombreux pays a qualifié de «séisme en France». Cette victoire du RN au premier tour des élections législatives augure d’une semaine sous haute tension et défraie déjà la chronique en Algérie. Elle fera couler, sans doute, encore plus d’encre dans les prochains jours.