«L'Organisation de coopération de Shanghai n'a jamais été conçue pour rivaliser avec l'OTAN»

Vu sa situation géographique, l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) n'a aucune raison de cibler l'OTAN qui s'occupe principalement de l'Europe. John Mearsheimer partage son point de vue avec RT à la veille du sommet de l'OTAN à Varsovie.

RT :  L' Organisation de coopération de Shanghai (OCS), sera-t-elle jamais capable de rivaliser avec l'OTAN ? 

John Mearsheimer (J. M.) : Je ne pense pas que l'OCS ait été conçue pour rivaliser avec l'OTAN. A mon avis, l'OCS a plutôt été créée pour résoudre certains problèmes en Asie Centrale qui concernent la Chine tout comme la Russie et quelques autres pays de la région. Mais vu les raisons géographiques, il n'y a rien qui expliquerait que cela pouvait cibler l'OTAN qui s'occupe principalement de l'Europe.  

La possibilité que la Chine soit capable de devenir leur concurrent de même niveau inquiète énormément les Etats-Unis

RT : En cette période de guerres hybrides aux frontières de la Russie, en Ukraine, en Géorgie et en Syrie, n'est-ce pas un message direct à l'OTAN et à l'OCS pour qu’ils luttent contre ce qu’on appelle les politiques de changement de régime ?

J. M. : Si l'on pense à la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme et à la sécurité des frontières, tout ce dont l'OCS s'occupe, il est assez clair que cela ne vise pas directement l'OTAN. Ce qui est particulièrement intéressant dans l'OCS et explique pourquoi cette organisation ne sera jamais très puissante, c'est qu'elle n'est pas orientée contre une menace extérieure, contre l'Occident, contre l'OTAN. Elle s'occupe plutôt des problèmes régionaux qui concernent ses deux membres principaux, la Chine et la Russie. La Chine et la Russie sont préoccupées par la sécurité des frontières en Asie centrale, par le terrorisme et par l'extrémisme. Mais dans cette région du monde, l'OTAN ou les Etats-Unis ne constituent absolument pas une menace pour les intérêts de la Chine ou de la Russie.

RT : La Chine a des disputes en mer de Chine méridionale et concernant le «pivot américain vers l'Asie», l'OCS correspond-t-elle aux intérêts de la Chine pour rééquilibrer les pouvoirs et faire preuve de sa force ?

J. M. : A mon avis, cela ne fait pas de doute que les Etats-Unis sont en train de pivoter vers l'Asie. La possibilité que la Chine soit capable de devenir leur concurrent de même niveau inquiète énormément les Etats-Unis. L'Amérique va donc concentrer beaucoup de forces militaire en Asie de l'Est, en vue de contenir la Chine. Mais l'Asie de l'Est est bien différente de l'Asie Centrale. L'Asie Centrale est sur le flanc ouest de la Chine et les Etats-Unis n'essayeront pas de contenir la Chine en Asie Centrale. C'est géographiquement impossible. C'est sur l'Asie de l'Est qu'on va se concentrer. Du coup, je ne vois pas de lien raisonnable entre ce qui se passe avec l'OCS et le pivot américain vers l'Asie. Il est également à noter que l'OCS a été fondée au milieu des années 1990, bien avant que les Etats-Unis n’annoncent leur pivot vers l'Asie. Souvenez-vous qu'Hillary Clinton a annoncé le pivot en 2011, alors que l'organisation existait déjà en 1996. A ce moment-là, les Chinois et les Russes, les deux membres principaux de l'organisation, avaient peu d'intérêt à se pencher sur la menace américaine ou occidentale ou celle provenant de l'OTAN.

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