RT : Le 17 février 2011, plusieurs manifestations en Libye se sont muées en une révolution qui a provoqué une intervention militaire occidentale. Qu’est-ce qui a mal tourné dans «l’exportation de la démocratie» en Libye ?
Diana Johnstone : Cela n’a pas mal tourné ! Le fait que la Libye ait été mise sur le chemin de la démocratie est une excuse, diffusée par la propagande, pour la destruction du pays le plus prospère et qui disposait du niveau de vie le plus élevé en Afrique du Nord. Mais la Libye a été délibérément détruite parce qu'elle nuisait à la domination occidentale. Mouammar Kadhafi utilisait sa richesse pétrolière pour essayer de construire une Afrique indépendante, en sponsorisant une monnaie à couverture or, dont il avait d’immenses réserves. Tout cela a été détruit. Mais j’aimerais revenir à ce que vous avez dit au début, à savoir qu'il y a cinq ans de cela, il y avait des manifestations dans tout le pays. Ce n’est pas vrai ! Le pays était calme. Il y avait un soulèvement à Benghazi qui était le centre historique de l'islamisme, et c’était bien connu. Mais en fait, à Tripoli en juillet [2011], plus d'un million de personnes étaient venues exprimer leur soutien au colonel Kadhafi. Cela n'a pas été rapporté. Donc, je pense que ce que vous avez dit, à savoir que tout cela était «pour la démocratie», est une manipulation de la propagande, de la communication.
RT : Diriez-vous que le soulèvement et l’intervention occidentale n’ont rien apporté de positif au pays, mais que des choses négatives ?
Diana Johnstone : Je n’arrive pas à trouver d’éléments positifs, si vous y arrivez, dites-le-moi, s’il vous plaît.
En Libye, le morceau qu'ils veulent récupérer, c’est bien sûr le pétrole
RT : Les Etats-Unis et la France ont récemment discuté d’actions «décisives» contre Daesh en Libye. Qu’est-ce que cela signifie pour le pays ?
Diana Johnstone : Je ne pense pas qu’ils soient vraiment contre Daesh. Alors que leurs soldats sont sur place, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France invoquent l’extrémisme islamiste pour conquérir de nouveaux pays. Ils sont persuadés qu’une fois qu’ils se seront servis des fanatiques, ils pourront se débarrasser des régimes qu’ils n’aiment pas et qu’ils pourront, ensuite, s’emparer de ce qu’ils veulent, des morceaux qui resteront de ces pays.
En Libye, le morceau qu'ils veulent récupérer, c’est bien sûr le pétrole, donc ils vont entrer là-bas afin d'être en mesure de contrôler le pétrole. Mais ils n’y vont pas pour lutter contre Daesh, ils vont continuer à se servir de l'extrémisme islamique, pensant qu’il s’agit d’imbéciles utiles qu'ils peuvent finalement contrôler.
L’Occident n’a rien à faire de la Syrie, du Liban…
RT : Mais Daesh menace non seulement la Libye, mais la région toute entière et depuis un certain moment. S’agissant du pétrole, si les djihadistes s’emparent des raffineries et puits libyens, est-ce que cela n’aura pas de graves répercussions ?
Diana Johnstone : Eh bien, c’est exactement pour cela qu’ils y vont, l'Occident veut s’emparer du pétrole lui-même. Mais qui est menacé dans la région ? Pour le moment, Israël semble être en sécurité, l’Arabie saoudite également, et ce sont les seuls pays, avec les Emirats, dont l’Occident se préoccupe. L’Occident n’a rien à faire de la Syrie, du Liban… Ce sont des pays dont on peut se passer. Fondamentalement, Daesh est contre ces pays, et si vous regardez bien, les terroristes veulent les utiliser pour détruire la Syrie, par exemple. En parallèle, la destruction des pays de la région qui se modernisent est l’un des buts des occidentaux, en particulier des Etats-Unis.