De janvier à octobre 2023, le PIB russe a augmenté de plus de 3% par rapport à la même période de 2022, a indiqué le ministère russe du Développement économique. Selon lui, une forte croissance est observée, par exemple, dans la construction, l’industrie de transformation et le commerce. En parallèle, les salaires réels des citoyens ont augmenté de 7,4% et le taux de chômage est passé sous la barre des 3% pour la première fois dans l’histoire. Selon Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, l’économie aurait réussi à retrouver sa trajectoire de croissance malgré le poids sans précédent des sanctions. Dans le même temps, les initiateurs des restrictions, à savoir les Etats européens, ont dû faire face aux conséquences de leurs propres décisions. Selon les prévisions de la Commission européenne, dix pays de l’UE connaîtront une récession économique d’ici la fin 2023.
Au cours des dix premiers mois de l'année, l’économie russe a progressé de 3,2% par rapport à la même période de 2022 et de 1,1% par rapport à l’année 2021. A noter qu’en octobre, le PIB du pays a augmenté de 5% en glissement annuel et de 1,8% par rapport aux chiffres de 2021. Les données ont été publiées par le ministère du Développement économique le 29 novembre.
Selon le rapport du ministère, une forte croissance est observée dans la plupart des industries. Par exemple, de janvier à octobre 2023, le secteur de la construction a crû de 8,1% sur un an, l’industrie de transformation de 7,4%, le commerce de gros de 9,5%, le commerce de détail de 5,3%.
La situation sur le marché du travail reste également positive. Selon les dernières estimations, sur les neuf premiers mois de 2023, les salaires réels des Russes, c’est-à-dire une fois retranchée l’inflation, ont augmenté en moyenne de 7,4% en glissement annuel, et le taux de chômage a chuté à 2,9% début novembre, soit le niveau le plus bas jamais enregistré.
«L’économie russe poursuit sa croissance active... Aujourd’hui, alors que l'étape de son rétablissement est achevée, l’objectif est de consolider les tendances positives et d’assurer son évolution structurelle continue», a déclaré le 15 novembre Polina Krioutchkova, vice-ministre du Développement économique.
Effet boomerang
Pour l'année en cours, le ministère du Développement économique prévoit pour l’instant une hausse du PIB russe de 2,8%. Toutefois, selon des estimations du ministère des Finances, le chiffre réel pourrait être supérieur.
«Cette année, la dynamique de la croissance économique sera de 3%, peut-être même plus. Cela neutralise totalement le déclin constaté l’année dernière... C’est-à-dire que notre économie commence vraiment à croître. Regardez l’Occident qui impose des sanctions et qui cherche à étouffer l’économie russe. Les résultats sont visibles», a indiqué le ministre des Finances Anton Silouanov lors de son intervention au 8e Forum international de l’Université des finances le 21 novembre.
Il convient de rappeler que l’année dernière, après le début de l’opération militaire spéciale en Ukraine, les pays occidentaux ont commencé à imposer des sanctions antirusses de grande ampleur. Selon des informations figurant dans la base de données spécialisée Castellum.AI, plus de 15 200 restrictions diverses ont été imposées à Moscou depuis lors. C’est plus que le nombre de sanctions auxquelles font face l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord, la Biélorussie, le Venezuela, le Myanmar et Cuba réunis.
Les restrictions concernent l’énergie, les finances, les banques, l’aviation et le commerce. En parallèle, près de la moitié des réserves en or et en devises du pays (d’un montant de 300 milliards de dollars) ont été gelées, et de nombreuses entreprises internationales ont annoncé qu'elles se retiraient de la Russie.
Dans ce contexte, par exemple, la Commission européenne avait initialement prédit pour l’économie russe un effondrement de plus de 10% en 2022. Cependant, le déclin réel n’a été que de 2,1% et s’est finalement avéré moins important que celui constaté lors de la pandémie de 2020 (2,7%) et de la crise de 2009 (7,8%).
En outre, au printemps 2023, les experts de la Commission ont supposé que le PIB russe continuerait à se rétracter au cours de cette année pour perdre encore 0,9%. Et pourtant, les économistes européens ont dû revoir leurs estimations en novembre ; ils s’attendent désormais à une augmentation de 2%.
Il convient de préciser qu’en 2023, l’économie de l’Union européenne pourrait ralentir de près de six fois par rapport à 2022 et ne croître que de 0,6%, selon les prévisions de la Commission européenne. Pire encore, dix États risquent de voir leur PIB diminuer. Ce sont la Lettonie (-0,2%), l’Allemagne (-0,3%), la Lituanie et la République tchèque (-0,4%), l’Autriche et la Suède (-0,5%), le Luxembourg (-0,6%), la Hongrie (-0,7%), l’Irlande (-0,9%) et l’Estonie (-2,6%).
