RT France :Le Parlement européen vote le 15 février sur le CETA, ce traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Vous estimez que ce vote est inconstitutionnel. Pourquoi ?
Damien Lempereur (D. L.) : Il faut rappeler ce que c’est, le CETA. C’est un traité entre l’Union européenne et le Canada qui est totalement déséquilibré, puisque dans le cadre de ce traité, par exemple, on ouvre 70% des marchés publics aux canadiens tandis que les Européens n’auront accès qu’à 30% des marchés publiques canadiens. En ce qui concerne les appellations géographiques contrôlées, je crois qu’il y a seulement 10% des appellations européennes qui sont reconnues, alors que le Canada va pouvoir continuer à exploiter les siennes etc.
Je pense qu’il est inconstitutionnel parce qu’il va à l’encontre de la souveraineté nationale, de la Constitution française, et qu’il porte atteinte à plusieurs principes constitutionnels, comme par exemple, le principe d’égalité, d’égal accès à un tribunal indépendant. Le CETA va généraliser les procédures d’arbitrage et il se trouve que seules les grandes entreprises canadiennes vont pouvoir faire appel à ces juridictions qui sont mises en place par le traité et donc pas les entreprises françaises qui devront recourir aux procédures traditionnelles.
C’est vraiment un deal entre Bruxelles et le Canada, et en plus un deal qui est inéquitable puisqu’il est déséquilibré en faveur du Canada
Je considère que ce traité est inconstitutionnel parce qu’il porte aussi atteinte au principe de précaution : on pense immédiatement aux OGM, au bœuf aux hormones, à tout ce que la libéralisation mise en œuvre par le CETA va produire, en ce qui concerne notre agriculture – c’est-à-dire la destruction finale de ce qui reste encore de notre agriculture française.
On voit bien que dans le cas de cet accord, les Etats membres ne sont même pas parties aux différents comités qui vont être mis en place, c’est vraiment un deal entre Bruxelles et le Canada, et en plus un deal qui est inéquitable puisqu’il est déséquilibré en faveur du Canada.
Tout ce qui a été refusé aux Etats-Unis, nous l’acceptons avec le géant canadien
RT France :Donc en fait cet accord profite plus au Canada qu’à l'UE, et donc qu'à la France ?
D. L. : Il viole notre souveraineté nationale qu’on a déjà largement perdue en faveur de Bruxelles. Mais сe qui est aussi important, c'est que le président Hollande a fait semblant de refuser le TAFTA, le traité de libre-échange négociaé avec les Etats-Unis. On a vu des larmes de crocodile ou de fausses indignations sur le TAFTA, mais ce sont en fait les mêmes personnes qui ont ratifié le CETA avec le Canada qui est le grand pays, qui est voisin des Etats-Unis avec une frontière économique totalement perméable. Donc, faire semblant de refuser le TAFTA pour signer un accord avec le pays voisin de façon à ce que les produits puissent circuler est une sorte de tartuferie, même une sorte d’indécence. Tout ce qui a été refusé aux Etats-Unis, nous l’acceptons avec le géant canadien.
Les responsables politiques français ne travaillent pas dans l’intérêt de leur peuple, ils travaillent dans l’intérêt des multinationales
RT France :Pourquoi, à votre avis, est-ce que le CETA a été signé ?
D. L. : Parce les responsables politiques de l’Union européenne et les responsables politiques français qui leur sont soumis, ne travaillent pas dans l’intérêt des peuples européens. Ils travaillent dans l’intérêt des multinationales. Comme ils ont vu que la résistance était trop forte avec le TAFTA, ils passent par le Canada et ils aboutiront exactement au même résultat, sachant que le Canada et les Etats-Unis sont dans une zone de libre-échange quasiment intégrale. La rencontre entre Donald Trump et Justin Trudeau a encore rappelé que les échanges commerciaux entre les deux pays étaient très importants.
Donc, en fait l’Union européenne est en train de la faire à l’envers. Ils vont nous imposer un CETA en faisant semblant de refuser le TAFTA. C’est totalement indécent, très hypocrite et très révélateur de l’hypocrisie de ces gens. Sans parler du fait que, bien entendu, le peuple français n’est pas consulté, les peuples européens ne sont pas consultés, bref, tout cela se fait dans des conditions qui sont totalement antidémocratiques. On a bien vu que la Wallonie en Belgique, qui avait commencé à discuter du texte de façon un peu plus démocratique, était parvenue à paralyser les négociations.