Daesh et la «menace russe» dans le même rapport : le Parlement européen «a perdu le bon sens»

Etonné par la récente résolution du Parlement européen appellant à «contrer la propagande russe», l'eurodéputé français du Rassemblement bleu Marine, Jean-Luc Schaffhauser, dénonce la «dérive totalitaire des institutions européennes».

Les eurodéputés se sont exprimés le 23 novembre en faveur d'une résolution appelant les pays de l'Union à «répondre à la guerre de l'information menée par la Russie et les terroristes islamistes avec des messages plus positifs, de la sensibilisation et de l'éducation grâce à des textes informatifs».

304 députés ont soutenu la résolution, 179 ont voté contre, alors que 208 se sont abstenus.

RT France : Le texte de la résolution réclame l'augmentation du financement de projets de contrepropagande. A quel point ces mesures sont-elles justifiées ?

Jean-Luc Schaffhauser (J.-L. S.) : Je suis étonné par la dérive totalitaire des institutions européennes. Nous pourrions nous interroger sur la propagande d'autrefois, puisque le système a changé vu la nouvelle donne électorale avec le président élu. Nous pourrions nous interroger sur la persistence de la propagande américaine, puisque nous constatons qu'il y a un vrai changement dans ce pays, que le peuple a parlé et qu'il a parlé dans le bon sens et voilà qu'on se préoccupe de la propagande russe. Mais en fin de compte, surtout au sein de cette enceinte du Parlement, il n'y a pas de propagande russe. Il y a simplement un nombre de personnes qui rappellent la réalité et la réalité n'est pas admise par ce Parlement.

Quand on arrive au point de ridicule, en mettant dans le même rapport la menace de Daesh et la menace russe, c'est qu'on a vraiment perdu le bon sens

Mais vous savez, c'est comme la réalité que représentait Donald Trump aux Etats-Unis : elle n'était pas acceptée par l'intelligentsia, la nomenclatura, la super-élite, qui prétend mettre à son actif la démocratie uniquement quand elle va dans le bon sens – parce qu'on n'est pas démocratique, même quand le peuple s'est exprimé, s'il ne suit pas le bon sens de cette nomenclatura – et veut mettre à profit toutes les institutions au service de sa seule propagande. Il n'y a même pas de possibilité de dire la vérité : dès lors que vous dites la vérité, vous faites de la propagande. Nous sommes certainement dans un système de type totalitaire.

RT France : La comparaison entre l'opposition aux médias russes et la lutte contre le terrorisme international, y compris Daesh, est-elle vraiment justifiée ?

J.-L. S. : Quand on arrive au point de ridicule, en mettant dans le même rapport la menace de Daesh et la menace russe, c'est qu'on a vraiment perdu le bon sens. Nous ne savons pas s'il faut en rire ou en pleurer... Heureusement qu'on a les médias russes, qu'on a beaucoup de médias qui sont contre la propagande officielle en Europe dans nos établissements, au sein du Parlement, où on refuse de voir l'évidence et la vérité. Heureusement qu'il y a des médias qui sont indépendants ou qui donnent un autre son de cloche. Heureusement parce qu'il y va de notre démocratie, c'est bien elle qui les embête d'ailleurs.

RT France : La résolution appelle les pays de l'UE à coopérer avec l'OTAN pour faire barrage à la propagande russe. L'opposition à des médias, nécessite-t-elle vraiment la coopération avec un bloc militaire ?

J.-L. S. : En ce qui concerne cette alliance avec l'OTAN, le problème est le suivant : j'ai écouté son secrétaire général à Bruxelles vendredi dernier, le 18 novembre. Je lui ai posé la question : «Monsieur le secrétaire général, les Etats-Unis changent leur logiciel, mais vous ne changez pas le vôtre ! L'OTAN est-il encore un instrument au service de la paix ou est-il un instrument au service de votre propagande, d'une «élite» mondialisée, au service d'intérêts financiers et d'une oligarchie qui n'est pas populaire, qui n'a pas le soutien des peuples ?»

L'Union européenne est en train de s'écrouler par ses propres contradictions

Aujourd'hui nous sommes en décalage complet par rapport au rapport d'Anna Fotyga qui malheureusement sera suivi par ce Parlement. En cela, on montre une fois de plus que le Parlement est inapte à la démocratie qu'il veut pourtant représenter.

RT France : Les auteurs de la résolution affirment que le gouvernement russe «utilise avec acharnement une large gamme de moyens et d'arguments» dans le but de faire s'écrouler l'UE. D'où viennent ces thèses ?

J.-L. S. : L'Union européenne est en train de s'écrouler sous ses propres contradictions. Elle parle de démocratie, mais en 2005 nous avons rejeté le traité constitutionnel. Voilà qu'on le représente différemment et contre la volonté des peuples, au Pays-bas et en Irlande notamment. Il faut voter jusqu'à ce qu'on soit sûr que le peuple a bien voté. Nous sommes dans une caricature de démocratie. Et quand la vérité revient et qu'on ne veut pas remettre en question l'idéologie officielle. Il faut qu'il y ait un ennemi responsable de cette situation.

RT France : Le projet de résolution appelle à ce que les pays de l'Union européenne soumettent «des initiatives juridiques concrètes» pour avoir plus de responsabilité dans la résolution du «problème de désinformation et de propagande».


J.-L. S. : Absolument, vous l'avez dit. Vous avez le droit de penser ce que nous pensons, nous, l'élite européïste.

Si on rentrait dans un système aussi totalitaire, cela ne ferait que jeter encore plus de discrédit sur l'institution européenne

Nous devrions mettre en comparaison les moyens qu'ont les médias principaux et les moyens qu'ont les médias marginaux et qui tentent, malgré tout, à donner la vérité. Et vous verriez que le rapport est de 1 à 20, peut-être même de 1 à 100... Mais heureusement qu'il y a ces voix divergentes. Il y va de la véritable démocratie, des véritables droits de l'homme et des capacités qu'ont les peuples maintenant de se rebeller contre les institutions qui sont contre la démocratie, les droits de l'homme et le droit à l'information. C'est la base même de la démocratie.

RT France : Ce document a-t-il des chances d'être appliqué dans la pratique ?

J.-L. S. : Non. Je pense que si on rentrait dans un système aussi totalitaire que le voudrait le rapport Fotyga, cela ne ferait que jeter encore plus de discrédit sur l'institution européenne. Nous allons vers une rupture avec ces institutions. Et ce ne sont pas les propagandes, mais les peuples qui le veulent.

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