Chroniques

Répression de l’opposition politique en Moldavie, illustration du caractère totalitaire de la globalisation

Une vague de répression sans précédent est en train de s’abattre sur l’opposition politique moldave, qui refuse la dilution globaliste de la jeune République, et cela, dans le silence complaisant de l’Occident, qui ne voit aucun mal à réprimer tout ce qui peut le mettre en danger, alerte Karine Bechet-Golovko.

Pour comprendre les mouvements de résistance politique interne à l’ordre globaliste, qui émergent dans des pays ayant historiquement constitué l’Empire russe, et la volonté de certains groupes politiques de normaliser leur relation avec la Russie, l’histoire est fondamentale. Si l’on ne sort pas du discours instantané globaliste, niant l’histoire afin de justifier sa domination récente, on ne peut pas comprendre pourquoi les partis moldaves d’opposition sont justement venus ce week-end à Moscou signer un accord fondant une coalition politique, ni pourquoi ils sont l’objet d’une véritable répression par les autorités moldaves.

La Moldavie est une République du Sud-Est de l’Europe, qui aujourd’hui a des frontières communes avec l’Ukraine et la Roumanie. Historiquement, la Moldavie a toujours été sous domination de ses voisins, plus puissants, mais elle a réussi à garder au sein de ces entités une certaine autonomie culturelle et politique. Ainsi, dès 1535, la Principauté de Moldavie passe sous contrôle de la Roumanie, puis suite à la paix de Bucarest en 1812, la partie orientale de la Principauté entre dans l’Empire russe, ainsi que la Transnistrie, qui s’assimilent rapidement culturellement. Avec la chute de l’Empire, la Russie perd une grande partie du territoire, qui retourne dans la Roumanie, ce qui est ratifié à Paris. Cette situation va durer jusqu’en 1940, où sera constituée la République socialiste soviétique de Moldavie. Mais avec l’aide des nazis, la Roumanie va reprendre des territoires en 1941 et la Moldavie sera sous occupation, où elle subira de très fortes répressions.

Après la libération par l’armée soviétique en 1944, le pouvoir soviétique donne à la République socialiste soviétique d’Ukraine les régions où vivaient majoritairement les Ukrainiens et les Roumains. La Transnistrie et le reste du territoire sera réintégré à la République socialiste soviétique de Moldavie. La mémoire des persécutions contre les populations sous la domination roumano-nazie restera vivante dans ces territoires. La Moldavie est devenue indépendante à la chute de l’URSS en 1991.

Nous sommes donc face à un territoire qui n’a pas de traditions étatiques, dans le sens où il a toujours été intégré dans un autre territoire jusqu’à ces récentes années. De plus, il s’agit d’un territoire avec des minorités ethniques (Russes, Ukrainiens et Gagaouzes), dont les intérêts ne se recoupent pas.

Et une précision de taille : la nouvelle Constitution moldave «leur a reconnu la création de leurs propres entités territoriales au sein de la structure nationale de la République de Moldavie, ce qui leur a donné la possibilité de créer leurs propres organes législatifs, leurs gouvernements et d’avoir des compétences linguistiques. La séparation de ces territoires était également autorisée en cas de jonction de la Moldavie à la Roumanie».

Une Moldavie sous domination globaliste

Revenons désormais à l’actualité récente. En 2020, un virage plus idéologique que politique est opéré en Moldavie avec l’élection de Maïa Sandu, après que le paysage politique ait été largement dominé par les communistes, malgré la montée en puissance des libéraux avec le temps, depuis la création de la jeune République. L’enjeu ici n’est pas celui d’une alternance de type politique, avec un passage à une politique de droite après des années d’une politique de gauche. Non, il s’agit du passage de la Moldavie, comme jeune état tentant de se construire, à une Moldavie sous domination globaliste, avec tout ce que cela entraîne : intégration dans l’UE et dans l’OTAN, restauration de la «roumanisation» de la Moldavie avec en perspective la fusion des deux pays et bien sûr intensification du conflit avec la Russie – puisque là est située la frontière du monde global. Sans parler du changement de valeurs, qui accompagne ces transformations : les valeurs traditionnelles doivent impérativement être clouées au pilori de l’histoire, pour n’être remplacées que par la négation de l’homme dans les cultes destructeurs des mouvements woke, LGBT, etc.

