Le revirement de l'Espagne en faveur de la position marocaine sur la délicate question du Sahara occidental est «inacceptable moralement et historiquement», a estimé dans la soirée du 23 avril le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
Dans une entrevue accordée à des médias nationaux, Abdelmadjid Tebboune a fustigé l'annonce le 18 mars par le gouvernement espagnol de son soutien à un plan d'autonomie marocain, en rupture avec la position traditionnelle de neutralité de l'ancienne puissance colonisatrice.
«Nous avons de très solides liens avec l'Etat espagnol mais le chef du gouvernement [Pedro Sanchez] a tout cassé», a ajouté le chef de l'Etat algérien. Pedro Sanchez a qualifié le plan marocain de «base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend».
Dénonçant un «revirement» de l'Espagne, Alger a rappelé dans la foulée le 19 mars son ambassadeur en Espagne et a réclamé des «clarifications» avant tout éventuel retour de son représentant à Madrid.
Un référendum d'autodétermination du Sahara occidental est prévu depuis 1991
Le conflit dans cette vaste zone désertique, bordée d'eaux poissonneuses et au riche sous-sol minier, considérée comme un «territoire non autonome» par l'ONU, oppose depuis des décennies le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus diplomatiquement par Alger.
Rabat, qui contrôle près de 80% du Sahara occidental, propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté tandis que le Polisario réclame un référendum d'autodétermination, prévu par l'ONU lors de la signature en 1991 d'un cessez-le-feu, mais jamais concrétisé.
«L'ONU considère que l'Espagne est la puissance administrante tant qu'il n'y a pas de solution au Sahara occidental», a poursuivi Abdelmadjid Tebboune. L'Algérie réclame «l'application du droit international». «L'Espagne ne doit pas renoncer à sa responsabilité historique et doit réviser sa position», a-t-il ajouté.
L'Espagne soutient la solution marocaine mais dépend... du gaz algérien
Abdelmadjid Tebboune a toutefois souligné que l'Algérie ne «renoncerait jamais à ses engagements d'assurer la fourniture de gaz à l'Espagne quelles que soient les circonstances». L'Espagne est très dépendante de l'Algérie pour ses approvisionnements en gaz.
Début avril, le groupe pétro-gazier public algérien Sonatrach avait évoqué une hausse des prix du gaz livré à l'Espagne, en raison de la flambée enregistrée sur les marchés sous l'effet de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le PDG de Sonatrach Toufik Hakkar avait alors indiqué à l'agence officielle APS qu'il n'était «pas exclu de procéder à un "recalcul" des prix avec notre client espagnol».
Le Front Polisario avait déjà rompu ses liens avec Madrid en conséquence de ce changement de position, dénonçant un «marchandage lamentable». L'ONU avait, quant à elle, nommé un nouvel émissaire pour le Sahara occidental à l'automne 2021 alors que le poste était vacant depuis 2019.