Dans un entretien au journal allemand Bild en date du 24 octobre, le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer, estime que la volonté de certains pays européens de protéger leurs frontières était «légitime». «Il est légitime pour nous de protéger la frontière extérieure [de l'UE] de manière à empêcher les passages non-détectés [...]. Celui qui veut entrer doit répondre aux exigences et cela doit être vérifié».
Cette déclaration fait suite à la demande de la Pologne d'utiliser 350 millions d'euros provenant des fonds européens dans le but de sécuriser sa frontière avec la Biélorussie.
Selon l'AFP, Horst Seehofer — qui a exclu de fermer la frontière entre l'Allemagne et la Pologne — a également annoncé le 24 octobre que 800 policiers seraient envoyés en renfort à la frontière entre les deux pays. Et «si cela est nécessaire, je suis prêt à les renforcer encore davantage», a-t-il rajouté. D'après les chiffres communiqués par le ministère allemand de l'Intérieur, environ 5 700 personnes ont traversé illégalement la frontière germano-polonaise depuis le début de l'année.
Toujours selon l'AFP, le ministre allemand de l'Intérieur aurait écrit la semaine dernière à son homologue polonais, Mariusz Kaminski, pour lui proposer d'accroître les patrouilles communes le long de la frontière. Le ministre polonais de l'Intérieur lui a répondu que Varsovie apporterait son «plein soutien» à de telles mesures.
Horst Seehofer prend ainsi le contrepied de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, qui avait annoncé le 22 octobre que l'UE ne financerait pas de barrière anti-migrants aux frontières. «J'ai été très claire sur le fait qu'il y a une position commune de longue date de la Commission et du Parlement européen, et qu'il n'y aura pas de financement de barbelés et de murs», a-t-elle soutenu à l'issue d'un sommet des 27 à Bruxelles où la question a été discutée.
Des soldats polonais pris pour cible par des migrants
La demande polonaise survient dans un contexte sécuritaire sensible. Selon des informations rapportées par l'agence de presse russe TASS, des migrants ont blessé deux soldats polonais le 25 octobre alors que les militaires tentaient de les empêcher de franchir la frontière depuis la Biélorussie. Une vidéo postée sur les réseaux sociaux polonais montre un groupe de migrants jetant des pierres et des troncs de bois sur la barrière faite de grilles et de barbelés. Dans un tweet, la Pologne accuse la Biélorussie d'assister les migrants dans leur tentative de franchir la frontière.
Plus tôt, le président biélorusse Alexandre Loukachenko avait déclaré que Minsk n'était plus en mesure de freiner le flux de migrants illégaux vers la frontière de l'UE. Il justifie sa décision par les difficultés financières que rencontre son pays depuis l'imposition de sanctions économiques européennes. En réaction, les autorités polonaises ont déclaré l'état d'urgence sur les territoires limitrophes de la Biélorussie.
La construction de barrières anti-migrants fait consensus en Europe centrale et orientale
Pour rappel, les ministres de l'Intérieur de 12 pays (Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne et République tchèque, Slovaquie) avaient écrit le 7 octobre à la Commission pour demander à l'UE de financer la construction de telles clôtures. «Une barrière physique apparaît comme une mesure de protection des frontières efficace, qui sert les intérêts de l'ensemble de l'UE, pas seulement les Etats membres en première ligne», faisaient-ils valoir.
La commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson avait alors répondu que les pays avaient «la possibilité et le droit de construire des clôtures». «Mais quant à savoir si on devrait utiliser les fonds européens qui sont limités, pour financer la construction de clôtures à la place d'autres choses tout aussi importantes, c'est une autre question», s'était-elle contentée d'indiquer.
La Pologne a, comme la Lituanie, commencé à construire une clôture de barbelés sur une partie de sa frontière avec la Biélorussie. La Hongrie avait quant à elle érigé ce type de barrière à la frontière avec la Serbie et la Croatie (pays membre de l'UE mais qui n'est pas dans Schengen) lors de la crise migratoire de 2015. La Slovénie a fait de même avec la Croatie.