Les Russes ont depuis longtemps été choqués par la façon dont les médias étrangers décrivent leur pays. La gaffe récente de Time, qui a confondu sur sa couverture une cathédrale avec le Kremlin, en rajoute à la collection.
L'une des raisons principales pour la création de RT il y a près de douze ans était l'exaspération des Russes à l'égard de l'épouvantable couverture de leur pays dans la presse occidentale – problème causé par une dépendance auprès de correspondants mal formés envoyés à Moscou et l'ignorance volontaire des agences de presse. Sans parler d'une sorte de mentalité de ruche quand les médias et les journalistes présentent des stéréotypes comme des faits.
Ce triste état de choses a donné lieu à de nombreux papiers affligeants, des «experts» répandant les rumeurs sur la mort de Vladimir Poutine ou des articles sur ce qu'il mange prétendument pour le petit déjeuner. On a également suggéré que la Russie était sur le point d'imploser ou de prendre le contrôle du monde, souvent en même temps. Cela dit, je ne me souviens pas de quelque chose d'aussi stupide que ce que Time Magazine a mis en couverture de sa dernière édition.
Pour aggraver les choses, l'auteur de l'article est un ancien membre du «hack pack» – titre du groupe que les journalistes occidentaux travaillant dans la capitale russe ont choisi pour eux-mêmes
Vous avez probablement déjà vu cette «œuvre d'art». Elle montre la Maison Blanche consommée par la cathédrale Saint-Basile de Moscou, une église emblématique située sur la place Rouge. Cette illustration de Time semble montrer comment l'église orthodoxe russe s'en prend à la présidence américaine.
Sauf que ce n'est évidemment pas l'intention de la publication. Parce qu'il est clair qu'ils voulaient illustrer le Kremlin, pas un bâtiment sacré, dominant la résidence du président américain. Et c'est certainement ainsi que cela a été perçu par les personnalités médiatiques et organisations américaines, telles que le rédacteur en chef de NBC Bradd Jaffy (avec ses 2 800 partages sur Twitter) et USA Today.
Pour aggraver les choses, l'auteur de l'article Massimo Calabresi est un ancien membre du «hack pack» – titre du groupe que les journalistes occidentaux travaillant dans la capitale russe ont choisi pour eux-mêmes. On pourrait donc s'attendre à ce qu'il sache que Vladimir Poutine ne travaille pas dans une église ! Ou dans une mosquée, d'ailleurs. C'est de cette manière que CNN a présenté la couverture, en qualifiant les dômes en oignon du bâtiment de «minarets» – vraisemblablement parce que la religion chrétienne orthodoxe n'est pas assez effrayante pour eux.
Comment voir la différence
Quoi qu'il en soit, pour le bénéfice de Massimo Calabresi et de ses compagnons de la presse américaine, laissez-moi vous expliquer comment vous pouvez repérer les différences entre Saint-Basile et le Kremlin. Le monument est également connu sous le nom de cathédrale de Vassili le Bienheureux, et a été commandé en 1555 par Ivan le Terrible pour célébrer ses nouvelles conquêtes territoriales.
Le véritable Kremlin de Moscou est le bureau officiel du président de la Russie et se trouve de l'autre côté de la place Rouge
Saint-Basile est située à l'est du Kremlin, entre le pont Bolshoï Moskvoretskiï et le fameux centre commercial Goum. La cathédrale est gérée depuis 1928 par le Musée historique d'Etat. Les services religieux y ont été interdits sous le régime de Staline et n'ont repris qu'en 1990, une fois par semaine.
Le véritable Kremlin de Moscou est le bureau officiel du président de la Russie et se trouve de l'autre côté de la place Rouge. En outre, ce n'est pas le seul «Kremlin» du pays, mot qui veut d'ailleurs dire «forteresse à l'intérieur d'une ville», il y en a plusieurs autres un peu partout en Russie. Par exemple Kazan, Iaroslavl et Rostov, entre autres, possèdent leur propre Kremlin.
Celui de la capitale auquel se réfère Time est façonné comme un triangle irrégulier et entoure la place des Cathédrales. Dans le coin nord, vous trouvez l'Arsenal du Kremlin. Le président lui-même travaille à côté, au Sénat du Kremlin, zone hautement sécurisée qui n'est pas accessible au public.
La comparaison
Le faux pas de Time est similaire à l'utilisation de l'image du Washington Monument ou du Musée Smithsonian quand on parle de la Maison Blanche. Quelque chose qui trahirait la paresse intellectuelle et un manque d'expertise de la part de toute la publication.
Il y a en effet deux Russies : celle dans laquelle vivent 145 millions de personnes et son rendu incorrect que les Occidentaux transmettent dans leurs médias scandaleusement partiaux
Mais, malheureusement, l'incompétence, l'inertie, et l'ignorance sont toutes trop présentes dans la couverture occidentale de la Russie – avec des récits d'experts trop inaptes, incompétents et amateurs. Cette incompétence se nourrit dans les rédactions des pays qui traitent les affaires russes avec une approche paresseuse et molle qui n'est pas appliquée aux autres pays.
Elle provoque également une sensation que partagent les Russes anglophones et ceux qui voyagent à l'étranger : ils sont dans l'incapacité de reconnaître leur propre pays dans la façon dont il est décrit, illustré et couvert en Occident.
Il y a en effet deux Russies : celle dans laquelle vivent à peu près 145 millions de personnes et son rendu incorrect que les Occidentaux transmettent dans leurs médias scandaleusement partiaux.