RT France : Le 11 novembre dernier, l’Union Européenne a annoncé sa volonté d’étiqueter les produits issus des colonies israéliennes. Pourquoi viser Israël en particulier avec ces étiquetages ?
Gilles-William Goldnadel : C’est parce que Israël est depuis très longtemps la tête de turc de l’Europe ! Ça en dit beaucoup sur cette Europe. Son arrogance intellectuelle n’a d’égal que sa faiblesse sécuritaire, quand elle s’arroge le droit moral, intellectuel, diplomatique et politique de fixer les frontières entre la Palestine à naitre et Israël, mais qu’elle n’est pas capable de défendre ses propres frontières. Que l’Europe se permette de demander l’étiquetage des produits en question – qui soit dit au passage, font vivre de nombreux travailleurs palestiniens - alors qu’elle s’est bien gardée de demander l’étiquetage des produits issus des territoires chypriotes occupés illégalement par la Turquie depuis près de 50 ans, c’est extraordinaire ; parce que Chypre, c’est en Europe ! Et il me semble que le régime turc a infiniment plus de choses à se faire pardonner qu’Israël : voilà tout de même un pays qui soutient les islamistes, qui emprisonne les journalistes et qui martyrise sa minorité kurde ! Vous remarquerez d’ailleurs, que tout le monde se moque du devenir politique des kurdes, comparé avec le souci que l’on a pour celui des palestiniens…En fait, l’Europe voudrait se refaire une improbable santé en s’en prenant au seul Etat d’Israël.
RT France : L’étiquetage est totalement inutile selon vous pour sanctionner les pays qui pratiquent une occupation illégale d’un territoire ?
Gilles-William Goldnadel : Je ne suis pas sûr que le but des européens soit de mettre à genou Israël commercialement avec cette mesure. D’ailleurs, ce n’est pas pour des raisons commerciales que les israéliens sont vent debout, puisqu’ils n’ont pas grand-chose à en craindre. Là où le bât blesse, c’est que c’est une manière pour les européens de peser sur une future négociation pour le partage des territoires entre juifs et palestiniens.
RT France : Ne pensez-vous pas qu’encourager l’économie des colonies de Cisjordanie ancre néanmoins la présence des colons et les légitimisent ?
Gilles-William Goldnadel : Oui, et c’est bien pour ça que je ne suis pas un maniaque des colonies. Je n’ai pas la religion des territoires.
RT France : Quelles conséquences cet étiquetage peut-il avoir ?
Gilles-William Goldnadel : Pour moi, se soumettre à ce diktat ne va pas changer grand-chose à l’économie d’Israël à court terme, car nous sommes selon moi purement sur le terrain des principes.
Mais c’est important les principes, car les principes d’aujourd’hui sont les politiques de demain. Je pense notamment que si les européens ne s’étaient pas autant immiscés dans le conflit israélo palestinien, à vouloir être plus palestiniens que les palestiniens eux-mêmes, le problème territorial israélo palestinien aurait été réglé depuis des lustres ! L’ironie, avec cet étiquetage, c’est que les palestiniens eux-mêmes vont en pâtir, car certaines usines israéliennes veulent se délocaliser pour revenir dans les frontières de 48. Quant à l’Union Européenne, je pense qu’Israël est sérieux quand il considère qu’elle n’est pas un partenaire fiable pour les négociations à venir.
RT France : N’est-ce pas une façon pour Netanyahou, de se réaffirmer en champion de la colonisation en Cisjordanie, et un prétexte de plus pour ralentir la création d’un état palestinien ?
Gilles-William Goldnadel : Vous savez, 90% des israéliens considèrent cette mesure comme stupide. Ca transcende largement le clivage politique. On peut ne pas être un fervent partisan de conserver l’ensemble des territoires controversés et être contre cette mesure unilatérale.