Chroniques

Kamala Harris pourrait bien remporter la présidentielle américaine

La vice-présidente de Joe Biden est une candidate puissante à laquelle Donald Trump n’était pas préparé, ce qui en dit long sur la popularité de ce dernier, estime Graham Hryce.

Seulement un mois après avoir été nommée candidate à la présidence pour le Parti démocrate, Kamala Harris a pris de l’avance dans la course à la Maison Blanche. Comment une transformation aussi remarquable de la politique américaine s’explique-t-elle ?

La réponse réside dans le retrait du sénile et inéligible Joe Biden de la course présidentielle ; dans l’efficacité et la vivacité inattendues de Kamala Harris en tant que candidate, qui ont revigoré le Parti démocrate ; et enfin dans la lassitude, la négativité et l’incompétence claires qui caractérisent la campagne électorale chancelante de Donald Trump depuis la tentative d’assassinat contre ce dernier.

Avant que Joe Biden n’ait annoncé le 21 juillet qu’il se retirait de la course à la Maison Blanche, la plupart des analystes politiques impartiaux estimaient que la victoire de Donald Trump en novembre était inévitable, la seule question étant de savoir quelle serait la marge de victoire de l’ancien président américain. Plusieurs experts prédisaient une victoire écrasante de Donald Trump.

Trump perplexe ?

Tout a changé d’une manière radicale il y a un mois, avec le retrait de Joe Biden de la course présidentielle. Plus important encore, le Parti démocrate a en quelques jours approuvé la candidature de Kamala Harris, sans qu’elle passe par le processus fastidieux et dérangeant des primaires.

Les démocrates ont probablement mis beaucoup plus de temps qu’ils n’auraient dû à écarter Biden. Et comme la question de son retrait de la course présidentielle était déjà devenue plus urgente que jamais, le Covid de Joe Biden a été le dernier clou dans le cercueil du président sénile. Mais après l’avoir écarté, les démocrates ont rapidement soutenu Kamala Harris à sa place.

D’une manière curieuse, le fait que Joe Biden n’ait pas été écarté il y a plusieurs mois a joué en faveur de Kamala Harris qui, dans le peu de temps qui reste avant le scrutin, sera donc moins exposée aux critiques légitimes et inquisitrices de Donald Trump (si jamais il en est capable) et des médias.

Toutefois, il est incontestable que Kamala Harris a commencé sa campagne sur les chapeaux de roue. Au cours de ce dernier mois, elle l’a menée avec un degré de capacité, d’enthousiasme et de vigueur qui a probablement surpris son propre parti, alors que Donald Trump semble perplexe et mal préparé.

La performance étonnamment efficace de Kamala Harris en tant que candidate pourrait être dans une certaine mesure due à la nature foncièrement discrète de la fonction de vice-président.

Un jour, Lyndon Johnson a prononcé une phrase qui est devenue célèbre : « La vice-présidence ne vaut pas plus qu’une bassine de pisse chaude ». Mais Lyndon Jonson lui-même, vice-président sous John Kennedy, s’est avéré être un très bon candidat à la présidentielle de 1964, remportant une victoire écrasante sur Barry Goldwater.

Non seulement Kamala Harris s’est montrée une candidate exceptionnellement capable dont les rassemblements récents avec son colistier à la vice-présidence Tim Walz (un choix assez astucieux) attirent de grands publics pleins d’enthousiasme, mais elle a revigoré le Parti démocrate. Les centaines de millions de dollars en donations qui ont afflué dans les caisses des démocrates en sont la preuve.

Contraste frappant avec Biden

Le contraste entre la molle campagne électorale des démocrates menée par le mentalement déficient Joe Biden et la campagne « gaie et joyeuse » de Kamala Harris est frappant.

Kamala Harris et Tim Walz non seulement critiquent Donald Trump d’une manière efficace et, ce qui est plus important, se moquent de lui (« il est juste bizarre »), mais ils sont encore capables de présenter d’une manière enthousiaste une vision positive de l’avenir de l’Amérique sous Kamala Harris.

