Netanyahou se positionne en tant qu’agent de guerre de Trump au Moyen-Orient

La visite du premier ministre israélien à Washington pourrait être le coup de départ d'un nouveau chapitre de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, considère le journaliste Martin Jay.

La dernière fois que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, s’est rendu auprès d'un président américain, il a été escorté vers la porte arrière de la Maison Blanche. Il n’y a aucune chance que cela arrive le 15 février, quand il rencontrera Donald Trump et présentera ses arguments pour déterminer les principaux problèmes de la région afin de désigner les coupables et de décider comment les traiter.

Il n’est pas difficile de deviner qui sont les suspects habituels, mais certains pourraient constater que la guerre en Syrie et l’émergence de Daesh, ont maintenant rendu les objectifs d’Israël plus difficiles à accorder avec ceux des Etats-Unis.

Auparavant, à l’époque de Barack Obama, ces deux prismes n’étaient certainement pas parfaitement alignés. Mais avec Donald Trump aux commandes, les deux hommes peuvent se détendre sachant qu’ils ont plus ou moins la même vision idéologique du statu quo qui règne dans la région depuis des décennies concernant la politique étrangère américaine : Israël en tant que meilleur ami, l’Arabie saoudite comme plus grand allié, et l’Iran comme ennemi qui menace la stabilité dans l’ensemble de la région.

Il est donc peu probable que les deux hommes aient des divergences sur les questions essentielles, mais plutôt sur la façon de les aborder.

Benjamin Netanyahou va sans soute essayer de convaincre Donald Trump d'accepter sa politique de colonisation, qui s'est intensifiée ces dernières semaines. Si le leader israélien pourrait être forcé d'accepter un compromis et d'accepter une nouvelle loi les approuvant, cela ne fera – comme des frappes aériennes sur Gaza – que perturber les relations entre Donald Trump et les pays arabes les plus essentiels.

Il pourrait y avoir d’autres moments délicats dans les relations américano-israéliennes, si le dirigeant israélien évoque les commentaires de Donald Trump sur l’Holocauste et comment il devait être commémoré.

Et puis, il y a Gaza. Benjamin Netanyahu est toujours engagé dans une solution binationale, et les récentes frappes aériennes dans le secteur ne peuvent  être justifiées que par l'explication selon laquelle le Hamas est une organisation terroriste et qu’elle doit être traitée comme telle. En effet, il est attendu que Benjamin Netanyahou démontre que tous les problèmes du Moyen-Orient peuvent être réduits à des groupes terroristes, au Hezbollah et à l’Iran.

Toutefois, les Américains de sa génération et de son orientation politique ont du mal à voir au-delà des attaques du Hezbollah contre des Américains dans les années 1980 à Beyrouth, qualifiant ainsi le groupe libanais de «terroriste», et encore plus de mal à concevoir que les Saoudiens et les Qataris ont été les sponsors majeurs de Daesh et d’Al-Qaïda.

Benjamin Netanyahou ne va pas faire remarquer à Donald Trump que la politique américaine de ces dernières années a aggravé indirectement, et parfois directement, les situations déjà complexes dans la région, en finançant certains groupes islamiques qui combattent en Syrie. Que Barack Obama, en dépit de sa volonté de mettre fin à la polarisation du Moyen-Orient, ait aussi vendu des armements d’une valeur totale de plus de cent milliards de dollars au gouvernement saoudien en étant conscient, comme beaucoup de gens l'affirment, du fait qu’ils fournissaient des armes à Daesh et à Al-Qaïda en Syrie est une ironie qui contrariera de nombreux personnages de la scène la politique américaine.

Maintenant, l'Iran est bien placé pour frapper les militaires américains si les Etats-Unis attaquent son armée

La Syrie pourrait bien être un sujet de désaccord entre les deux hommes. Selon des informations publiées dans la presse israélienne, Benjamin Netanyahou veut que Daesh soit détruit, mais, aujourd’hui, il y a peu de preuves pour appuyer cette idée. Le problème pour Israël est que si Deash est supprimé, cela signifie que la majeure partie de la Syrie sera contrôlée par les alliés de Bachar el-Assad, et notamment le Hezbollah.

