Le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président du Conseil italien, Mario Draghi, sont arrivés ce 16 juin dans la région de Kiev pour apporter leur soutien aux autorités ukrainiennes et à leur aspiration à entrer dans la «famille européenne». Confrontée à ce qu'elle dénonce comme une invasion de la Russie et en recul sur le terrain militaire – notamment à Sévérodonetsk – l'Ukraine a récemment appelé à accroître encore davantage l'aide militaire qui lui est allouée.
Les trois dirigeants ont pris place ensemble à bord d'un train spécial, comme l'a confirmé la présidence française. Une photo, diffusée par les réseaux sociaux de médias allemands et italiens, les montre assis autour d'une table dans un salon boisé du train où ils ont embarqué en Pologne.
Arrivé sur place, le président français a déclaré aux journalistes : «Il faut que l'Ukraine puisse résister et l'emporter». Interrogé sur les déclarations dans lesquelles il affirmait qu'il ne fallait pas «humilier» la Russie, Emmanuel Macron s'est défendu : «La France est aux côtés de l'Ukraine depuis le premier jour [...] nous sommes aux côtés des Ukrainiens sans ambiguïté».
Le trio doit rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui réclame une adhésion à l'UE pour son pays – processus qui, de l'aveu même des dirigeants européens, s'avèrerait long et fastidieux.
Si la France, l'Allemagne et l'Italie y sont favorables, mais dans une perspective plus ou moins lointaine, l'Ukraine espère bien un accord des Vingt-Sept sur sa demande officielle d'adhésion lors du sommet européen des 23 et 24 juin. En cas d'acceptation de la candidature, débuterait alors un processus de négociations pouvant durer plusieurs années.
«Je pense que nous sommes à un moment où nous avons besoin d'envoyer des signaux politiques clairs, nous, Union européenne, à l'égard de l'Ukraine et du peuple ukrainien dans un contexte où il résiste de manière héroïque depuis plusieurs mois», a déclaré en marge de son déplacement le président français, qui a visité auparavant une base de l'OTAN en Roumanie.
Ce déplacement est une première pour les dirigeants des trois principaux pays de l'Union européenne, depuis le début de l'opération militaire russe déclenchée le 24 février, et qui vise selon Moscou à «démilitariser» et «dénazifier» l'Ukraine afin notamment de protéger les populations du Donbass, dans l'est du pays. Celles-ci font régulièrement l'objet de bombardements par les forces de Kiev (dont les Républiques de Donetsk et Lougansk ne reconnaissent pas la légitimité) depuis le coup d'Etat de 2014.
Vers un accroissement des livraisons d'armes, malgré les mises en garde de Moscou
Poursuivant ses multiples prises de parole à distance dans différents pays européens, Volodymyr Zelensky a adressé le 15 juin un message aux députés tchèques à Prague lors d'une téléconférence, affirmant notamment : «Nous sommes avec vous, soyez avec nous.» Le dirigeant ukrainien a profité de sa tribune pour citer un appel lancé par un présentateur de la radio tchécoslovaque en 1968 alors que les occupants soviétiques tentaient de couper la radio.
«Aujourd'hui, alors que le peuple ukrainien lutte pour sa liberté contre l'invasion cruelle de la Russie, nous utilisons ces mots pour nous adresser à toutes les nations d'Europe et du monde démocratique», a-t-il ajouté. «L'Ukraine doit obtenir tout ce qui est nécessaire pour remporter la victoire», a-t-il martelé.
Dans la soirée du 15 juin, Volodymyr Zelensky a également dit sa «gratitude» à l'égard des Etats-Unis pour la nouvelle tranche d'aide militaire que son homologue américain, Joe Biden, lui a annoncée dans la soirée au téléphone.
«Les Etats-Unis ont annoncé un nouveau renforcement de notre défense, une nouvelle tranche d'aide d'un milliard de dollars», a confirmé le président ukrainien dans la soirée du 15 juin dans son message vidéo quotidien. «Je veux dire ma gratitude pour ce soutien, il est particulièrement important pour notre défense dans le Donbass», a-t-il poursuivi. L'aide étasunienne comprend notamment des pièces d'artillerie et des obus supplémentaires.
Le 15 juin également, le chef du Pentagone Lloyd Austin a appelé ses alliés à «intensifier» les livraisons d'armes aux Ukrainiens. «L'Ukraine est confrontée à un moment charnière sur le champ de bataille», a déclaré le secrétaire américain à la Défense, lors d'une réunion au siège de l'OTAN à Bruxelles des pays du «groupe de contact» créé par les Etats-Unis pour aider l'Ukraine. «Nous devons donc intensifier notre engagement commun [et] redoubler d'efforts pour qu'elle puisse se défendre», a-t-il ajouté.
Un avis partagé par le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg, qui a jugé le 14 juin que l'Alliance atlantique devait encore intensifier ses livraisons «d'armes lourdes» à l'Ukraine.
Volodymyr Zelensky a indiqué s'être également entretenu avec le Premier ministre britannique Boris Johnson, lequel a assuré sur Twitter soutenir l'Ukraine «jusqu'à la victoire finale».
Une politique vivement condamnée par le président russe Vladimir Poutine, qui avait accusé le 5 juin l'Occident de n'avoir «qu'un seul but : faire durer le conflit armé autant que possible».
Le président russe avait par ailleurs averti que Moscou frapperait de nouvelles cibles si des missiles à longue portée étaient livrés par Washington à l'Ukraine. «Si [ces missiles] sont fournis, nous en tirerons les conclusions appropriées et utiliserons nos armes [...] pour frapper des cibles que nous n'avons pas encore visées», avait ainsi mis en garde le chef d'Etat.
De son côté, le président américain Joseph Biden avait déclaré un peu plus tôt exclure de livrer à l'Ukraine des systèmes de lance-roquettes à longue portée qui pourraient atteindre la Russie, malgré les demandes répétées de Kiev pour obtenir de telles armes.
Un couloir humanitaire proposé par Moscou mais sans confirmation de Kiev
Les combats se concentrent depuis plusieurs jours à Lyssychantsk et Sévérodonetsk, deux villes clef du Donbass. Les autorités ukrainiennes ont reconnu ces derniers jours que leurs troupes avaient été chassées du centre-ville de Sévérodonetsk, et ne plus disposer que de «voies de communication compliquées» avec elles après la destruction de tous les ponts vers Lyssytchansk.
Les forces ukrainiennes sont notamment retranchées dans l'usine chimique Azot, emblématique de cette ville comptant quelque 100 000 habitants, avec plus de 500 civils à l'intérieur, selon le maire de Sévérodonetsk, Oleksandre Striouk. Moscou a proposé le 14 juin un «couloir humanitaire» qui permettrait d'évacuer ces civils vers des territoires contrôlés par les Russes, mais Kiev ne l'a pas confirmé. La Russie a, de plus, accusé le 16 juin les forces de Kiev d'avoir empêché cette opération qui avait pour but de mettre les civils à l'abri.
De son côté, Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la partie de la région de Lougansk qui est toujours sous contrôle de Kiev, affirme qu'environ 10 000 civils étaient encore présents dans la ville.