Cette vision pourrait être une illusion politique, mais au cours de toutes les campagnes électorales américaines, les électeurs de toutes sortes ont un besoin profond de croire en un avenir meilleur pour les États-Unis. Être capable de présenter une telle vision est quelque chose qui va bien au-delà des capacités du faible et mentalement déficient Joe Biden.

Kamala Harris et Tim Walz ont également déposé un paquet d’initiatives économiques qui, d’après eux, relèveront les défis liés au coût de la vie, ainsi que d’autres propositions (dont la réduction du coût des médicaments sur ordonnance) visant à aider les laissés-pour-compte de la mondialisation de l’économie. Aussi peu viables que ces mesures puissent être en pratique, elles attireront sans aucun doute des électeurs.

La transformation de la campagne électorale apportée par Kamala Harris et ce nouvel élan donné au Parti démocrate se reflètent dans les récents sondages, selon lesquels la candidate démocrate devancerait significativement Donald Trump dans la plupart des États-charnières.

Ces sondages indiquent également que Kamala Harris a réussi à obtenir le soutien de la population latino-américaine et noire, voire de certains électeurs blancs qui constituent la base électorale principale de Donald Trump.

Kamala Harris a également revigoré les électeurs du Parti démocrate qui auraient pu rester chez eux et ne pas voter pour Joe Biden, en attirant en même temps les électeurs cruciaux des États-charnières qui détermineront qui deviendra président en novembre.

Sans aucun doute, ce sont Kamala Harris et Tim Walz qui ont pris l’initiative électorale. On peut s’attendre à ce que cette tendance se renforce à l’issue de la Convention nationale démocrate qui se tient cette semaine à Chicago.

Il est également clair que la désignation de Kamala Harris comme candidate du Parti démocrate à la présidentielle a complètement pris Donald Trump à contre-pied et perturbé sa stratégie électorale.

La semaine dernière, Karl Rove, consultant réputé en stratégie électorale des républicains, a souligné que Donald Trump ne semblait pas préparé au retrait de Joe Biden de la course présidentielle et à son remplacement rapide par Kamala Harris, ajoutant que l’ancien président américain avait été totalement incapable de faire face efficacement au nouvel élan de la campagne électorale de cette dernière.

Donald Trump n’a pas fait campagne pendant deux semaines, et lorsqu’il a finalement quitté sa résidence de Mar-a-Lago, il semblait désorienté et manquait d’énergie.

Lors de la conférence de presse qui s’est tenue la semaine dernière et ses meetings de campagne, Donald Trump s’est concentré sur des questions non pertinentes, en s’en prenant inutilement à Kamala Harris en ce qui concerne son intelligence, son nom et la taille de son public. Il a qualifié Kamala Harris de « stupide » et l’a accusée d’être une « communiste », parce qu’elle croit en un système de santé universel, ainsi qu’une « fasciste ».

Au désespoir de ses conseillers, Donald Trump n’a rien dit sur l’économie, ni sur aucune autre question politique. Cependant, il a trouvé le temps de faire référence aux « courriels d’Hillary Clinton ».

Donald Trump a également raconté une histoire tout à fait inventée, selon laquelle il s’était trouvé dans un hélicoptère en situation d’urgence avec Willie Brown, ancien mentor et petit ami de Kamala Harris, ainsi qu’ancien maire noir de San Francisco. Selon Donald Trump, Willie Brown aurait dit des « choses terribles » sur Kamala Harris au cours de ce voyage. Willie Brown menace maintenant de poursuivre Donald Trump en justice pour cette histoire. En outre, il a été vérifié que c’était l’ancien gouverneur blanc de Californie, Jerry Brown, qui se trouvait dans l’hélicoptère avec Donald Trump.

Ce comportement plus étrange que d’habitude serait peut-être une conséquence de la tentative d’assassinat du mois dernier qui affecterait peut-être Donald Trump plus qu’il ne veut l’admettre.

