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Cacophonie entre alliés : Washington, Kiev et le rappel des familles des diplomates en Ukraine

Le département d'Etat américain a ordonné l'évacuation des familles de ses diplomates à Kiev en raison de «la menace persistante d'une action militaire russe», malgré les démentis de Moscou. L'Ukraine elle-même juge la décision «prématurée».

Le département d'Etat américain a ordonné le 24 janvier l'évacuation des familles de ses diplomates en poste à Kiev et a déconseillé les voyages en Russie, au motif que la situation en Ukraine est «imprévisible» et pourrait «se détériorer à tout moment», selon un communiqué officiel. Washington brandit de surcroît une nouvelle fois «la menace persistante d'une action militaire russe» en Ukraine, malgré les multiples démentis de Moscou. La décision américaine a rapidement suscité des réactions de Kiev et de l'Union européenne, laissant entrevoir une divergence de points de vue entre alliés.

«Nous pensons qu'une invasion russe [...] peut se produire à tout instant», assure Washington

Le personnel local et le personnel non essentiel peuvent quitter l'ambassade s'ils le souhaitent, et les ressortissants américains résidant en Ukraine «devraient envisager maintenant» de partir. «Nous pensons qu'une invasion russe [...] peut se produire à tout instant. Les Etats-Unis ne seraient pas en position d'évacuer les citoyens américains dans ce cas de figure», a déclaré à la presse une haute responsable américaine, relayée par les agences TASS et AFP. L'ambassade reste néanmoins ouverte et la chargée d'affaires Kristina Kvien «reste en Ukraine», a ajouté cette responsable.

Washington a par ailleurs déconseillé aux Américains de se rendre en Russie, justifiant cette mesure notamment par «la possibilité d'un harcèlement des citoyens américains», en particulier par la police russe, et «une application arbitraire des lois locales». Ce même 23 janvier, selon l'agence RIA Novosti, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a averti de la possibilité que les pays occidentaux s'essayent à des «provocations majeures» au sujet de l'Ukraine, Moscou n'excluant pas qu'elles puissent être de nature informationnelles ou militaires.

Depuis plusieurs semaines – et même des mois, voire plusieurs années – Washington et ses alliés de l'OTAN brandissent avec insistance le scénario d'une invasion russe de l'Ukraine. De son côté, Moscou a maintes fois démenti ces velléités. Le porte-parole du président russe Dmitri Peskov a récemment estimé que les affirmations occidentales en ce sens étaient «dénuées de preuves», affirmant que leur objectif était d'attiser les tensions.

Kiev dénonce, l'UE attend des explications

L'Ukraine a jugé ce 24 janvier «prématurée» et «excessive» la «mesure de la partie américaine» de rappeler les familles de ses diplomates en poste à Kiev, «tout en respectant le droit des Etats étrangers à assurer la sécurité de leurs missions diplomatiques», selon les termes employés par le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Oleg Nikolenko dans un communiqué. 

Du côté de l'Union européenne, pas d'alarmisme non plus, Bruxelles ne comptant pas suivre Washington sur ce plan. «Je ne pense pas que nous devions dramatiser dans la mesure où les négociations se poursuivent, et elles se poursuivent. Je ne pense pas que nous devons laisser l'Ukraine et partir. Mais peut-être que le secrétaire Blinken a plus d'informations qu'il partagera avec nous», a déclaré Josep Borrell avant un entretien en visioconférence ce 24 janvier avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. «Blinken va nous expliquer [la décision américaine]», a ajouté le chef de la diplomatie de l'Union européenne, mettant en lumière une dissension entre les deux alliés.

La France a elle conseillé à ses ressortissants de reporter leurs voyages non essentiels vers l'Ukraine. «Dans la mesure du possible, il est conseillé de différer les déplacements sans caractère indispensable ou urgent en Ukraine», a fait savoir le ministère français des Affaires étrangères sur son site.

De son côté, le ministère britannique des Affaires étrangères a en revanche annoncé le retrait d'une partie du personnel de son ambassade en Ukraine.

Nouvelles discussions entre Lavrov et Blinken

Les chefs des diplomaties américaine et russe doivent discuter ce 24 janvier en visioconférence avec les membres de l'UE à Bruxelles. Antony Blinken s'est engagé à «coucher des idées sur le papier», tandis que Moscou attend une réponse à ses demandes, relayées récemment par son homologue russe Sergueï Lavrov. La Russie demande notamment un engagement écrit sur le non-élargissement de l'Otan à l'Ukraine et à la Géorgie et réclame un retrait des forces et des armements de l'Alliance atlantique des pays d'Europe de l'Est ayant rejoint l'Otan après 1997, notamment de Roumanie et Bulgarie. Ces demandes sont jugées inacceptables par les gouvernement occidentaux.

Le 23 janvier, la responsable américaine du département d'Etat citée par plusieurs agences de presse avait également déclaré que Washington continuerait d'apporter une assistance militaire à l'Ukraine et qu'en cas d'escalade, les Etats-Unis fourniraient «du matériel défensif supplémentaire à l'Ukraine en plus de celui déjà fourni».

A Kiev, le ministre ukrainien de la Défense a annoncé dans un tweet le 23 janvier au soir l'arrivée de 80 tonnes d'armements en provenance «de nos amis aux Etats-Unis». «Et ce n'est pas fini», a ajouté Oleksii Reznikov.