Netanyahou préférerait que le groupe militant libanais ne soit pas à proximité de sa frontière nord, en particulier du Plateau du Golan. Pour lui, le moyen d’atteindre un progrès en Syrie est de chasser Assad, et Daesh et Al-Qaïda jouent au moins un rôle dans ce processus. En attendant, Donald Trump veut complètement éliminer ces groupes musulmans extrémistes et cherche le soutien de la Turquie dans la résolution de ce qui semble être le nouveau problème d’Israël : s'il n'y a pas plus de groupes terroristes islamiques en Syrie, cela ne renforce-t-il pas Assad, le Hezbollah et l'Iran ?

L'Iran sera au cœur des discussions.

Netanyahou devrait obtenir les garanties nécessaires que Donald Trump est vraiment le faucon anti-régime iranien qu’il prétend être. Le principal soutien de Trump sur la question de l'Iran, son chef de la Défense James Mattis, voudrait - comme Benjamin Netanyahou - rien de moins que bombarder l'Iran, tout comme Steve Bannon - probablement son conseiller le plus proche.

Au cours de ces dernières années, cependant, principalement à cause du renforcement de la présence de l'Iran dans la région, mais aussi en raison de la guerre de Barack Obama contre Daesh en Irak, où l'Iran envoie beaucoup de milices, les choses se sont compliquées. Désormais, l'Iran est bien placé pour frapper les militaires américains si les Etats-Unis attaquaient son armée de quelque façon que ce soit, ce qui aura des implications économiques aussi bien que politiques.

Le leader israélien a-t-il déjà obtenu l'aval de Downing Street ?

«Pour affronter l'Iran ou répondre à son offensive de la façon la plus intense, vous devez vous considérer être dans un conflit d’une bien plus grande portée et d'un potentiel bien plus destructeur pour l'économie mondiale que beaucoup de nos alliés et le public américain sont prêts à supporter», a récemment déclaré Nicholas Heras du Center for a New American Security au Washington Post.

Ainsi, il est probable que les deux hommes se mettent d’accord qu'une guerre directe avec l'Iran est difficilement envisageable, mais qu'une politique de durcissement vis-à-vis du régime est plus séduisante comme politique réaliste.

Bien que Netanyahou ait encore l'espoir de briser l'accord avec l'Iran, il est plus probable que Trump tente de mobiliser un nouveau soutien international pour lancer une nouvelle série de sanctions, tout en examinant les endroits où une initiative militaire contre Téhéran pourrait être effectuée par des mandataires.

De toutes les options qui existent pour frapper l'Iran, la plus probable sera l’élaboration d’une stratégie à plus long terme contre Bachar el-Assad en Syrie. Assad est le maillon le plus faible et les Etats-Unis pourraient orchestrer et financer une nouvelle guerre de procuration contre lui, dans le but de déstabiliser l'Iran. Si les Iraniens ne sont pas sûrs que la Russie les soutienne si les Etats-Unis les attaquent, dans ce cas l'argument en faveur d'une possible attaque contre Bachar el-Assad serait plus fort. Le lien de Moscou avec Bachar el-Assad est souvent surévalué et Donald Trump peut demander à Benjamin Netanyahou de se prononcer sur la question de savoir si, pour Vladimir Poutine, le fait d’arrondir les angles dans un changement de régime en Syrie pourrait être un compromis, le président américain éliminant les sanctions russes.

Les préparatifs pour lancer de nouvelles attaques contre le régime d'Assad seraient-ils déjà en cours ? Le Congrès a signé un projet de loi pour autoriser les ventes de missiles sol-air aux rebelles syriens juste une semaine avant que Barack Obama ne quitte son bureau. Ces «MANPADS» pourraient-ils avoir quelque chose à voir avec le nouveau plan de sécurité de Donald Trump en Syrie portant avant toute chose, semble-t-il, sur la création des zones militaires avec une «zone d'exclusion aérienne» à protéger ? S'il veut sérieusement mettre en pratique ce plan, faisant potentiellement de la Russie un adversaire, il aura certainement besoin du soutien d'alliés régionaux qui ont des forces aériennes considérables, comme l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Turquie et Israël.

Donald Trump écoutera attentivement Benjamin Netanyahu, qui a rencontré Theresa May à Londres quelques jours plus tôt. Le Premier ministre britannique pourrait bien soutenir un plan de changement de régime en Syrie si Donald Trump pouvait lui apporter son soutien dans d'autres domaines, comme le commerce et un bon accord sur le Brexit, alors qu'une guerre avec l'Iran sera difficile à vendre aux électeurs fatigués et un groupe de presse belligérant la pousse déjà vers cette solution ?

Le leader israélien a-t-il déjà obtenu l'aval de Downing Street ?

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