«Après avoir connu une forte expansion pendant la plus grande partie de l’année 2022, le PIB réel s’est contracté vers la fin de l’année [2022] et n’a guère progressé au cours des trois premiers trimestres de 2023. L’inflation, qui, bien qu’en recul, reste élevée, et le resserrement de la politique monétaire, conjugués à une faible demande, ont eu des effets plus dommageables que prévu. Les derniers relevés des indicateurs [...] font état d’un quatrième trimestre marqué, lui aussi, par une activité économique atone», précise le rapport présenté par la Commission européenne.
Selon l'agence S&P Global et la Hamburg Commercial Bank, l’indice des directeurs d’achat (PMI) dans les secteurs de la production et des services dans la zone euro est continuellement en dessous de la barre critique des 50 points depuis six mois. Une telle situation témoigne traditionnellement de tendances économiques négatives en plein développement.
En Russie, au contraire, cet indice dépasse les 50 points pour le neuvième mois consécutif. De plus, fin octobre, le niveau d’optimisme des entreprises du pays a atteint sa valeur maximale depuis avril 2019.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré le 29 novembre que les tentatives européennes de renoncer aux importations de différents biens russes dans le cadre des sanctions – principalement des ressources énergétiques – avaient déjà entraîné une baisse de la compétitivité de l’UE. Les pays de l’Union sont désormais contraints d’acheter ces produits ailleurs, mais à des prix plus élevés, ce qui a déjà conduit l’industrie de la région à une situation de pré-faillite. Entre-temps, la Russie est parvenue à assurer sa stabilité macroéconomique, a déclaré le porte-parole du Kremlin.
«Les hommes politiques européens constatent l’inefficacité des sanctions et en voient l’effet boomerang... Il est évident que malgré le nombre sans précédent des restrictions qui ont été adoptées [...], l’économie [russe] a retrouvé sa trajectoire de croissance. C’est un fait que l’on ne peut pas ignorer», a-t-il souligné.
Directions différentes
L’impact des sanctions occidentales sur l’économie russe a été considérablement affaibli par trois facteurs clés, selon Guéorgui Ostapkovitch, directeur du Centre d’études de la conjoncture au sein de l’Institut de recherches statistiques et d’économie de la connaissance auprès de l’École des hautes études en sciences économiques. Par exemple, l’adaptation rapide des entreprises aux nouvelles réalités a joué un rôle important : les entreprises ont réorganisé les routes commerciales, ont trouvé de nouveaux fournisseurs et adopté des mesures de gestion anti-crise.
«Deuxièmement, le gouvernement a apporté un soutien substantiel aux entreprises. Certaines barrières administratives ont été supprimées, des aides financières ont été allouées aux grandes, moyennes et petites entreprises. Troisièmement, la Banque centrale a empêché le chaos sur le marché financier, ce qui a permis au système bancaire et aux entreprises de travailler calmement en termes de finances», a ajouté Guéorgui Ostapkovitch.
En outre, dans un contexte de sanctions sans précédent, la Russie est non seulement parvenue à relever les défis mieux que prévu, mais encore à dépasser l’Allemagne dans le classement des plus grandes économies en termes de parité de pouvoir d’achat, devenant ainsi la cinquième au monde et la première en Europe – une telle conclusion découle des documents de la Banque mondiale.
«L’Allemagne, principal moteur de l’économie européenne, a déjà déclaré être entrée en récession. De nombreux pays européens sont en stagnation. Les principaux problèmes actuels sont avant tout la crise énergétique, les risques d’inflation élevés, les difficultés sur le marché du travail ainsi que le facteur géopolitique de l’instabilité», a déclaré Guéorgui Ostapkovitch.
Selon Natalia Miltchakova, analyste en chef de Freedom Finance Global, le principal défi pour l’économie européenne est la forte accélération de l’inflation après le refus de l’UE d’utiliser les hydrocarbures russes. Les prix des carburants et, par conséquent, de toute une série d’autres biens ont flambé ce qui a entraîné une baisse de la demande, la population commençant à économiser davantage. Dans le même temps, les entreprises industrielles ont commencé à fermer ou à délocaliser leur production vers des pays où l’énergie est moins chère.
Pour juguler l’inflation, la Banque centrale européenne a commencé à relever ses taux d’intérêt, alors qu’elle les avait pendant longtemps maintenus proches de zéro. La hausse du coût du crédit qui en est résulté a encore freiné la demande des consommateurs et l’activité des entreprises.
«Tous les efforts des fonctionnaires européens et de la Banque centrale européenne visaient précisément à combattre l’inflation. La politique monétaire et de crédit très rigide promue par le régulateur a essentiellement mené à l’indisponibilité du financement par emprunt et à la stagnation de l’économie européenne», a-t-elle expliqué lors de son entretien avec RT.