Le 20 janvier, un rapport commandé par l'Eglise a jeté une ombre sur la réputation de l'ancien pape Benoît XVI. Celui-ci est en effet accusé de n'avoir rien entrepris pour écarter des prêtres soupçonnés de commettre des violences sexuelles sur mineurs dans l'archevêché allemand qu'il dirigea autour des années 80. Il rejette cependant toute responsabilité.
Le cabinet Westpfahl Spilker Wastl (WSW) affirme dans ce rapport – qui recense aussi plus de 400 victimes d'abus dans cet archevêché de Munich et Freising – que le cardinal Joseph Ratzinger n'aurait à l'époque pris aucune mesure pour écarter quatre ecclésiastiques soupçonnés de violences sexuelles sur mineurs.
Sans réagir directement aux accusations, Benoît XVI a exprimé «son choc et sa honte» face à la pédocriminalité dans l'église allemande, selon un communiqué de son secrétaire particulier, Monseigneur Georg Gänswein. Dans une prise de position transmise aux avocats, le pape émérite de 94 ans – qui vit retiré au Vatican depuis sa démission en 2013 – a rejeté «strictement» toute responsabilité.
Les auteurs du rapport jugent toutefois cette dénégation peu crédible. Ils se disent notamment «convaincus» que Monseigneur Ratzinger – qui dirigea l'archevêché de 1977 à 1982 – était au courant du passé pédophile du prêtre Peter Hullermann, même s'il l'a toujours nié.
L'actuel archevêque de Munich et Freising également mis en cause
En 1980, cet ecclésiastique soupçonné de graves abus sur mineurs avait été transféré de Rhénanie-du-Nord-Westphalie en Bavière. Or, selon le protocole de la réunion d'admission de Peter Hullermann cité par le rapport, son passé fut évoqué et Joseph Ratzinger était présent.
Malgré une thérapie psychiatrique, le prêtre a poursuivi ses sévices. Six ans plus tard, un tribunal bavarois l'a condamné à une peine de prison avec sursis, mais il a été transféré dans une autre ville bavaroise, où il aurait récidivé. Il faudra attendre 2010 avant qu'il soit contraint à la retraite.
Les auteurs du rapport ont également épinglé l'actuel archevêque de Munich et Freising, le cardinal Reinhard Marx, pour avoir fait preuve de négligence dans deux cas de prêtres soupçonnés d'agressions sexuelles sur des enfants. Sans réagir directement à ces affirmations, l'intéressé s'est dit «bouleversé et honteux» face aux souffrances infligées par des membres de l'église. Il a promis de s'exprimer sur les éventuelles conséquences dans une semaine, après analyse du rapport.
L'enquête, qui s'appuie sur les archives disponibles et des témoignages, décompte en tout 497 victimes entre 1945 et 2019 – en majorité des jeunes garçons et adolescents – et 235 coupables présumés, principalement des prêtres. Mais selon l'avocat Martin Pusch, «ce nombre ne reflète pas la dimension complète» des agressions. «La prise en compte [des victimes] reste insuffisante à de nombreux points de vue», a-t-il également souligné. L'avocate Marion Wetspfahl a quant à elle dénoncé «le phénomène effrayant des dissimulations» systématiques de cas de violences sur mineurs, afin de protéger l'Eglise.
Le Saint-Siège a dit vouloir étudier en détail le rapport, réitérant «son sentiment de honte et de remords» pour les violences commises.
Le «pragmatisme froid» de l'Eglise dénoncé
L'expertise a de nouveau relevé «le pragmatisme froid» pratiqué pendant des décennies au nom de la protection de l'institution, «sans aucune empathie pour les victimes», selon le commissaire indépendant pour les questions d'agressions sexuelles, Johannes-Wilhelm Rörig.
L'absence de volonté des hauts dignitaires «d'endosser toute responsabilité personnelle» est clairement exposée, a également pointé Sigrid Grabmeier, du groupe réformateur Wir sind Kirche («Nous sommes l'Eglise»).
En Allemagne, le catholicisme reste la première confession, même si ses fidèles s'en éloignent en grand nombre : ils sont tombés à 22,2 millions en 2020, une chute de 2,5 millions par rapport à 2010.
Il y a quatre ans, un rapport avait dévoilé qu'au moins 3 677 enfants avaient été victimes d'agressions sexuelles commises depuis 1946 dans le pays. Depuis, chaque diocèse a mandaté des enquêtes locales. Après des excuses officielles, l'Eglise a fixé un dédommagement – jugé insuffisant par les victimes – pouvant aller jusqu'à 50 000 euros par personne, contre 5 000 euros jusqu'ici.