Lord Cox : «Pour le peuple syrien, les intentions de l’Occident mèneront à la catastrophe»

Même si on peut critiquer Bashar el-Assad, il faut admettre que le peuple syrien dans sa majorité s’oppose à son départ et lui est reconnaissant pour sa politique actuelle, estime la baronne Caroline Cox, membre de la Chambre des lords britannique.

RT : Comme vous êtes récemment revenue de Syrie, sentez-vous qu’on peut y apporter la paix après toutes ces années ?

Caroline Cox (C. C.) : Ce que j’en pense reflète la voix des Syriens que j’ai rencontrés à Damas, à Alep. On a vu chaque semaine beaucoup de gens, des leaders politiques, spirituels – chrétiens et musulmans - et des habitants, ceux qui ont été obligés de quitter leur maisons, ceux dont les villages ont été attaqués et dont les proches ont été forcés à se convertir du christianisme à l’islam et ensuite tués pour ceux qui ont refusé. Leur préoccupation principale est que l’Occident n’intervienne pas dans le choix de leur propre avenir. Ils sont tous persuadés que les intentions de l’Occident de changement de régime mèneront à la catastrophe, les partis islamiques modérés seront conquis par Daesh et on aura un nouvel Irak. Les femmes et les minorités religieuses s’inquiètent donc réellement, elles rejettent les politiques occidentales en indiquant que les Syriens doivent choisir librement leur président et leur gouvernement.

Les gens sont très reconnaissants envers Bashar el-Assad pour sa protection contre les militants islamistes

RT : Avez-vous eu l’impression que Bashar el-Assad était largement soutenu ? 

C. C. : Il a le soutien d’énormément de gens que nous avons rencontrés, beaucoup de ceux qui le critiquaient, et il y a bien sûr des raisons pour ça, reconnaissent quand même qu’il est le président élu, qu’il fait beaucoup pour protéger son peuple, il a fait de grands progrès avec des initiatives importantes, comme le système de santé et l’éducation gratuits. Les gens lui sont très reconnaissants pour sa protection contre les militants islamistes. Beaucoup de personnes au sein de l’opposition le soutiennent également : nous avons rencontré des ministres de l’opposition non-armée qui ont dit, en le critiquant et en appelant aux changements et aux réformes, qu’ils soutiennent le président, parce qu’il protège le pays et leurs libertés du terrorisme islamique.

Les gens que nous avons rencontrés à Alep et dans les territoires les plus dangereux sont préoccupés par la façon dont les médias occidentaux couvrent leurs souffrances

RT :  Quelles sont les chances que ceux qui s’opposent à Bashar el-Assad et réclament son départ changent de point de vue et coopèrent avec lui ?

C. C. : Ceux avec qui nous avons discuté aimeraient une approche démocratique. Le président Assad lui-même avait dit vouloir une élection démocratique avec des observateurs internationaux. Il y a donc une ouverture au développement de la société civile, à la démocratie et aux changements, mais cela ne peut pas être réalisé alors que la guerre ravage le pays. Les gens que nous avons rencontrés à Alep et dans les territoires les plus dangereux sont préoccupés par la façon dont les médias occidentaux couvrent leurs souffrances, parce qu’ils focalisent leur attention sur ce que fait l’armée syrienne et le gouvernement et sur les accusations contre le gouvernement d’avoir recours aux armes chimiques. Mais on ne met pas en lumière qu’il y a eu quatre attaques effectuées par les terroristes islamiques contre la population civile innocente alors qu’on était là, à Alep. Les experts occidentaux qui couvrent la situation sont extrêmement partiaux, ce qui inquiète de plus en plus le peuple syrien. Ils sont vraiment reconnaissants envers la Russie pour son soutien qui les aide à se protéger contre le terrorisme islamique

RT :  En ce qui concerne les mesures pratiques à adopter immédiatement pour remédier à la situation, qu’est-il possible de faire, à votre avis ?

C. C. : Il faut beaucoup plus d’aide humanitaire qu’il y en a maintenant, parce que les gens souffrent terriblement. Le gouvernement fait ce qu’il peut, mais les soins médicaux manquent cruellement. Les sanctions, en particulier, rendent la vie encore plus difficile, ils prient : «S’il vous plaît, arrêtez cette politique des sanctions, elle touche les habitants du pays.» C’est un des problèmes les plus graves.

La seule chose qui fait la différence entre les groupes terroristes, c’est le type d’exécution qu’ils choisissent

RT :  Avez-vous l’impression que la Russie et les Etats-Unis sont maintenant plus proches d’une solution ?

C. C. : J’ai vraiment envie de l’espérer. Certaines personnes nous ont raconté de quelle façon épouvantable les traitaient Daesh et d'autres groupes armés. La seule chose qui fait la différence entre ces groupes, c’est le type d’exécution qu’ils choisissent. J’espère qu’on aura des progrès dans l'éradication des groupes terroristes islamiques.

RT :  Comment vos collègues, vos pairs, ont réagi après votre retour ?

C. C. : De façon très intense. Il y a eu pas mal d’articles très agressifs, mais ils critiquent principalement le fait que nous ayons rencontré le président Assad et que cela lui ait donné la possibilité de faire de la propagande. Mais je vais répondre à cela trois choses.Premièrement, on ne peut pas critiquer quelqu’un sans l’avoir rencontré. Deuxièmement, nous avons été là pendant cinq jours, et la discussion avec Assad nous a pris deux heures, le reste du temps nous étions avec les gens. Troisièmement, là c’est deux poids, deux mesures dans ce pays. J’ai travaillé au Soudan, et son président a été traduit en justice par Cour pénale internationale. 

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