Education nationale : c'est plus «une affaire d’idéologie que de politique»

L'idéologie de l’Education nationale a pour but d’abaisser le niveau des exigences pour faire croire que le niveau des élèves se maintient ou augmente, selon la secrétaire nationale du Mouvement républicain et citoyen à l'Education Fatiha Boudjahlat.

RT France : A quelle périodicité met-on à jour les manuels scolaires ? Cela dépend-il de l’agenda politique ?

Fatiha Boudjahlat (F. B.) : Il n’y a pas de périodicité fixée. En général on change les manuels quand il y a un changement de programme ou quand les manuels sont trop abîmés. Cela peut se décider au niveau de chaque établissement, mais c’est sur fonds propres. Ce qui s’est passé cette année c’est assez exceptionnel, parce que, pour la première fois il y a eu un changement de programme qui a concerné toutes les disciplines sur quatre niveaux : de la sixième à la troisième. Cela a couté à l’Etat 300 millions d’euros – cela est donc un enjeu financier assez important. Et c’est inédit : on n’a jamais changé autant de programmes en une fois. Les programmes n’ont pas été décidés directement par la ministre, cela fait partie de la loi de refondation de l’école vue par François Hollande. Mais c’est le Conseil supérieur des programmes présidé par Michel Lussault qui a élaboré et validé ces nouveaux programmes mis en musique dans ces manuels.

Je ne pense pas qu’il y ait des manuels de droite ou des manuels de gauche

RT France : Le programme scolaire dépend-il donc de ceux qui sont au pouvoir ?

F. B. : Je ne pense pas qu’il y ait une influence politique, parce que l’alternance peut se faire tous les cinq ans en France et les programmes ne changent pas tous les cinq ans. Je dirais que les manuels portent plutôt la marque d’une conception idéologique. Et cette conception idéologique c’est le fait des hauts fonctionnaires et eux, ils sont inamovibles. Eux ne changent jamais - quel que soit le ministre en place.

Donc je ne pense pas qu’il y ait des manuels de droite ou des manuels de gauche. Je pense qu’on est face à une idéologie, qui dirige l’éducation nationale depuis plus de 20 ans, et qui est celle d’abaisser le niveau des exigences pour faire croire que le niveau des élèves se maintient ou augmente. C’est plus une affaire d’idéologie que de politique.

Même les élèves s’en rendent compte. Ils disent : «Mais madame, on faisait ça en primaire !»

RT France : En tant que professeur, quels sont vos reproches à ces nouveaux manuels ?

F. B. : Ils sont assez bâclés. Je pense même qu’on peut parler d’un accident industriel, parce qu’ils ont dû être faits en trois mois ! Alors, il y a des activités ridicules, comme l’EPI sur l'électrocution de Claude François, des erreurs factuelles terribles, inédites sur les dates – Jules César présenté comme un empereur ce qui n’a jamais été le cas –, des fautes de français… Il faut dire que même si les manuels mettent en musique les programmes, ils mettent surtout en musique les conceptions pédagogiques à la mode et il y a des activités vraiment étranges. On compare les héros homériques avec un joueur de foot du PSG… On parle des épigrammes et on parle du rappeur Youssoupha… On demande aux élèves de résumer un texte littéraire sous la forme de langage sms...

Ce que je leur reproche, à ces manuels, est qu’ils ont été faits dans la précipitation et pour coller à l’obsession de la ministre qui est «les élèves ne doivent pas s’ennuyer»… Mais même les élèves s’en rendent compte. Ils disent : «Mais Madame, on faisait ça en primaire !»

Je ne vois pas de mauvaise intention de la part du ministère, mais seulement la paresse de ne pas assumer un débat

RT France : Dans un de ces manuels, on propose aux écoliers un débat sur l’immigration. Est-ce normal pour un débat à l’école ? Pourquoi ne propose-t-on pas d'autre point de vue ? 

F. B. : Je pense que c’est un débat nécessaire, parce qu’on est censé former de futurs citoyens. On a des enfants qui sont saturés d’informations et qui sont consommateurs d’informations. Je trouve cela très intéressant. Les migrants, ils en entendent parler, il y a des classes d’accueil qui accueillent des étrangers  dans beaucoup de collèges… Il ne faut donc pas rester dans l’illusion, il faut bien parler du réel.

Après, un débat doit être contradictoire, sinon ce n’est pas un débat. Mais pour que ce soit un exercice vraiment formateur il aurait fallu y mettre tous les points de vue, y compris le coût de l’accueil des migrants et la comparaison avec d’autres pays.

Il s’agit donc d’une faute intellectuelle : je ne vois pas de mauvaise intention de la part du ministère, mais seulement la paresse d'assumer un débat.

Si on veut parler de la théorie du genre, parlons de Jeanne d’Arc !

RT France : La question de la théorie du genre : est-ce que le pape a raison ?

F. B. : Il a tort. Ce n’est pas vrai, ça n’existe pas dans les manuels. Le seul exemple que je peux citer quand on parle du genre c’est Jeanne d’Arc qui s’habillait comme un homme. Voilà si on veut parler de la théorie du genre, parlons de Jeanne d’Arc ! Les manuels sont vraiment très importants, c’est le premier livre d’image de tous les enfants en France. Donc c’est vrai que c’est un sujet sérieux. Et c’est pour cela qu’on a voulu le confier à des experts, au Conseil supérieur des programmes. Mais ces experts, tout en se gardant de toute politique, sont dans l’idéologie permanente. Et ce n’est pas mieux. On a perdu au change.