Le gouvernement irakien s'emploie à enregistrer les migrants irakiens bloqués à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne qui veulent rentrer «volontairement» en Irak et leur proposera une «réponse urgente», a assuré à l'AFP la diplomatie irakienne ce 12 novembre.
«Nous sommes prêts à organiser plus d'un voyage pour apporter une réponse urgente à toute personne souhaitant rentrer volontairement», a dit Mohammed al-Sahaf, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, au sujet des migrants irakiens, majoritairement des Kurdes d'Irak, bloqués à la frontière de la Biélorussie et de la Pologne, pays membre de l'Union européenne.
Plusieurs milliers de migrants, notamment des Kurdes, sont bloqués depuis plusieurs jours dans un camp de fortune du côté biélorusse de la frontière, dans l'espoir de passer en Pologne. Mais leur sort est devenu l'objet d'une crise entre les Occidentaux, d'une part, et la Biélorussie.
Les migrants kurdes irakiens disent fuir les difficultés économiques et l'instabilité qui accablent leur région autonome. Pour leur venir en aide, la diplomatie irakienne a envoyé à la frontière des diplomates depuis Moscou et Varsovie pour «s'assurer de leur sécurité et communiquer avec les autorités compétentes», a ajouté Mohammed al-Sahaf.
Les consulats de Biélorussie à Erbil, au Kurdistan irakien, et à Bagdad, qui délivraient jusqu'à présent des visas de tourisme aux Irakiens, «ont été fermés temporairement» la semaine dernière, a-t-il expliqué. Iraqi Airways a suspendu ses liaisons Bagdad-Minsk au mois d'août dernier «jusqu'à nouvel ordre», a pour sa part fait savoir à l'AFP Hussein Jalil, un porte-parole de la compagnie nationale. «Mais nous avons obtenu l'autorisation d'opérer des allers simples entre Minsk et Bagdad pour transporter les Irakiens bloqués» en Biélorussie. Le vice-président de la Commission européenne Margaritis Schinas a annoncé qu'il se rendrait le 15 novembre à Bagdad pour évoquer la crise migratoire.
La Turquie interdit aux Irakiens, Syriens et Yéménites d'embarquer pour la Biélorussie
Pour se rendre à Minsk, les migrants irakiens s'étaient, depuis le mois d'août, rabattus sur des vols avec escale, en passant notamment par la Turquie. Mais ce 12 novembre, la Direction générale de l'aviation turque a décidé d'interdire «jusqu'à nouvel ordre» aux Irakiens, Syriens et Yéménites «d'acheter des billets et d'embarquer pour la Biélorussie depuis les aéroports de Turquie». Une décision prise sous la pression croissante de l'Europe, qui accuse Minsk d'acheminer des migrants à ses portes. La principale compagnie aérienne de la Biélorussie, Belavia, a assuré qu'elle se conformerait à cette restriction.
L'Union européenne accuse Minsk d'orchestrer cet afflux migratoire, en délivrant notamment des visas, pour se venger de sanctions occidentales imposées au gouvernement d'Alexandre Loukachenko l'an dernier. Bruxelles s'efforce depuis plusieurs jours d'endiguer ces arrivées en Biélorussie en contactant des pays, notamment du Proche-Orient, pour les convaincre d'empêcher les personnes d'embarquer sur des vols à destination de Minsk. La Turquie est le premier pays à prendre une telle mesure. Istanbul, la plus grande ville turque, a deux aéroports internationaux qui font d'elle une plaque tournante majeure du trafic aérien entre le Proche-Orient et l'Europe. Ankara a tenu à préciser le 11 novembre n'avoir «rien à voir» avec la crise migratoire.
Cette crise en Europe centrale suscite l'inquiétude croissante de la communauté internationale et a fait l'objet le 11 novembre d'une réunion d'urgence au Conseil de sécurité des Nations unies. A l'issue de cette réunion, plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont accusé Minsk de vouloir «déstabiliser les pays voisins» et «détourner l'attention de ses propres violations croissantes des droits humains».
Minsk a dénoncé des accusations «sans fondements» et considère que la Pologne et ses alliés occidentaux font monter délibérément la tension pour prendre des sanctions à son encontre. Bruxelles a par ailleurs fait savoir que de nouvelles sanctions étaient prévues. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a alors menacé de riposter en fermant les vannes d'un important gazoduc alimentant l'Europe en gaz russe et transitant par la Biélorussie, au moment où le continent fait déjà face à des pénuries.
Moscou a réagi le 12 novembre, assurant que les livraisons de gaz russe à l'Europe ne seraient pas suspendues. «La Russie a toujours été, est et restera un pays qui respecte toutes ses obligations en matière de livraisons de gaz aux consommateurs européens et de respect des engagements contractuels. La fiabilité de la Russie en tant que fournisseur et partenaire dans le cadre des contrats en cours et futurs ne fait aucun doute», a ainsi déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Vladimir Poutine a appelé dans la foulée l'UE et la Biélorussie à renouer le dialogue
Sur le terrain, les migrants sont pris en étau entre les autorités biélorusses qui, selon Varsovie, les contraignent à avancer en tirant parfois des coups de feu en l'air, et les gardes-frontières polonais qui les refoulent sans ménagement. Plus de 2 000 personnes, dont des femmes et des enfants, sont ainsi coincées depuis plusieurs jours dans un camp de fortune du côté biélorusse de la démarcation par un froid glacial, allumant des feux pour se réchauffer. Selon le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, dix migrants sont morts dans cette zone ces dernières semaines.