Trump doit réajuster sa campagne

De toute façon, il est évident que Trump n’a pas l’énergie et la concentration qu’il avait en 2016 et en 2020. En fait, il commence à ressembler à un candidat désespéré et perdant qui ne peut pas ou ne veut pas discuter des questions politiques ou présenter une vision positive de l’avenir de l’Amérique.

Un conseiller politique des démocrates a qualifié les récentes interventions de Donald Trump de « pitoyables », tandis que Kamala Harris les a qualifiées de « mensonges et tromperies habituels ».

Quoi qu’il en soit, les récentes interventions de Donald Trump ont suscité beaucoup d’inquiétude, même chez ses partisans les plus fervents.

Ces derniers jours, Lindsay Graham et Bill O’Reilly ont tous deux déclaré publiquement à Donald Trump qu’il devrait réajuster complètement sa stratégie électorale s’il voulait gagner en novembre.

À la fin de la semaine dernière, Donald Trump a annoncé qu’il embauchait cinq nouveaux conseillers politiques, dont Corey Lewandowski viré par Donald Trump après que la femme d’un donateur l’avait accusé d’avances sexuelles. Lorsqu’il travaillait pour Trump en 2016, le slogan de Corey Lewandowski était « Laissez Trump être Trump ».

Il reste à voir si la nomination de Corey Lewandowski sera un succès ou pas.

L’un des principaux problèmes de Donald Trump est son colistier, J.D. Vance. Le choix de J.D. Vance par Donald Trump a été un véritable désastre. Son attitude misogyne envers les femmes et sa position extrême sur les avortements lui ont aliéné les femmes électeurs et les électeurs des États-charnières. Ses critiques sévères à l’égard de Donald Trump par le passé (dont sa comparaison avec Adolf Hitler) ont suscité une controverse inutile et dérangeante.

La récente baisse de la popularité de Donald Trump n’est cependant pas tout à fait surprenante.

En 2016, Donald Trump était une nouveauté intrigante dans la politique américaine : un populiste qui avait conquis le Parti républicain. Son adversaire était Hillary Clinton, un concurrent de l’élite, doté d’un lourd bagage politique et de compétences politiques limitées. Hillary Clinton pensait qu’elle avait le droit de devenir présidente, qualifiait bêtement les électeurs de Donald Trump de « pitoyables » et refusait avec dédain de faire campagne dans les États-charnières.

Après huit ans de divisions intérieures, de stagnation et de débâcles sur la scène internationale sous Barack Obama et les démocrates, une faible majorité des électeurs américains était prête à élire Donald Trump plutôt qu’Hillary Clinton, avec la conviction erronée qu’il « rendrait sa grandeur à l’Amérique ».

Si Joe Biden et non pas Hillary Clinton avait été candidat démocrate en 2016, Donald Trump ne serait jamais devenu président.

En 2020, une faible majorité des électeurs américains a décidé que quatre années de chaos trumpien étaient plus qu’assez et a opté pour Joe Biden.

Lors des élections de mi-mandat de 2022, Donald Trump a échoué à remporter la victoire écrasante prédite, les électeurs refusant de voter pour les candidats soutenus par Donald Trump qui prétendait faussement et stupidement que Joe Biden avait volé la présidentielle de 2020. Donald Trump s’en tient toujours à ce mensonge qui ne pourrait convaincre que ses électeurs les plus ignorants et qui lui aliénera les électeurs qui croient en la démocratie libérale et chérissent la stabilité politique.

La vérité est que si les démocrates avaient eu un candidat viable à la présidence pendant la plus grande partie de cette année, Donald Trump ne se serait probablement pas trouvé dans la position dans laquelle il se trouvait avant le remplacement de Joe Biden par Kamala Harris.

Dans un rare moment d’illumination politique, Trump l’a d’ailleurs admis lors d’un récent rassemblement, en déclarant : « Je n’aurais pas dû écarter Joe Biden de la course ».

Maintenant que Kamala Harris s’est avérée être une candidate crédible et populaire, la cote de Trump est naturellement à nouveau en baisse et, à moins d’une catastrophe imprévue, Kamala Harris pourrait bien remporter la présidentielle.