Libye : «La puissance de la France semble limitée»

La réunion sur la Libye ayant subi un échec, on a une autre preuve que la France n'est plus en mesure de résoudre les conflits internationaux comme elle le pouvait par le passé, estime Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS.

RT France : La réunion dont le but était «faire progresser l'unité» de la Libye s'est tenue le 3 octobre à Paris. Cependant aucun représentant libyen n'y a été convoqué. Pourquoi ne pas inviter un représentant libyen pour décider de l’avenir du pays ?

Jean-Vincent Brisset (J. B.) : Cela fait partie des choses qui sont difficiles à comprendre dans cette rencontre. Il y a un gouvernement [à Tripoli] qui est reconnu, et la France a l’air d’hésiter entre son soutien à ce dernier et celui au gouvernement de Tobrouk. Le ministre des Affaires étrangères dit qu’il voudrait que le gouvernement actuel s’élargisse, mais sans s’adresser directement à ce gouvernement et vouloir que ce dernier soit présent. On a beaucoup de mal à comprendre ce qu'il s’est passé, quel était le niveau des participants... c’est une affaire complexe.

RT France : La Ligue arabe n’a pas non plus été invitée à la rencontre. Pourquoi ?

J. B. : Qui est venu ? L’Egypte, le Quatar, les Emirats arabes unis, mais pas la Ligue arabe, pas l’Arabie Saoudite. Cette affaire est vraiment très floue, et même sur le site du ministère des Affaires étrangères on ne trouve pas d’informations précises dans le point presse.

La seule chose qui est à peu près sûre est que la demande d’élargissement du gouvernement actuel presentée par le ministre des Affaires étrangères français n’a abouti à rien

RT France : Dans la presse il n’y a quasiment rien sur les résultats de cet évenement. La rencontre n’aurait donc vraiment abouti sur rien ?

J. B. : Il est à peu près sûr que cette rencontre n’a pas eu de résultat. Parce que si elle en avait eu, par bonheur, cela aurait immédiatement été communiqué à grand renfort d'autosatisfaction. Comme il n’y a pas eu de communiqué, cela veut dire qu’il n’y a pas eu de résultat. Mais on ne sait pas pourquoi, on ne sait pas qui a bloqué ou n’a pas bloqué, la seule chose qui est à peu près sûre est que la demande d’élargissement du gouvernement actuel presentée par le ministre des Affaires étrangères français n’a abouti à rien.

L'aura personnelle du président ne fait pas de lui quelqu’un de très important

RT France : Qu’est-ce que cela dit de la capacité de la France à résoudre les conflits internationaux ? A-t-elle conservé son rôle ?

J. B. : Ce qui importe est le niveau des participants. On sait que les Etats-Unis étaient là, mais étaient-ils représentés par le deuxième secrétaire d’ambassade ou par quelqu’un de haut niveau ? Il en va de même pour les autres pays. Mais il semble qu’à l’heure actuelle la puissance de la France serait pour ce genre d’intervention limitée, parce que, depuis quelque temps, la France a voulu faire un peu cavalier seul et a pris des positions, notamment sous Laurent Fabius, extrêmement fortes sur la Syrie et sur d’autres choses. L'aura personnelle du président ne fait pas de lui quelqu’un de très important. Le couple franco-allemand bat beaucoup de l’aile, les Britanniques ont un petit peu lâché aussi, et on a vu dans les opérations en Afrique que la coopération avec les autres pays européens était extrêmement limitée. 

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