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Italie : Matteo Salvini jugé pour avoir empêché des migrants bloqués en mer de débarquer

Le procès de Matteo Salvini, s'est ouvert ce 23 octobre à Palerme. Il est accusé de séquestration de personnes et d’abus de pouvoir pour avoir interdit le débarquement de 147 migrants secourus en Méditerranée en août 2019.

Le procès de Matteo Salvini a démarré le 23 octobre à Palerme (Sicile) en présence de l'ex-ministre de l'Intérieur. Il est accusé d'avoir bloqué illégalement en mer 147 migrants en 2019, dans de mauvaises conditions sanitaires.

L'acteur américain Richard Gere (partie civile dans ce procès), dont la venue a été demandée par l'ONG espagnole Open Arms qui opérait le navire de secours bloqué, sera autorisé à venir témoigner, ainsi que l'ex-Premier ministre italien Giuseppe Conte, a précisé le juge Roberto Murgia.

Richard Gere était monté à bord du navire d'Open Arms en août 2019 pour apporter son soutien aux migrants, une visite alors raillée par celui qui était alors ministre de l'Intérieur et vice-Premier ministre du gouvernement dirigé par Giuseppe Conte. 

Le procès de Matteo Salvini, qui risque jusqu'à 15 ans de prison, s'était ouvert le 15 septembre, mais avait été renvoyé immédiatement. L'audience du 23 octobre, largement procédurale, a duré moins de trois heures et le juge Murgia a fixé la prochaine audience au 17 décembre.

«Parlez-moi du sérieux d'un procès où Richard Gere vient de Hollywood pour témoigner de ma méchanceté», a ironisé Matteo Salvini devant des journalistes à l'extérieur du tribunal. «J'espère que ça va durer le moins longtemps possible parce qu'il y a des choses plus importantes dont il faut s'occuper», a-t-il rajouté.

Le tribunal a également accepté que Luciana Lamorgese et Luigi Di Maio, respectivement ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères, figurent parmi les témoins.

Pour Fabien Gibault, enseignant à l’université de Turin, interrogé par RT France, à travers Matteo Salvini «c'est tout le système d'intégration et d'arrivée des migrants [en Italie] qui va passer en procès». Il ajoute que la plus grande difficulté sera d'établir avec exactitude les responsabilités de toutes les personnes impliquées dans l'affaire, car Matteo Salvini n'a pas agi seul.

Toujours selon lui, ce procès fera office de «jurisprudence» et déterminera «la ligne directrice» que suivra l'Italie quant au sauvetage des migrants échoués en mer et de l'immigration clandestine en général.

Le fondateur et directeur d'Open Arms, Oscar Camps, a assuré aux journalistes que le procès n'avait pas de motivation politique. «Sauver des gens n'est pas un crime, mais une obligation, non seulement pour les capitaines, mais pour l'Etat tout entier», a-t-il déclaré.

Matteo Salvini, 48 ans, est le chef de La Ligue, parti s'opposant à l'immigration clandestine. Il appartient à la coalition au pouvoir dirigée par Mario Draghi. Il est accusé de séquestration de personnes et d'abus de pouvoir pour avoir interdit le débarquement de 147 migrants secourus en mer par l'ONG Open Arms en août 2019. 

L'ancien ministre de l'Intérieur avait refusé pendant six jours d'accorder un port sûr au navire de l'ONG espagnole qui mouillait au large de la petite île italienne de Lampedusa (au sud de la Sicile) alors que les conditions à bord s'aggravaient. Les migrants avaient finalement débarqué grâce à une ordonnance émise par la justice sicilienne après une inspection à bord, qui avait confirmé la gravité de la situation sanitaire sur le navire surpeuplé.

Matteo Salvini dit avoir agi pour le bien de l'Italie

Connu pour ses déclarations controversées, notamment sur l'immigration, Matteo Salvini assure avoir agi pour le bien de l'Italie, et pour dissuader les migrants de s'embarquer sur les côtes africaines pour une dangereuse traversée de la Méditerranée. Et de souligner au passage que la décision avait été validée par le gouvernement de l'époque et Giuseppe Conte.

«Voici le tribunal de la prison de Palerme», avait-il tweeté depuis la salle avant l'ouverture de l'audience, avec une photo de lui-même debout devant une cellule réservée à certains accusés. «Le procès voulu par la gauche et les fans de l'immigration illégale commence : combien cela va-t-il coûter aux citoyens italiens ?», a-t-il ajouté.

Vingt-trois parties civiles, dont neuf migrants qui se trouvaient à bord, sont représentées au procès. Le Sénat a voté l'an dernier la levée de l'immunité parlementaire de Matteo Salvini, ouvrant la voie à son procès. Dans une affaire similaire, le tribunal de Catane, également en Sicile, avait ordonné l'abandon des poursuites contre Matteo Salvini, accusé d'avoir bloqué en mer une centaine de migrants secourus par le navire Gregoretti, toujours à l'été 2019.

Pendant l'audience à Palerme, 406 migrants, sauvés lors de plusieurs opérations au large de la Libye par le navire allemand Sea Watch 3 de l'ONG Sea Watch, sont arrivés dans le port sicilien de Pozzallo pour désembarquer, selon l'agence italienne AGI.

Matteo Salvini a été ministre de l'Intérieur et vice-Premier ministre dans le premier gouvernement de Conte, de juin 2018 à septembre 2019.