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Etats-Unis : un nouveau jour férié marque la fin de l'esclavage dans le pays, il y a 156 ans

Joe Biden a promulgué une loi afin de créer un nouveau jour férié fédéral commémorant l'émancipation des derniers esclaves au Texas, le 19 juin 1865. Quatorze représentants républicains ont voté contre ce jour chômé dénommé «Juneteenth».

Le 17 juin, le président américain Joe Biden a promulgué une loi créant un nouveau jour férié fédéral, le Juneteenth, afin de commémorer l'émancipation des derniers esclaves au Texas il y a 156 ans, le 19 juin 1865.

«Juneteenth symbolise à la fois la longue et difficile nuit de l'esclavage et de la soumission, et la promesse d'un jour meilleur», a déclaré le président démocrate lors d'une cérémonie à la Maison Blanche au côté de sa vice-présidente Kamala Harris, qui est d'origine indienne et jamaïcaine.

Dans un rare moment d'unité politique, le Sénat avait approuvé à l'unanimité le 15 juin le texte de loi consacrant la «Journée nationale de l'indépendance du Juneteenth» (contraction de «juin» et «19» en anglais), puis la Chambre des représentants l'avait adopté à une majorité écrasante, seuls 14 élus républicains votant contre.

L'un d'eux, le représentant Andy Biggs du Texas, a reproché aux démocrates de «transformer cette loi en arme et de vouloir diviser» en la nommant «Journée nationale de l'indépendance», plutôt que «Journée nationale de l'émancipation».

Comme le rapporte le New York Times, son collègue du Tennessee Scott DesJarlais a justifié son vote contre la loi par le fait qu'il est «fiscalement irresponsable de continuer à créer de nouveaux congés payés pour les employés fédéraux alors que la majorité des employés du secteur privé qui travaillent dur doivent payer la facture».

Le représentant républicain de Caroline du Sud Ralph Norman s'est de son côté exprimé sur Twitter en ces termes : «Si vous voulez appeler le Juneteenth, "Jour de la liberté" ou "Jour de l'émancipation" par exemple, alors très bien – cela vaut certainement la peine d'être considéré. Mais l'appeler "Jour de l'indépendance" [qui est également le nom de la fête nationale américaine, le 4 juillet] est totalement inapproprié.» Celui-ci a également critiqué le coût de la mesure, qui s'élèverait selon lui à plus d'un milliard de dollars par an.

Le représentant de l'Arizona Paul Gosar a quant à lui déclaré dans un communiqué que les «marxistes culturels et politiques poursuivent leurs efforts incessants pour diviser davantage [les Etats-Unis]». «Le Juneteenth est une théorie critique de la race (Critical race theory) démystifiée en action. Je rejette le racisme. Je rejette la division raciale que les gens promeuvent. J'ai voté non parce que cette proposition de jour férié ne nous rassemble pas, elle nous déchire», a-t-il précisé.

L'esclavage, «péché originel de l'Amérique» selon Joe Biden

L'esclavage – officiellement aboli en décembre 1865 avec l'adoption du 13e amendement de la Constitution après près de 250 ans d'existence – est selon Joe Biden une «tache morale» et «le péché originel de l'Amérique». Le 19 juin 1865, l'armée de l'Union victorieuse de la guerre de Sécession (1861-1865) avait annoncé aux esclaves de la ville texane de Galveston qu'ils étaient libres, plus de deux ans après la Proclamation d'émancipation signée par le président Abraham Lincoln le 1er janvier 1863.

En faisant du 19 juin le 11e jour férié fédéral, «tous les Américains peuvent sentir le pouvoir de cette journée et apprendre de notre Histoire, célébrer les progrès accomplis et voir la distance parcourue», a déclaré Joe Biden. Il a cependant souligné que l'émancipation des esclaves était «seulement le début» des efforts pour «tenir la promesse de l'égalité raciale».  «Nous n'y sommes pas encore», a déploré le président américain, alors que selon certaines études régulièrement citées par les démocrates, la minorité noire (13% de la population des Etats-Unis) subit encore des discriminations en matière d'emploi, de logement ou encore de santé.

Plusieurs Etats conservateurs ont récemment adopté des lois électorales restrictives ayant pour objectif de lutter contre la fraude. Celles-ci sont cependant accusées par certains de limiter l'accès aux urnes des électeurs afro-américains, qui votent majoritairement démocrate. «La promesse d'une Amérique pour tous ne sera pas tenue tant que le droit sacré de voter restera en danger», a déclaré Joe Biden à ce propos le 17 juin.

Un jour déjà férié dans plusieurs Etats d'un pays où «la haine se cache mais ne disparaît pas»

Ce nouveau jour férié est réservé aux employés du gouvernement fédéral jugés non-essentiels, mais le Juneteenth est déjà férié dans la majorité des Etats américains où la journée est généralement célébrée par des défilés, des concerts ou des fêtes de quartier.

Plusieurs grandes entreprises comme Twitter, Nike ou Lyft en ont fait un jour chômé pour leurs salariés après la mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier blanc le 25 mai 2020 à Minneapolis. Son meurtre a déclenché une vague historique de colère contre le racisme.

Cette cérémonie de signature intervient également le jour du sixième anniversaire de la mort de neuf personnes dans l'attaque d'un jeune adepte de la «suprématie blanche» contre une église de la communauté noire à Charleston, en Caroline du Sud. «[Cet homme] a pris les vies [des fidèles] dans un lieu de culte pour nous rappeler que nos efforts pour éradiquer la haine ne s'arrêtent jamais, la haine se cache mais ne disparaît pas», a mis en garde Joe Biden.

Depuis la mort de George Floyd, les Etats-Unis se sont penchés sur leur passé esclavagiste et les appels déjà anciens à indemniser les Noirs pour cette période ont repris de la vigueur. Joe Biden soutient un texte législatif visant à créer une commission d'experts chargés de faire des propositions sur l'indemnisation des descendants des quelque quatre millions d'Africains amenés de force aux Etats-Unis entre 1619 et 1865.