Face à cela, les minorités russe et gagaouze ne peuvent que se révolter et l’on voit en toute logique, et pour des raisons historiques, les tensions politiques monter en Transnistrie et en Gagaouzie contre ce centre globaliste. Après que les partis d’opposition, comme Shor, aient fait l’objet de persécutions judiciaires, de volonté de fermeture, les six grands d’entre eux décident de se réunir ce week-end à Moscou. Et où peuvent-ils encore se réunir s’ils sont persécutés sur leurs terres ? S’ils veulent proposer une alternative à la globalisation et revenir à la souveraineté nationale ?

Ainsi le 21 avril, les dirigeants des partis politiques d’opposition Shor, Renaissance, Chance, Victorie et Force alternative pour sauver la Moldavie ont signé un accord, donnant naissance à un groupe politique appelé «Pobeda», c’est-à-dire «Victoire», qui doit présenter un candidat unique de l’opposition dans le pays, afin de changer le cours et aller dans le sens d’une normalisation des relations avec la Russie, la CEI et l’Union économique eurasienne. Bref, pour franchir la frontière du monde global.

Le bloc de la Victoire, «une nouvelle voie à la Moldavie»

«Un événement véritablement historique s'est produit à Moscou : le bloc de la Victoire a été créé. Nous proposons une nouvelle voie à la Moldavie», a déclaré Ilan Shor. «L'idée de l'UE est un fantôme, elle est destructrice pour le pays. Notre tâche est de montrer aux gens des alternatives efficaces et éprouvées : la Russie, la Communauté économique eurasiatique, la CEI. Nous agirons dans cette direction», a-t-il poursuivi.

Et nous sommes bien face à une alternative idéologique, puisqu’il s’agit de changer non pas la voie à l’intérieur d’un cadre idéologique déterminé (en l’occurrence, celui de la globalisation), mais bien de restaurer la souveraineté du territoire, ce qui va à l’encontre de la voie portée par les élites et institutions moldaves actuelles.

Ainsi, le procureur général de Moldavie a pu déclarer voir des éléments de haute trahison dans la constitution de ce bloc politique. En effet, la remise en cause de la globalisation ne peut être une alternative acceptable pour ce système : s’il y a une alternative, ce monde ne sera plus global. La globalisation ne peut se permettre le pluralisme, parce qu’elle est totalitaire dans son essence même.

En toute logique, le 22 avril, les délégués furent attendus à l’aéroport d’arrivée en Moldavie. Ils furent bloqués trois à cinq heures dans l’aéroport, la présidente du parti Renaissance, Natalia Paraska, a été «accompagnée» pour être interrogée par les Services de sécurité. Dès le 23 avril, la police a lancé une vague de perquisitions d’une ampleur inattendue : 150 opposants ont été visés. Et le gouverneur de la région de Gagaouzie, Evghénia Gutsul, qui déclare (en conformité avec la Constitution moldave) que si la Modavie entre dans l’Union européenne ou dans la Roumanie, la région de Gagaouzie utilisera son droit à l’autodétermination, se trouve sous le coup d’une affaire pénale, évidemment pour corruption, affaire qui a été transmise à la justice.

Que peut-on lire dans les médias occidentaux ? Rien sur les répressions et cette opposition moldave, qui veut défendre les intérêts de la Moldavie, et non pas ceux de l’UE ou de la Roumanie, qui est qualifiée de «pro-russe». Nous sommes bien dans le paradigme globaliste : soit vous êtes avec nous et vous êtes a priori démocrate, soit vous être pour votre pays et vous êtes «pro-russe». Être pour l’intérêt national est une catégorie qui n’entre plus dans le mode de pensée actuel, puisque la souveraineté n’est plus reconnue comme le mode d’existence des États. Le mode globaliste nie toute opposition, nie toute alternative. Il ne reconnaît que la soumission à son diktat. Mais par le champ lexical utilisé, il reconnaît «malgré lui» à la Russie le monopole de la défense de l’intérêt national, d’être le leader du combat pour la restauration de la souveraineté des États.