Une étrange générosité de l’Union européenne envers les néonazis ?

Pierre Lévy, spécialiste des questions européennes, s'alarme que le Parlement européen ait pu financer une fondation qui serait liée à des mouvements néonazis.

Selon le journal suédois Expo, le Parlement européen aurait financé, pour plusieurs centaines de milliers d’euros, une fondation, Europa Terra Nostra, qui serait liée à l’Alliance paneuropéenne pour la paix et la liberté (APF). L’APF est un mouvement ouvertement fascisant, qui compte par exemple dans ses rangs le parti néonazi grec Aube Dorée, et le parti allemand NPD qui cache mal sa nostalgie du IIIe Reich.

Les dirigeants européens (et américains, du reste) n’avaient guère eu de scrupule à soutenir des mouvements nationalo-fascistes

Le trimestriel Expo est connu pour ses recherches sur l’extrême-droite la plus dure, et est considéré en Suède comme rigoureux et sérieux. Le journal précise que la subvention contribuera à un rassemblement public de mouvements néofascistes qui devrait se dérouler cet été à Stockholm.

A ce jour, les services du Parlement européen n’ont pas démenti. Ils ne semblent pas, du reste, avoir réagi de quelque manière que ce soit. On ose à peine imaginer les cris d’indignation qui auraient fusé de toutes parts si – par exemple – avait été révélé que non Strasbourg, mais Moscou, était à l’origine de tels financements…

Si elle est confirmée, l’information semble avoir de quoi surprendre. Les milieux eurocratiques – pas seulement le Parlement européen, mais la Commission, le Conseil, les multiples institutions, dirigeants et médias pro-UE – ne cessent de vanter les «valeurs» de l’Union... Et ne sont guère avares de condamnations et de diatribes envers tout ce qui est classé comme d’extrême-droite, souvent également étiqueté «populiste».

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Une appellation qui permet de rassembler dans un vaste sac des partis ou mouvements de natures fort diverses. Sont ainsi régulièrement clouées au pilori des formations telles que le Parti pour la liberté (PVV) du Néerlandais Geert Wilders, le Front national dirigé par Marine Le Pen, mais aussi le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) ou le Mouvement cinq étoiles de l’Italien Beppe Grillo, ainsi que des formations au pouvoir dans leur pays tels que le FIDESZ hongrois ou le PiS polonais.

On n’est pas obligé d’avoir de la sympathie politique pour l’une ou l’autre des ces formations, mais force est de constater qu’elles connaissent toutes, dans chacun de leur contexte national spécifique, des succès électoraux spectaculaires ou grandissants, sur la base d’une critique, voire du rejet de l’intégration européenne.

Et ce, à l’inverse des formations se réclamant ouvertement de l’extrême-droite, voire du néofascisme, qui restent – heureusement – marginales (sauf en Grèce). Du reste, ces groupuscules ne sont pas nécessairement «anti-européens» et peuvent même au contraire, se réclamer d’une tradition et d’une «ethnie» européennes, opposées aux «races» non blanches.

La «journée du légionnaire» qui se déroule chaque année en Lettonie (membre de l’UE) en hommage à la Légion Waffen SS ne suscite pas de haut-le-cœur particulier à Bruxelles

Tout se passe donc comme si les institutions européennes étaient plus promptes à stigmatiser les formations «populistes» qui menacent les équilibres électoraux pro-européens établis, qu’à combattre les groupuscules radicalement identitaires.

Il est vrai que, lors du Maïdan ukrainien, les dirigeants européens (et américains, du reste) n’avaient guère eu de scrupule à soutenir politiquement, matériellement et financièrement le mouvement qui a conduit au renversement du président Ianoukovitch. Or la structuration idéologique et l’encadrement logistique de l’insurrection était largement l’œuvre de groupes et mouvements se réclamant ouvertement de traditions nationalo-fascistes.

Dans un autre contexte, la «journée du légionnaire» qui se déroule chaque année en Lettonie (membre de l’UE) en hommage à la Légion Waffen SS ne suscite pas de haut-le-cœur particulier à Bruxelles – et encore moins le déclenchement d’une procédure dont la Commission a le secret.

Bref, quand des partis font campagne contre l’UE, ou la mettent en cause, ils sont promptement stigmatisés comme d’«extrême-droite», surtout s’ils s’attirent le vote populaire ; mais quand des groupes revendiquent ouvertement ce qualificatif, la discrétion européenne est de rigueur – quand ce n’est pas les subventions.

A la bourse des valeurs européennes, les hausses et les baisses dépendent des opportunités du moment. Le CAC 40 reste décidément le seul repère sacré…

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