Florian Philippot : « Nous travaillons à ce que le peuple français impose la paix et la sortie de l’OTAN »

Les va-t-en-guerre sont pour quelques semaines encore à la Maison Blanche, avant l'investiture de Donald Trump dans deux mois. Selon Florian Philippot, le dirigeant du mouvement français Les Patriotes, c’est cela qui expliquerait la décision de Washington d'autoriser l'Ukraine à frapper le territoire russe avec des missiles balistiques américains.

RT en français : Comment pourriez-vous expliquer l'ambigüité de la France quant à la décision d'autoriser l'Ukraine à frapper la Russie en profondeur avec des missiles ballistiques ?

Florian Philippot : En mai 2024, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il n’était pas exclu que la France autorise l’Ukraine à utiliser les missiles de longue portée que nous fournissons contre la Russie sur le sol russe. Il avait précisé que ce serait forcément contre des cibles militaires qui avaient été utilisées contre l’Ukraine. C’était encadré, mais quand même, sur le principe, c’était là.

Et ensuite, on en était resté à l’idée, car cela ne pouvait pas se faire. Pareil pour le Royaume-Uni: c’est impossible tant qu’il n’y a pas d’autorisation américaine, puisqu’on sait que ces missiles utilisent des composants américains. 

Et puis, on a eu cette annonce un peu bizarre du côté de Washington, parce qu'elle est venue d’un «haut responsable mais anonyme», d’abord relayée par le New York Times.

En réalité, ce n’est pas une décision très claire. Biden ne l’a pas dit lui-même, il n’a pas répondu à cette question-là en conférence de presse en Amérique du Sud. Donc on a vraiment le sentiment que c’est une espèce de décision forcée par des gens qui veulent la guerre, qui veulent l’escalade, qui sont dans cet esprit-là, avant que Trump n’arrive au pouvoir, c’est-à-dire le 20 janvier 2025.

On sait que Trump n’est pas dans cette disposition d’esprit-là : il a fait campagne aux États-Unis sur la paix, sur la résolution du conflit et il n’autoriserait certainement pas ce genre de décision. Donc on a l’impression qu’ils veulent mettre Trump et son équipe devant le fait accompli.

 

RT en français : Peut-on s'attendre à ce que la France autorise les frappes en profondeur de la Russie et comment cela va faire évoluer le conflit ? 

F. Ph. : Oui, on peut parfaitement s’y attendre parce que Macron, on le sait bien, n’a pas de ligne sur cette affaire. Il a toujours virevolté. Au départ, il voulait dialoguer avec la Russie. Ensuite, il a été le plus chaud partisan de l’Ukraine. Il fut le premier à dire qu’on pourrait même y envoyer des troupes au sol. C’était en février dernier. Et là, je pense qu’il sera suiviste.

Pour ce qui est du côté de l’Union européenne, depuis l’élection de Donald Trump, il y a une espèce de fuite en avant. On nous explique qu’il faut une souveraineté européenne, une armée européenne, qu’il faut plus que jamais s’arrimer à l’OTAN, qu’il faut défendre plus que jamais l’Ukraine. Une espèce de fuite en avant verbale parce que, heureusement, ils n’en ont pas les moyens, mais ils seraient parfaitement capables de le faire rien que pour essayer de gêner Trump et essayer de montrer qu’il y a une continuité de l’État profond, plus forcément à Washington mais maintenant à Bruxelles et à Paris. Tout cela est navrant.

J’espère vraiment que les gens raisonnables vont prendre le dessus. J’espère qu’il y aura des contacts directs ou officieux avant le 20 janvier entre Donald Trump et Vladimir Poutine pour calmer le jeu, pour que ça n’aille pas trop loin dans l’escalade et que la France un jour se raisonne. Et elle ne le fera pas avec Macron, mais que le peuple français impose la paix et impose la sortie de l’OTAN, c’est-à-dire un chemin de paix. Ça, c’est vraiment ce à quoi nous travaillons ici.

RT en français : Comment peut-on expliquer le silence de la Maison Blanche et du Pentagone et le refus de confirmer ou d’infirmer l'information sur l'autorisation des frappes ?

F. Ph. : Je ne sais même pas si Joe Biden est au courant de ce qu’on lui prête comme décision, puisqu’on connaît son état de fragilité cognitive. Il est sénile, donc je ne suis même pas certain qu’il ne soit pas instrumentalisé, utilisé dans une espèce d’abus de faiblesse.

J’ai l’impression que des faucons, des gens favorables à la guerre ont pris les manettes à Washington. Pour essayer de manière précipitée avant le 20 janvier 2025, c’est-à-dire l’investiture de Donald Trump, d’aller le plus vite possible vers l’escalade et vers la Troisième Guerre mondiale, parce que c’est leur plan, parce que c’est leur projet. C’est un projet furieusement anti-russe de démantèlement du système mondial de paix. Et j’ai l’impression que c’est ça, ce qui créerait une gêne du côté de la Maison Blanche ou même du Pentagone. 

Est-ce qu’ils y arriveront ? J’espère que non. Est-ce qu’il y aura des freins de paix en face ? Je pense que oui. Je pense que l’équipe Trump est parfaitement consciente que c’était le risque. Donc, à mon avis, ils vont réagir ou ils ont déjà réagi. On n’est pas forcément au courant, d’ailleurs.

Il faut qu’il y ait des canaux de discussion et de dialogue avec la Russie, qu’ils soient de plus en plus larges et qu’on aille le plus vite possible vers des choses beaucoup plus raisonnables, c’est-à-dire vers des négociations de paix.