Darnella Frazier, jeune femme de 18 ans qui a filmé l'interpellation et la mort de George Floyd à Minneapolis fin mai 2020, s'est vue décerner le 11 juin un prix Pulitzer spécial, les récompenses les plus prestigieuses du journalisme aux Etats-Unis.
Comme l'explique l'AFP, le jury du Pulitzer a rendu hommage à celle qui était sortie, ce jour-là, faire une course et s'est retrouvée par hasard face à la scène, pour avoir «courageusement enregistré le meurtre de George Floyd, une vidéo qui a engendré des manifestations contre les brutalités policières dans le monde entier».
Cela «souligne le rôle crucial des citoyens dans la quête de vérité et de justice des journalistes», a poursuivi le jury. «Je ne connaissais pas cet homme (...) mais je savais que sa vie comptait», avait écrit Darnella Frazier sur sa page Facebook à l'occasion du premier anniversaire de la mort de George Floyd, le 25 mai.
«Ça m'a changé», a-t-elle poursuivi avant d'ajouter : «Ça a changé ma vision de la vie. Ça m'a fait réaliser à quel point il est dangereux d'être noir aux Etats-Unis.»
«Un jour, nos enfants pourront n'être que des enfants», a tweeté Sherrilyn Ifill, de la NAACP, la principale organisation pour l'égalité raciale et la promotion des droits de la minorité noire aux Etats-Unis. «En attendant, récompensons leur courage et leur contribution à la manifestation de la vérité.»
Darnella Frazier avait témoigné, fin mars, lors du procès de Derek Chauvin, le policier reconnu depuis coupable du meurtre de George Floyd, que l'on voit appuyer son genou dans le dos de la victime, allongée sur le ventre, durant plusieurs minutes avant qu'il ne perde connaissance.
La question n'est pas ce que j'aurais dû faire, mais ce qu'il aurait dû faire
Elle avait expliqué avoir longtemps regretté de ne pas être intervenue, de «ne pas lui avoir sauvé la vie», puis avait déclaré : «La question n'est pas ce que j'aurais dû faire, mais ce qu'il [Derek Chauvin] aurait dû faire.» Le ministère public a requis 30 ans de prison contre Derek Chauvin, qui connaîtra sa peine le 25 juin.
Différents prix concernant la couverture de l'affaire George Floyd
Au-delà de ce prix spécial, la promotion 2021, la 105e de l'histoire des prix Pulitzer, a mis à l'honneur reportages et articles consacrés à l'affaire George Floyd elle-même mais aussi aux brutalités policières et aux abus des forces de l'ordre, particulièrement à l'encontre des Afro-Américains.
Dans la catégorie «actualité» (Breaking News), c'est la rédaction du Minneapolis Star Tribune, quotidien local de la ville où George Floyd a été assassiné, qui l'a emporté pour sa couverture «urgente, de référence et nuancée».
L'agence Reuters a été co-sacrée dans la catégorie journalisme explicatif pour un projet multimédia baptisé «Shielded» qui montre comment une jurisprudence vieille d'un demi-siècle protège les policiers américains de poursuites ou de condamnation dans de nombreuses bavures.
En matière de journalisme local, deux journalistes du Tampa Bay Times ont été récompensés pour une série d'articles sur les pratiques du shérif du comté de Pasco, en Floride, qui a abusé de son pouvoir en harcelant des personnes susceptibles, selon lui, d'enfreindre la loi.
Autre sujet majeur de 2020, la pandémie de coronavirus a valu des prix Pulitzer au New York Times, dans la catégorie service public, et au journaliste du magazine The Atlantic, Ed Young, pour le journalisme explicatif.
Fait notable, la campagne présidentielle, l'élection, la transition et les événements du 6 janvier ne figurent pas parmi les sujets récompensés.