Sénégal : le président Sall assure qu’il quittera le pouvoir le 2 avril
- Avec AFP
Le président sénégalais Macky Sall a laissé le 22 février en suspens la date de la présidentielle dont il avait décrété le report, tout en assurant qu'il quitterait son poste comme prévu le 2 avril, que son successeur soit connu ou non.
Le président Sall, au pouvoir au Sénégal depuis 2012, a dissipé le 22 février dans un entretien avec des médias sénégalais les incertitudes sur son départ à l'échéance de son mandat, mais pas celles sur la tenue, avant ou après le 2 avril, de cette élection dont l'ajournement a provoqué l'une des plus graves crises politiques traversées par son pays depuis des décennies.
Face aux tensions actuelles, il a suspendu la décision sur la date du scrutin à un dialogue qu'il entend mener à partir du 26 février, affirmant sa volonté d'apaisement. Il a ouvertement envisagé la possibilité de libérations pour les deux opposants antisystème Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye.
«Pour ce qui est de la date, on verra ce que le dialogue proposera, a-t-il déclaré. «L'élection peut se tenir avant ou après le 2 avril», a-t-il ajouté. Interrogé sur l'éventualité qu'elle se tienne d'ici au 2 avril, il a répondu : «Je ne le pense pas.» Il a indiqué qu'il aurait des discussions les 26 et 27 février, d'abord avec les candidats, puis avec les autres acteurs politiques et sociaux. «Au sortir du dialogue», le 27 février, «il faut qu'on ait une date», a-t-il déclaré.
En ce qui le concerne, «le 2 avril 2024, ma mission se termine à la tête du Sénégal», a-t-il déclaré, se montrant piqué au vif par le soupçon ancien qu'il pourrait chercher à se maintenir en poste plus longtemps que prévu. Si les Sénégalais ne peuvent se rendre aux urnes d'ici au 2 avril, c'est le Conseil constitutionnel qui prendra le relais, a-t-il assuré. «Il appartiendra au Conseil constitutionnel de dire ce qui doit être fait», a-t-il ajouté.
Le Sénégal, volontiers vanté pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques bien qu'ayant connu de graves troubles politiques par le passé, est plongé dans l'inconnu depuis la décision début février du président Sall et de l'Assemblée nationale de reporter au 15 décembre la présidentielle prévue le 25 février. Ce report, dénoncé comme un «coup d'État constitutionnel» par l'opposition, a provoqué une commotion dans l'opinion et des manifestations qui ont fait quatre morts.
Sall «prêt» à libérer Ousmane Sonko avant la présidentielle
Le Conseil constitutionnel a opposé la semaine dernière son veto à cet ajournement et au maintien du président Sall à son poste jusqu'à l'installation de son successeur. Le Conseil a constaté l'impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l'organiser «dans les meilleurs délais».
Malgré les spéculations sur la tentation d'un passage en force, le président Sall avait confirmé le lendemain son intention de respecter la décision du Conseil et de mener «sans tarder les consultations nécessaires» à l'organisation du scrutin.
Depuis lors, rien n'a filtré officiellement des discussions qu'il aurait menées, en dépit de déclarations à la presse de personnalités disant avoir joué les bons offices, y compris auprès d'Ousmane Sonko, personnage principal d'un bras de fer avec l'État qui a donné lieu à plusieurs épisodes de contestation meurtrière depuis 2021.
Ousmane Sonko est emprisonné depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle, mais la candidature de son second, Bassirou Diomaye Faye, détenu également, a été validée par le Conseil constitutionnel.
Le président Sall s'est dit le 22 février disposé à la clémence envers ses anciens adversaires, et a envisagé la possibilité de grâces ou d'une loi d'amnistie. «Oui, je suis prêt à aller aussi loin pour que tous bénéficient de ce pardon et que le Sénégal aille vers ces élections de manière apaisée», a-t-il déclaré au sujet d'une éventuelle libération d’Ousmane Sonko. Quant à Bassirou Diomaye Faye, il «peut avant ces lois bénéficier d'une liberté provisoire pour répondre à l'appel du dialogue», a-t-il ajouté.
Une fragile détente et de nouveaux appels à la mobilisation
Le président Sall a demandé le 21 février au ministère de la Justice de finaliser des textes «pour matérialiser la volonté de réconciliation et de pardon». Une loi d'amnistie des prisonniers avait été évoquée il y a une semaine. Plusieurs centaines de détenus ont été relâchés depuis la semaine dernière, contribuant à une fragile détente.
Mais la société civile, qui a mobilisé plusieurs milliers de personnes le week-end passé, a prévu un nouveau rassemblement le 24 février à Dakar pour maintenir la pression sur le pouvoir, tout comme le camp présidentiel pour soutenir Macky Sall.
Les partisans de Bassirou Diomaye Faye ont accusé le 21 février au soir le président Sall de traîner les pieds, comme la très grande majorité des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel. Il n'acceptera de discuter que pour fixer «sans délai» la date de la présidentielle, et celle-ci devra avoir lieu avant le 2 avril, a-t-il prévenu dans un communiqué.
Le président a justifié le report de l'élection par les vives querelles survenues au cours du processus préélectoral. Il a dit vouloir une élection incontestable, s'inquiétant du risque de nouveaux accès de violence après ceux de 2021 et 2023.
L'opposition soupçonne le camp présidentiel de vouloir s'arranger avec le calendrier par crainte de la défaite de son candidat, le Premier ministre Amadou Ba, désigné par le président Sall pour lui succéder.