Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a dénoncé le 22 décembre le «centralisme bureaucratique» de Bruxelles en réaction au lancement, par la Commission européenne, d'une procédure d'infraction contre son pays après que le Tribunal constitutionnel polonais a contesté la primauté du droit européen et l'autorité de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Selon lui, la décision de la Commission européenne montre que «la tendance au développement du centralisme démocratique et du centralisme bureaucratique depuis Bruxelles progresse malheureusement».
Tout en réprouvant l'action de Bruxelles, le dirigeant a assuré que le Tribunal constitutionnel polonais répondait «à toutes les exigences d’indépendance».
«C'est un Tribunal constitutionnel qui s'occupe de la Constitution, afin qu'elle soit véritablement la loi suprême de la République de Pologne», a plaidé Mateusz Morawiecki. «Si la Commission européenne comprend mal le principe des pouvoirs conférés par l'article 5 du traité sur l'Union européenne, c'est évidemment un problème», a-t-il ajouté.
La Pologne a déjà été condamnée récemment à des astreintes par la justice européenne : le 27 octobre, à un million d'euros par jour pour faire cesser le fonctionnement de la controversée chambre disciplinaire de la Cour suprême, et en septembre à 500 000 euros par jour pour l'obliger à fermer une mine de lignite. Varsovie a annoncé son refus de payer.
Plus tôt, le 7 octobre dernier, le Tribunal constitutionnel polonais avait remis en cause la primauté du droit européen sur l’ordre juridique interne de la Pologne. L'arrêt conteste la suprématie du droit européen en jugeant certains articles des traités de l'Union européenne «incompatibles» avec la Constitution polonaise.
En réaction, la Commission européenne avait bloqué les sommes prévues (23,9 milliards d'euros de subventions) pour le plan de relance post-Covid destinées à Varsovie. Bruxelles avait en effet exigé que la Pologne s’explique sur les problèmes de manque d'indépendance de son système judiciaire et de remise en cause de la primauté du droit européen.
Ultimatum de deux mois
De son côté, Bruxelles reste inflexible : «Nous considérons que cette jurisprudence a violé les principes généraux d'autonomie, de primauté, d'efficacité et d'application uniforme du droit de l'Union, et les arrêts contraignants de la Cour de justice de l’UE», a déclaré le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni. «Nous considérons également que le Tribunal constitutionnel ne répond plus aux exigences d'un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, comme l'exige le traité», a-t-il ajouté lors d'un point de presse.
L'exécutif européen a envoyé un courrier au gouvernement polonais, qui a deux mois pour répondre. La procédure d'infraction peut conduire à une saisine de la Cour de justice de l'UE (CJUE), et peut aller jusqu'à des sanctions financières.
L'UE est engagée dans un bras de fer depuis plusieurs années avec Varsovie à propos des réformes judiciaires lancées par le parti conservateur polonais Droit et justice (PiS) au pouvoir depuis 2015. Bruxelles exige en particulier de la Pologne qu'elle fasse cesser les activités de la chambre disciplinaire des juges, en vain jusqu'à présent. Ces réformes, accusées de saper l'indépendance des juges, ont valu à la Pologne plusieurs condamnations par la CJUE.