Rien ne va plus dans le diocèse de Cologne, où le cardinal et archevêque, Reiner Maria Woelki, est accusé, par ses paroissiens comme par des victimes, d'avoir voulu dissimuler un rapport portant sur des actes de pédophilie et des abus sexuels commis dans son diocèse dans les années 1960.
Comme le rapporte le journal La Croix, le conseil diocésain de l’archevêque a d'ailleurs décidé de suspendre son travail au regard des lourdes présomptions qui pèsent sur l'homme d'Eglise.
Nous nous trouvons dans la plus grande crise que l’Eglise ait jamais vécue.
Le président du conseil diocésain de Cologne, Tim Kurzbach, a dénoncé «la plus grande crise que l’Eglise ait jamais vécue», soulignant que «l’archevêque de Cologne avait échoué en tant qu’instance morale», rapporte le média belge RTBF.
Une affaire de pédophilie qui remue l'Allemagne depuis plusieurs années
Les poursuites, dont Deutsche Welle faisait état l'année dernière, sont menées par Karl Haucke, 63 ans, et 15 autres anciens orphelins qui ont été victimes d'abus sexuels et ont demandé à l'archevêque de Cologne de mener une enquête approfondie.
Pour répondre aux exigences des plaignants, en 2018, le cardinal de Cologne décide, après quelques hésitations sur le cabinet en charge et quelques désaccords sur les méthodes utilisées, de faire appel aux services d'un cabinet munichois pour étudier les différentes accusations qui pèsent sur son diocèse, comme le rapporte le National Catholic Reporter. Le document est achevé en janvier 2021.
Les détails contenus dans ce rapport sont si horribles que l'archevêque Reiner Maria Woelki aurait refusé de le rendre public, exigeant des journalistes qui y ont accès qu'ils signent des accords de confidentialité, d'après The Daily Beast, média américain qui dit avoir eu accès à ce rapport d'enquête.
Toujours d'après ce média, huit journalistes allemands avaient d'ailleurs décidé de quitter une conférence de presse organisée par l'Eglise après s'être vu refuser l'accès au document à moins qu'ils acceptent de ne pas en publier le contenu.
Le média précise avoir eu accès au document par l'intermédiaire de plusieurs avocats impliqués dans le dossier.
Un rapport sordide et des religieuses mises en cause
Le 2 février, The Daily Beast fait donc état des abus sexuels détaillés dans le rapport. Au fil de ce document de 560 pages, les rédacteurs dépeignent notamment de façon crue et détaillée comment certaines religieuses et certains prêtres rattachés au diocèse de Cologne auraient abusé, de longues années durant, d'enfants placés en orphelinat.
En cause notamment, l'orphelinat de l'Ordre des sœurs du divin rédempteur qui, entre les années 1960 et 1970, aurait «loué» des enfants à des hommes d'affaires et des membres du clergé.
Les abus auraient duré des années, l'une des victimes affirmant même que certaines sœurs continuaient à lui rendre visite dans sa résidence universitaire après avoir quitté le couvent pour la droguer puis la livrer à des prédateurs sexuels dans divers appartements.
Toujours selon ce média, certains orphelins auraient notamment été contraints de participer à «des gangs bangs et des orgies» avant d'être renvoyés au couvent, où les religieuses les «réprimandaient pour avoir sali leurs vêtements et être couverts de sperme».
Certains enfants auraient même été intentionnellement empêchés d'être adoptés ou placés dans des foyers d'accueil afin que les religieuses puissent continuer à perpétrer leurs abus. Le rapport a conclu que 175 enfants, pour la plupart des garçons âgés de 8 à 14 ans, avaient été maltraités pendant près de deux décennies. Des accusations relatées quelques semaines auparavant par le magazine allemand Der Spiegel.
Ce document n'incriminerait pas pour autant les religieuses, affirmant au contraire que ce sont des erreurs de gestion «systématiques», ainsi que la «clémence» des sœurs vis-à-vis des personnes accusées par les enfants, qui auraient permis à ces abus de continuer. Sollicité par The Daily Beast, l'Ordre des sœurs du divin rédempteur n'aurait pas souhaité répondre aux multiples demandes de commentaires sur ces allégations.
Ces révélations choquantes surviennent quelques mois après qu'une enquête distincte a révélé l'existence du «projet Kentler», réseau pédophile organisé par le sexologue du même nom dans les années 1970.
L'affaire avait éclaboussé les autorités berlinoises puisque la mairie de l'époque avait couvert, défendu et encouragé les agissements du pédophile Helmut Kentler pendant des dizaines d'années.