Domenico Lucano, ancien maire de la commune de Riace (Calabre) a été condamné en première instance le 30 septembre à une peine de 13 ans et deux mois de prison, rapportent les médias italiens.
Dénonçant la lourdeur de sa peine, l'édile connu pour ses politiques en faveur des migrants a estimé que les juges avaient «inversé la réalité» et dit être «mort de l’intérieur». La peine est supérieure de cinq ans à celle requise par le ministère public, et comprend aussi la restitution de 500 000 euros de financements européens.
13 ans d'incarcération et 500 000 euros d'amende pour aide et encouragement à l'immigration illégale
Les chefs d’accusation qui lui était imputés comprenaient l’association de malfaiteurs, l'abus de pouvoir, l'escroquerie, la concussion, le détournement de fonds, ainsi que l'aide et l'encouragement à l’immigration illégale. Sa compagne a elle été condamnée à 4 ans et 10 mois d’emprisonnement pour des infractions liées à la gestion des migrants. Le maire était notamment accusé d'avoir organisé des mariages de convenance afin d'aider des femmes déboutées du droit d'asile à rester en Italie. Il lui était aussi reproché de s'être passé d'appel d'offres pour attribuer la gestion des ordures de son village de 1 800 habitants à des coopératives liées aux migrants.
«J’ai passé ma vie pour des idéaux, contre les mafias, j’étais maire, je me suis rangé du côté des réfugiés qui sont arrivés, je m’imaginais contribuer à la rédemption de ma terre, ce fut une expérience inoubliable», a annoncé l'édile de gauche à sa sortie. Il avait déjà déclaré à la presse qu’il n’avait «pas peur de la condamnation» et qu’il était prêt à «construire de nombreux Riace dans toute la Calabre». Ne regrettant rien, il s’est toutefois dit «victime du système judiciaire». Ses avocats ont de leur côté dénoncé «une peine lunaire et une peine exorbitante qui contrastent totalement avec les preuves du procès» et annoncé faire appel de la décision.
Le chef de la Ligue, Matteo Salvini, s'est félicité de la condamnation de Domenico Lucano : «La Calabre ne mérite pas les escrocs et les amis des immigrants illégaux. Je suis fier de retourner demain dans ce beau pays et de clore la campagne électorale à Catanzaro et à Reggio de Calabre», a-t-il twitté. La Ligue a également publié un communiqué sur Facebook dénonçant «le système criminel et clientéliste derrière l'accueil des migrants»
Le sénateur de la Ligue, Stefano Borghesi, a également exprimé sa satisfaction : «Encensé par la gauche en tant que bienfaiteur, Domenico Lucano est aujourd'hui condamné pour aide à l'immigration illégale et enrichissement en lien avec la gestion de migrants à plus de 13 ans (le double de ce que le procureur a demandé).»
En revanche, Laura Boldrini (Parti Démocrate), ancienne présidente de la Chambre des députés, a exprimé son soutien à l'ancien maire : «Je connais Mimmo depuis des années et j'ai apprécié son engagement à faire de Riace un lieu de renaissance et d'hospitalité.»
L'ONG allemande Sea-Watch, dont le bateau avait forcé le barrage des gardes-côtes italiens en juin 2019, a également exprimé son soutien à l'ancien maire de Riace. «Mimmo Lucano a été condamné en première instance à 13 ans et 2 mois. L'ancien maire de Riace a redonné vie et avenir à sa ville par l'hospitalité et la solidarité. Nous sommes aux côtés de Mimmo Lucano et de ceux qui pratiquent la solidarité au quotidien», a twitté l'ONG.
Du côté français, le député européen Damien Carême a également réagi : «La rage : Mimmo Lucano, maire de Riace condamné à 13 ans de prison comme s’il était le pire des criminels Cet acharnement ne vise qu’à annihiler toute humanité. Nous, solidaires, ne laisserons pas faire. S’il le faut, nous irons jusqu’à la CEDH.»
Domenico Lucano avait été arrêté le 2 septembre 2016 dans le cadre d’une enquête menée par la Garde financière (la police douanière et financière italienne) au sujet de plusieurs irrégularités dans la gestion du système d’accueil des migrants. En 2018, il avait été assigné à résidence pour aide à l’immigration illégale.
Il avait accordé un entretien le 26 septembre au média français Mediapart. Il y affirmait : «Une autre voie est possible : celle de l’accueil inconditionnel, d’un modèle inclusif et d’une société alternative et durable, où chacun, peu importe ses origines, sa langue ou sa culture, peut participer à la vie de la cité et trouver sa place.»