RT France : Pourquoi, malgré toutes les mesures de l’état d’urgence depuis les attentats meurtriers du 13 novembre, des attentats comme ceux de Bruxelles peuvent-ils se produire au cœur de l’Europe ?
Eric Anceau : Si le risque zéro n’existe jamais en terrorisme, les Européens ont multiplié les erreurs depuis deux décennies et ils le paient aujourd’hui. L’abolition des frontières avec Schengen, en 1995, a donné libre cours aux internationales mafieuses et terroristes. Plus récemment, l’Union européenne, entraînée par Angela Merkel et Jean-Claude Juncker, a laissé entrer massivement les migrants. Et, au milieu des réfugiés politiques et des migrants économiques beaucoup plus nombreux, attirés par cet appel d’air, se sont glissés des milliers de djihadistes, comme le reconnaissent aujourd’hui tous les spécialistes. Abbaoud, le pauvre cerveau des attentats du 13 novembre, s’était d’ailleurs vanté d’avoir passé les frontières de l’Union et la frontière franco-belge à plusieurs reprises en se jouant de tous les contrôles.
Le réveil a été brutal, mais l’ennemi est désormais dans la place. En outre, la France a désorganisé ses services de renseignement et a réduit ses effectifs de sécurité sous Nicolas Sarkozy et sous François Hollande.
Michel Sapin ne manque pas d’air lorsqu’il dénonce aujourd’hui la naïveté des autorités belges en la matière. Leurs homologues françaises n’ont pas fait mieux en laissant se développer dans l’Hexagone, non pas un, mais des dizaines de «petits Molenbeek»
Plus largement, les pays occidentaux de l’Union ont fait preuve d’une grande mansuétude à l’égard du communautarisme et de l’islamisme. Michel Sapin ne manque pas d’air lorsqu’il dénonce aujourd’hui la naïveté des autorités belges en la matière. Leurs homologues françaises n’ont pas fait mieux en laissant se développer dans l’Hexagone, non pas un, mais des dizaines de «petits Molenbeek». Un proverbe français dit : «On voit la paille dans l’œil du voisin, mais pas la poutre dans le sien.»
RT France : Debout la France dit qu’il faut éloigner de la métropole et mettre à l’isolement les 250 djihadistes de retour en France. Pourquoi cela n’a pas été encore fait ?
Eric Anceau : Nous réclamons cette mesure de bon sens depuis les attentats de janvier 2015. Les îles Kerguélen, battues par les vents et appelées jadis les îles de la Désolation où les «fous d’Allah» pourront à loisir essayer de convertir les manchots et méditer sur leur sort, me semblent idéales. Nous sommes revenus à la charge après les attentats du 13 novembre.
Le gouvernement qui a peur de son ombre a refusé une nouvelle fois de nous écouter. Il a préféré lancer le processus de constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité, mesures l’une comme l’autre totalement à côté de la plaque. La première est dangereuse pour nos libertés publiques et la seconde relève du symbolique. L’indignité nationale pouvait s’appliquer sans toucher à l’arche sainte de la Constitution. Celle-ci n’est pas un fourre-tout que l’on instrumentalise à des fins politiciennes comme François Hollande a cru bon de le faire.
Au terme de deux mois et demi d’un débat stérile, mortifère et chronophage, nous sommes revenus au point de départ. La déportation de djihadistes est une mesure d’utilité publique. Elle devient, dans le contexte actuel, une mesure de salut public.
Il nous faut donc intensifier notre lutte contre les implantations de l’hydre Daesh
RT France : Est-ce la seule mesure d’urgence à prendre dans les circonstances d’aujourd’hui ?
Eric Anceau : Evidemment non et je ne prétendrais même pas que les autres mesures que nous préconisons suffiront. Ce serait mentir aux Français. En revanche, elles limiteront le risque. J’entends certains qui disent qu’il faut laisser Daesh en paix pour qu’il renonce à nous attaquer. Comment peut-on tenir un tel raisonnement alors que cette organisation ne cesse d’affirmer que son but est de nous convertir ou de nous anéantir ?
Il nous faut donc intensifier notre lutte contre les implantations de l’hydre Daesh. Celle-ci n’est plus seulement en Syrie et en Irak, mais aussi en Libye, aux portes de l’Europe. L’action efficace des Russes doit nous servir de modèle. Nous avons trop tardé à coopérer avec eux et cette coopération n’est pas assez intense. Quant à nos partenaires de l’UE, il faut très clairement les mettre au pied du mur en exigeant d’eux une participation militaire.
Il faut aussi balayer notre propre maison et mettre fin à la démagogie, aux passe-droits et au laxisme judiciaire qui a connu un sommet sous Madame Taubira
Mais il faut aussi balayer notre propre maison et mettre fin à la démagogie, aux passe-droits et au laxisme judiciaire qui a connu un sommet sous Madame Taubira. Il faut sanctionner plus durement les multirécidivistes et répondre désormais à chaque délit par une réponse pénale réactive, ciblée et proportionnée. Les terroristes sont pour beaucoup d’entre eux passés par cette petite délinquance. Il faut supprimer les remises de peine automatiques pour que les délinquants se voient appliquer au moins les deux tiers de la peine prononcée, comme en Allemagne. Il faut également rétablir la double peine pour les délinquants étrangers et expulser ceux qui, en plus, sont en situation irrégulière.
Il faut que les policiers et les gendarmes qui font actuellement du travail administratif soient réaffectés sur le terrain et que leurs moyens soient augmentés.
Je pense que les Européens et en particulier les Français qui ont payé un très lourd tribut au laxisme de leurs dirigeants ne pardonneront pas à ceux-ci de nouveaux attentats à grande échelle. La résilience à des limites.