Longtemps mal-aimé au sein du Parti social-démocrate, l'austère Olaf Scholz, surnommé parfois l'«automate», prend la suite d'Angela Merkel à la tête de l'Allemagne, grâce à son expérience de ministre et d'élu local. A 63 ans, le grand argentier du gouvernement Merkel a en effet été élu ce 8 décembre par le Bundestag au poste de chancelier de la première économie européenne, au terme d'une improbable remontée. Soutenu par le SPD, les Verts et les Libéraux, il a reçu les suffrages de 395 des 736 députés du Bundestag. Il devait dans la foulée se rendre à la résidence du président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier pour y recevoir son «acte de nomination». Son parti, le SPD, décrit il y a peu encore comme moribond, a coup sur coup remporté les législatives de septembre et réussi à mettre sur pied une inédite coalition avec les Verts et Libéraux.
«L'incarnation de l'ennui en politique», selon le Spiegel
Il s'inspire pour cela du style tout en rondeurs de Merkel, jusqu'au mimétisme dans la gestuelle, au point d'être présenté par le quotidien allemand de gauche Taz comme un «variant» de la chancelière. Olaf Scholz est néanmoins parvenu à s'imposer alors qu'il reste assez méconnu des Allemands eux-mêmes. La toute première biographie du futur chancelier n'a ainsi été publiée que le 6 décembre en Allemagne, alors qu'Olaf Scholz a été ministre à plusieurs reprises et ancien maire de Hambourg, la deuxième ville du pays.
Décrit par le Spiegel comme «l'incarnation de l'ennui en politique», Olaf Scholz a franchi tous les échelons de l'action publique depuis les années 70. Né à Osnabrück, le 14 juin 1958, d'un père voyageur de commerce et d'une mère au foyer, il est entré dès 1975 au sein du puissant mouvement des Jeunes du SPD, les «Jusos». Une période durant laquelle il arbore des cheveux longs, porte des pulls en laine et participe à nombre de manifestations pacifistes. Olaf Scholz mène en parallèle des études de juriste et, le crâne désormais lisse, ouvre en 1985 un cabinet d'avocat spécialisé dans le droit du travail. Il défend notamment les salariés dans de nombreux dossiers, à partir de la réunification allemande en 1990, de privatisation et de démantèlement d'entreprises d'ex-RDA.
Sa carrière va réellement prendre son envol lorsque le social-démocrate Gerhard Schröder arrive à la chancellerie. Elu député en 1998, Olaf Scholz devient secrétaire général du SPD en 2002. Son ton monocorde lui fait gagner le surnom de «Scholzomat», une boutade qui lui déplaît. «On me posait toujours les mêmes questions et j'y apportais toujours les mêmes réponses», se défend celui qui assure «rire plus souvent que les gens ne pensent». «Je suis sobre, pragmatique et déterminé. Mais ce qui m'a poussé à faire de la politique, ce sont les émotions», a-t-il récemment confié à l'hebdomadaire Die Zeit, plaidant pour une «société équitable», dans laquelle «chacun et chacune ait de bonnes perspectives dans sa propre vie».
Aile droite du SPD
La libéralisation du marché du travail dans un pays alors considéré comme «l'homme malade de l'Europe» va diviser la gauche allemande et précipiter la défaite de Gerhard Schröder face à Angela Merkel en 2005. En 2007, Olaf Scholz récupère le ministère du Travail. En 2011, ce boulimique de politique – un milieu dont est aussi issue son épouse, Britta Ernst, ministre de l'Education dans la région du Brandebourg – devient maire de Hambourg. Il y mène une politique ambitieuse en matière de logements sociaux et de petite enfance, mais se montre dépensier avec les fonds publics.
Au plan fédéral en revanche, il s'en tient à son credo: «On ne donne que ce que l'on a.» En 2018, Olaf Scholz succède à la tête du puissant ministère des Finances au très orthodoxe chrétien-démocrate Wolfgang Schäuble, dont il poursuit la gestion financière inflexible. Son positionnement centriste contribue à le marginaliser au sein même du SPD, au point qu'en 2019, les militants l'écartent de leur présidence. Olaf Scholz parvient néanmoins à rebondir à la faveur de la pandémie, n'hésitant pas à rompre avec la doxa budgétaire et à sortir le «bazooka» de la dépense publique. Malgré le désaveu de 2019, le SPD, un des plus vieux partis européens, le choisit pour défendre ses couleurs, en dépit de plusieurs affaires qui ternissent son passage aux Finances.
A la tête de la coalition inédite associant socialistes, Verts et libéraux, la gestion du regain de la pandémie de Covid-19, qui touche particulièrement l’Allemagne, constituera d’ailleurs l’un des premiers défis du nouveau chancelier et son gouvernement. L'annonce de la nomination de Karl Lauterbach au ministère de la Santé a notamment suscité des réactions : cet épidémiologiste, favorable à l’obligation vaccinale et à des mesures sanitaires strictes, est particulièrement décrié par les mouvements opposés aux restrictions sanitaires.