«L'idée selon laquelle il y avait un moyen de se retirer [d'Afghanistan] sans que le chaos s'ensuive, je ne vois pas comment cela est possible», a convenu le président des Etats-Unis Joseph Biden, lors d'une interview télévisée sur la chaîne américaine ABC, dont certains extraits ont été partagés sur les réseaux sociaux le 19 août.
«Quand vous voyez l'effondrement significatif des troupes afghanes que nous avions entraînées, 300 000 d'entre eux qui abandonnent tout simplement leur matériel et partent, cela a été, vous savez... C'est ce qui s'est passé», a expliqué le président américain au sujet de la déroute de l'armée afghane. Quant à savoir si un «facteur chaos» avait «toujours» été pris en compte dans la décision des Etats-Unis de se retirer d'Afghanistan, le chef d'Etat a simplement répondu «oui» à son interlocuteur.
Après les 20 ans de présence militaire sur place de l'armée américaine – à la tête d'une coalition atlantiste dépêchée en Afghanistan en 2001 au nom de la guerre contre le terrorisme –, les récents propos du président des Etats-Unis reflètent l'adoption d'une certaine tonalité sur le dossier afghan. «Notre mission en Afghanistan n'a jamais été [de] construire une nation. Elle n'a jamais été celle de créer une démocratie unifiée centralisée», avait par exemple déclaré l'actuel locataire de la Maison blanche en début de semaine.
La guerre en Afghanistan aura coûté plus de «1000 milliards de dollars» aux Etats-Unis, selon Biden
Si la lutte contre le terrorisme a initialement été érigée par les Etats-Unis comme le principal objectif de leur intervention militaire en Afghanistan, plusieurs spécialistes du dossier n'ont eu de cesse de pointer d'autres enjeux inhérents à ce conflit qui, en vingt ans, a absorbé «plus de 1000 milliards de dollars» du budget de la défense américaine, selon Joseph Biden.
«On s'autorise à passer sous silence les véritables ressorts de ce conflit majeur. On oublie que ce vaste pays montagneux est un pays-charnière qui fait la jonction entre les mondes iranien, turc et indien, et qu'en plaçant son territoire sous contrôle direct ou indirect, Washington entendait obtenir de cette opération, à la suite du reflux soviétique, de copieux dividendes stratégiques», soulignait Bruno Guigue, chercheur en philosophie politique, le 18 août sur RT France. «On oublie alors que la principale motivation de l'invasion étrangère perpétrée en 2001, masquée derrière le noble motif de la soi-disant lutte contre le terrorisme, était de prendre pied à proximité de la Russie et de la Chine. Elle se contentait de prolonger, à cet égard, l'implantation de la CIA auprès des factions islamistes, inaugurée avant même l'intervention soviétique de 1979 au profit d’un Etat afghan légitime et dirigé par des forces laïques», y développe encore l'ancien haut fonctionnaire au ministère de l'Intérieur, aujourd'hui auteur en géopolitique.
«L'objectif [en Afghanistan] est une guerre sans fin, pas une guerre réussie», déclarait déjà en 2011 le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, comme en témoigne un court extrait filmé, aujourd'hui exhumé sur les réseaux sociaux. Pour rappel, en 2010, les travaux du ressortissant australien avaient entre autres rendu possible un torrent de révélations sur la guerre en Afghanistan, massivement repartagées par la presse internationale sous les noms «Afghan war diary» ou encore «The War log».
Des troupes US vont-elles rester sur place après le 31 août ?
Alors que plusieurs chancelleries occidentales, dont la France, engagent des opérations d'évacuation de leurs ressortissants sur place, ainsi que d'Afghans cherchant à fuir leur pays, le président des Etats-Unis n'a pour sa part pas exclu de devoir maintenir des troupes à l'aéroport de Kaboul au-delà de la date-butoir du 31 août, si tous les ressortissants américains encore présents dans le pays n'étaient pas évacués d'ici là.
«Nous déterminerons le moment venu qui est encore là-bas», a déclaré Joseph Biden lors de son interview ABC, admettant rencontrer «davantage de difficultés» à évacuer les Afghans que les Américains. «S'il y a encore des citoyens américains, nous resterons pour les faire sortir», a-t-il ajouté, sans préciser les intentions américaines concernant les Afghans qui n'auraient pas réussi à gagner l'aéroport de Kaboul d'ici là.
Le dossier afghan bouscule la scène géopolitique internationale, en premier lieu sur le plan sécuritaire. Le chef de la diplomatie russe a récemment déclaré qu'un dialogue entre les différentes forces politiques afghanes pouvait être «un pas vers la normalisation de la situation», appelant à ne «pas se laisser guider par les critères» des Etats-Unis et de l'OTAN.