Justin Trudeau, le Premier ministre canadien qui a réjoui les libéraux lors de son élection en novembre, avec ses valeurs progressistes – comme, notamment, ses sympathies féministes - est le dernier dirigeant occidental à montrer quelles sont les priorités. Trudeau a signé un contrat de 11 milliards de dollars avec l’Arabie saoudite pour exporter des véhicules blindés vers ce régime autoritaire.
Le Premier ministre canadien, 44 ans, a déclaré avec un incroyable cynisme qu’il était tenu d’honorer le contrat négocié par l’administration précédente «par principe», afin de prouver que la «parole» de son pays «vaut quelque chose sur la scène internationale».
En outre, le président américain Barack Obama s’est rendu en Arabie saoudite la semaine dernière, où il s’est montré particulièrement amical envers le roi Salmane et d’autres monarques du golfe, louant leur précieux partenariat pour le maintien de la stabilité dans la région et le combat contre le terrorisme. Obama a soigneusement évité de mentionner les violations des droits de l’homme dans le royaume de l’or noir, où la peine capitale est souvent synonyme de décapitation de masse.
Les médias occidentaux ont parlé de «relations tendues» entre Obama et ses hôtes saoudiens. Mais il s’agissait avant tout d’un voyage d’affaires habituel. Un important voyage d’affaires. Le journal des relations militaires américaines Defense One a rapporté que la conclusion d’un contrat de 13 milliards de dollars pour la vente de vaisseaux de guerre et d’hélicoptères chasseurs de sous-marins à la famille royale saoudienne figurait en haut de l’agenda d’Obama.
La guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen s’est avérée une aubaine pour les ventes de bombes et missiles britanniques
Avant qu’Obama n’atterrisse à Riyad, son administration avait suscité l’indignation de familles américaines en annonçant qu’elle mettrait son véto à une loi présentée au Congrès et qui permettrait aux proches des victimes du 11 septembre de poursuivre en justice les dirigeants saoudiens pour avoir prétendument participé au financement de ces attaques. Le sujet n’a même pas été abordé lors de la visite d’Obama, démontrant les véritables préoccupations du Président durant sa rencontre avec les Saoudiens et les autres dirigeants du golfe.
La France s’est également accaparée une part du marché du golfe Persique où, l’an dernier, elle a vendu pour plusieurs milliards de dollars ses avions de chasse Rafales à l’Arabie saoudite, au Qatar et aux Emirats arabes unis.
Le gouvernement de David Cameron a également tergiversé sur les droits de l’homme dans ses négociations sur la vente d’armes à l’Arabie saoudite et les reste de la région. La guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen s’est avérée une aubaine pour les ventes de bombes et missiles britanniques, même si près de 9 000 Yéménites ont été tués l’année dernière. Beaucoup d’entre eux étaient des civils tombés sous les bombardements aériens des avions saoudiens.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, a rejeté les condamnations des associations de défenseurs des droits de l’homme concernant le Yémen, invoquant que les exports d’armes britanniques respectaient les standards très stricts du droit international. La Grande-Bretagne, à l’instar du Canada et d’autres gouvernements occidentaux, affirme avec cynisme que ses armes exportées ne sont pas utilisées pour de la «répression interne», et que s’il est prouvé qu’elles sont utilisées pour tuer des civils au Yémen, les licences commerciales seront résiliées.
Dans ce cas, qu’est-ce que l’Arabie Saoudite déverse sur le Yémen ? Des chiens en peluche fabriqués en Grande-Bretagne ?
Cette duplicité des gouvernements occidentaux qui font affaire avec des régimes despotiques n’est pas une nouveauté. Les monarques absolus du Moyen-Orient ont depuis longtemps été les clients principaux des prétendues «industries de la défense» américaines et occidentales. En 2010, l’administration d’Obama a signé avec l’Arabie Saoudite un contrat pour 60 millions de dollars, le plus important contrat dans l’histoire des Etats-Unis.
Les ventes massives d’armes aux régimes despotiques donnent le véritable sens des clichés [...] sur les «partenaires régionaux pour la stabilité». Ce qu’ils entendent par «stabilité» c’est celle des commandes d’armes.
Dans les années 1980, la Grande-Bretagne dirigée par Margaret Thatcher a remporté un énorme contrat d’une envergure similaire avec l’Arabie Saoudite, plus largement connu comme l’affaire «Al Yamamah» (le pigen, en arabe).
Les ventes massives d’armes aux régimes despotiques donnent le véritable sens des clichés débités par ceux du genre d’Obama, Cameron, Hollande et Trudeau sur les «partenaires régionaux pour la stabilité». Ce qu’ils entendent par «stabilité» c’est celle des commandes d’armes.
La nouveauté c’est surtout le manque de discrétion dans l’actuelle manière qu’à l’Occident de vendre des armes au Moyen-Orient.
Les gouvernements occidentaux se donnent beaucoup de peine, paraît-il, pour réussir leurs affaires. Pourtant, cette précipitation à vendre des armes va curieusement à l’encontre de l’intensification de la répression par les régimes «partenaires» du Moyen-Orient, et il devient de plus en plus évident que certains de ces régimes soutiennent directement les terroristes dans la région. L’exemple le plus flagrant est probablement le cas de l’Arabie Saoudite, qui sponsorise les agents du terrorisme wahhabite en Syrie, en Libye et en Iraq.
Cette course aux contrats d’armement est liée en partie à la défaite historique des économies capitalistes ainsi qu’à l’émergence des industries militaires en tant qu’élement clé de ce qui est resté des secteurs manufacturiers anéantis.
Les critiques remarqueront certainement que la Russie est un autre grand fournisseur d’armes aux régimes du Moyen-Orient. D’après Stockholm International Peace Research Institute, la Russie est en effet un exporteur majeur d’armes à l’échelle régionale aussi bien que globale.
Il existe pourtant une différence importante. Les gouvernements occidentaux ne cessent de déclarer que la démocratie, les droits de l’homme et la loi internationale sont les fondements de leurs politiques. Washington, Londres, Paris et autres évoquent régulièrement ces droits en tant que critères pour imposer des sanctions, censurer et même intervenir dans d’autres pays sous le prétexte de les protéger.
Les soit disant valeurs libérales reçoivent constamment des coups dans le dos qui arrivent de gauche, de droite et du centre
C’est donc une hypocrisie infâme et sans vergogne, qui se voit clairement dans les tentatives des pays occidentaux de conclure des marchés pour vendre des armes au Moyen-Orient.
Justin Trudeau, ce nouveau visage canadien des «valeurs libérales» a rejoint la multitude des dirigeants occidentaux faisant affaire avec des tyrans et dictateurs, ce qui met en lumière la nature purement cosmétique des nobles prétentions de l’Occident.
Pourquoi les citoyens de ces pays devraient-ils croire ce que leurs gouvernements leur disent sur n’importe quel sujet? Leurs gouvernements n’ont évidemment pas d’intégrité ni de príncipes.
La perfidie officielle de l’Ouest, sa duplicité et son hypocrisie sont devenues caractéristiques de son état chronique, ce qui n’est plus masqué comme avant par une rhétorique élevée. Les soit disant valeurs libérales reçoivent constamment des coups dans le dos qui arrivent de gauche, de droite et du centre.
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