Traité libre-échange UE-Canada : «Le CETA est le frère jumeau du TAFTA»

Le 4 et le 25 juin prochain auront lieu deux journées de mobilisation contre le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne le CETA. Pour Dominique Plihon, économiste et membre d’ATTAC, ce traité est aussi dangereux que le TAFTA.

RT France : Qu’est-ce que le CETA, pourquoi est-ce qu’on en entend beaucoup moins parler que du TAFTA ?

Dominique Plihon : C’est un accord de libre échange entre le Canada et l’Union européenne. Il est négocié depuis 2009. Les négociations sont terminées et le traité est dans la phase d’approbation par les autorités politiques et par le Parlement européen. Nous souhaitons qu’il devienne un accord hybride pour que les parlements nationaux puissent avoir leur mot à dire. L’accord hybride suppose que le traité comporte des domaines qui relèvent de la souveraineté nationale et non uniquement de la souveraineté européenne. Si cela reste au niveau européen, on craint que cet accord passe très facilement compte tenu de la composition actuelle du Parlement européen.

Si cet accord était adopté cela serait le cheval de Troie pour l’accord du TAFTA

On parle peu du CETA, car la société civile a fait l’erreur de ne pas prêter suffisamment attention dès le début des négociations à cet accord. Nous étions occupés avec d’autres accords des pays du sud notamment qui nous préoccupaient davantage. Mais on s’est très vite rendu compte de la dangerosité de cet accordet maintenant on voit une mobilisation qui monte en puissance. Si cet accord était adopté cela serait le cheval de Troie pour l’accord du TAFTA. On ne veut ni du CETA, ni du TAFTA car le CETA est le frère jumeau du TAFTA.

RT France : Qu’est-ce que ce traité prévoit et pourquoi vous positionnez-vous contre ?

D. P : Le CETA ressemble beaucoup au TAFTA, par la méthodologie, par les objectifs communs. Ces accords mettent l’accent sur la réduction et l’harmonisation par le bas des normes (sociales, environnementales, sanitaires), considérées comme des obstacles aux échanges. Ils prônent des procédures comme les tribunaux d’arbitrage, la coopération réglementaire, qui sont inacceptables car elles dessaisissent les élus, la souveraineté nationale et les citoyens de toute possibilité de contrôler et de s’opposer à l’avenir aux clauses contenues dans ces accords. Ils sont dangereux et antidémocratiques. Cela met à un niveau égal les multinationales et les Etats, et donc la démocratie. Avec ces accords, le droit privé et le droit des affaires seront supérieurs au droit national. C’est une offensive néolibérale, très dangereuse, qui remet en cause les règles antérieures selon lesquelles les Etats, la souveraineté nationale ou européenne étaient supérieurs dans tous les cas au droit des affaires et à l’intérêt particulier des multinationales.

Ils sont dangereux et antidémocratiques

Il n’y a pas que les normes alimentaires et les normes environnementales qui sont concernées, les normes financières aussi sont en jeu. Avec la crise, il est nécessaire de renforcer la réglementation financière. Or ces traités, avec la normalisation des règles et la coopération réglementaire sont un moyen de remettre en cause les timides avancées réglementaires effectuées par l’UE. Les lobbys et les autorités européennes sont d’ailleurs plus demandeurs d’harmonisation vers le bas de ces normes que les Etats-Unis ou le Canada.

Il y a un autre accord, le PISA, qui est en train de se négocier dans la plus grande opacité à Genève et qui concerne les services. Un accord de libre échange avec une vingtaine de pays participants, que nous combattons également.

RT France : La France a donné son accord pour le CETA, mais elle refuse pour le moment de signer le TAFTA dans son état actuel. Comment expliquer cette différence de stratégie ?

D. P. : C’est une stratégie très claire, le ministre du commerce extérieur et François Hollande sont très habiles. Ils essaient de nous tromper, ce sont des manipulateurs d’opinion. Ils nous font croire que le CETA est une bonne chose, qu’il n’a rien à voir avec le TAFTA, et qu’il est plus favorable à la France, donc qu’il faut l’accepter. C’est vrai que le CETA a des clauses moins défavorables à la France notamment dans le domaine de l’agriculture que celles du TAFTA. Mais leur tactique est de mettre en place le CETA pour qu’il soit plus simple ensuite de faire passer le TAFTA, c’est pour cela qu’on parle de cheval de Troie.

Ils essaient de nous tromper, ce sont des manipulateurs d’opinion

Les ministres du Commerce extérieur successifs étaient dans un premier temps favorables au TAFTA, ils ont ensuite changé de discours face à la mobilisation forte de l’opinion publique. Ils font maintenant semblant d’arrêter les négociations, mais on n’a aucune confiance en eux.