RT France : Après les tergiversations de François Hollande quant à la suite à donner à l'invitation faite à son homologue russe et puis finalement le report de la visite par Vladimir Poutine, comment les relations franco-russes vont-elles se développer dans l'avenir ?
Bruno Drweski (B. D.) : Cela va certainement les rendre plus tendues, mais elles étaient déjà relativement tendues, et ça n‘améliore pas les choses. Mais il est clair que cela devait arriver, si on comprend comment fonctionne Hollande et son gouvernement et comment fonctionne la Russie aujourd’hui. C’était presque inéluctable, cette mésentente.
Cette fois-ci, le président Hollande n’a pas compris qu’il ne se ferait pas prier par Poutine
RT France : Qu'est-ce qui a provoqué cette mésentente ?
B. D. : Je pense que François Hollande veut jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Ouest et la Russie, mais en même temps il ne veut pas rompre avec les Etats-Unis et Israël, qui sont directement impliqués dans le conflit syrien. Et il n’ose pas prendre de décisions qui fâcheraient les Etats-Unis, qui n’ont absolument pas aujourd’hui comme objectif le retour de la paix en Syrie, mais qui ont toujours comme objectif la destruction de l’Etat syrien et son morcellement en plusieurs étapes. Dans ce contexte-là, si la France reste l’allié inconditionnel des Etats-Unis, elle ne peut prendre aucune initiative. Cette fois-ci, le président Hollande n’a pas compris qu’il ne se ferait pas prier par Poutine. Poutine est tout simplement un chef d’Etat indépendant, qui n’a pas besoin de prier les chefs d’Etats occidentaux pour être accueilli, il n’a pas besoin de venir en France.
Finalement, la situation à Alep montre bien que c’est la Russie qui est toujours en position de dicter ses conditions, ce qu’elle ne fait pas. Mais la France ne comprend pas que les Etats-Unis, et donc elle-même, ne sont pas en état de dicter les conditions, qu’ils doivent avoir des négociations d’égal à égal. Poutine vient de répondre à la pression occidentale par des accords assez intéressants avec la Turquie, qui était pourtant dans l’alliance occidentale.
RT France : François Hollande s'attendait-il à une telle réaction ?
B. D. : Je crois qu’il pensait que Poutine voulait venir à Paris à tout prix. Ils ne comprennent pas que les Russes aujourd’hui ne sont plus ceux des années 1980, les Russes ne veulent rien à tout prix. Ils veulent qu’on les traite d'égal à égal, et si on ne les traite pas comme ça, ils regardent ailleurs. Ils ont des partenaires dans le monde, ils ne sont pas seuls.
Les Etats-Unis sont dans une situation difficile pendant ces trois mois, et ils montrent leurs muscles, mais d’une façon incohérente
RT France : Y-a-t-il un terrain d'entente pour les pays concernant la crise syrienne ?
B. D. : Je ne sais pas pour les pays de la coalition, mais je constate que la Turquie et la Russie, aujourd’hui, suite à la rencontre entre Poutine et Erdogan, sont arrivés à un accord sur Alep au moins, qui montre bien qu’il y a des possibilités de s’entendre. Puisqu'on sait bien que les positions turque et russe étaient très différentes jusqu’à présent. Donc, il y a une convergence manifeste sur le dossier d’Alep entre deux pays directement intéressés pas le conflit syrien, la Russie et la Turquie, bien sûr qu’il y a d’autres possibilités. La question c’est de savoir dans quelle mesure les milieux influents à Washington, ce n’est pas forcément Obama et Kerry, mais le Pentagone et la CIA, comment ces milieux comptent faire pression, et ce qui va se passer au cours des trois prochains mois (parce que ces trois mois vont signer la fin la période d’Obama, et nous allons avoir le nouveau président). Les Etats-Unis sont dans une situation difficile pendant ces trois mois, et ils montrent leurs muscles, mais d’une façon, à mon avis, incohérente.