La coopération américano-russe en Syrie a été sous les projecteurs et a abouti sur de vifs échanges lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies. Le président syrien a de son côté rejeté les accusations selon lesquelles son armée aurait attaqué un convoi humanitaire de l'ONU près d'Alep.
Bachar el-Assad suppose par ailleurs que le raid aérien américain qui a tué 62 soldats syriens n’était pas une erreur comme le prétend l'état-major états-unien. En parallèle, Washington est de plus en plus déchiré quant à la manière avec laquelle il doit aborder la poursuite du conflit syrien.
Ce que nous pouvons attendre d'une zone d’exclusion aérienne, c’est la reprise des combats au sol
RT :Que pensez-vous des commentaires du général Dunford, selon lesquels seuls les avions de la coalition devraient être autorisés à survoler la Syrie ? Cela ne nous rappellent-il pas la situation libyenne ? Est-ce une telle situation tenable ?
Alastair Crooke (A. C.) : Non, pas vraiment. Cela a très peu de sens. Sauf si vous voulez faire pencher la balance en faveur des forces djihadistes sur le terrain - ce qui peut en partie être le but. La zone d’exclusion aérienne est vraiment quelque chose qui ne convient qu'à un camp, parce que les Etats-Unis ne sont pas capables de contrôler les djihadistes en Syrie. Ils peuvent penser exercer une sorte de contrôle, mais en pratique, ce n’est pas le cas. Tous ces groupes ont déjà renoncé au cessez-le-feu dès le départ ; ils n’y participeront pas, ils n’en font pas partie. Ils ont été réarmés et regroupés récemment et ont bénéficié de renforts. Donc, ce que nous pouvons attendre d'une zone d’exclusion aérienne c’est la reprise des combats au sol. C’est un inconvénient asymétrique pour Damas. Pourquoi ? Parce que la majeure partie des troupes [de l’armée] protège la population civile urbaine. Quand les insurgés, eux, peuvent se déplacer, se regrouper, se rassembler, se déployer et attaquer. Et cela laissera Damas sans aucun moyen de défendre son armée sur le terrain. Ils seraient sans défense sans armée de l'air.
Ce n’est pas une guerre contre la Syrie ou en Syrie ; cela est devenu un conflit géopolitique entre deux camps
RT : Le président Assad dit que la situation en Syrie pourrait considérablement s'améliorer dans les mois qui viennent s'il n'y avait aucune influence extérieure. Mais est-ce possible à ce stade ?
A. C. : Bien sûr que oui, dès le début, et je suis allé visiter la Syrie pendant ce conflit. De toute évidence, il y a des acteurs extérieurs qui sont profondément concernés, dont des joueurs occidentaux et les Etats du Golfe. C’est une guerre géopolitique. Ce n’est pas une guerre contre la Syrie ou en Syrie ; cela est devenu un conflit géopolitique entre deux camps.
Il y a très peu de chances que ces pourparlers aboutissent à un cessez-le-feu
RT : Même s'il n'y avait aucune influence extérieure, ce conflit pourrait-il vraiment être résolu en quelques mois ?
A. C. : Je pense que, très clairement, il y a très peu de chances que ces pourparlers aboutissent à un cessez-le-feu. Tout d'abord, parce que le département de la Défense [des Etats-Unis] s’est effectivement rebellé contre l'autorité du président qui a dit : «Il est possible que nous respections ou que nous ne respections pas le cessez-le-feu.» Il y a donc d'abord une mutinerie à Washington. Deuxièmement, ils ne contrôlent pas les forces sur le terrain. Alors, comment pourraient-ils mettre en œuvre un cessez-le-feu dans ces conditions ? Je pense que nous aurons une période agitée au cours de ces élections américaines et, c’est après les élections américaines qu’il faudra voir si c’est possible. En parallèle, nous allons probablement voir [la situation en] Ukraine empirer parce que ce sont vraiment, dans un sens, des conflits-jumeaux. Un résultat satisfaisant en Syrie pourrait aussi avoir un grand impact sur la résolution du problème ukrainien. Mais il est plus que probable que nous verrons [la situation] s'aggraver des deux côtés.