L'intention était peut-être bonne, mais le service postal espagnol Correos est pris dans une polémique après avoir voulu dénoncer les discriminations raciales. L'entreprise publique a émis le 25 mai une série de quatre timbres avec différentes couleurs (blanc cassé, beige, marron et noir). Plus le timbre est foncé, plus le prix est bas : la couleur la plus claire coûte 1,60 euros, et le timbre le plus sombre coûte 0,70 euros.
Le service postal a appelé cette série les «timbres de l'égalité» (Equality Stamps). Elle a été présentée à l'occasion de l'anniversaire de la mort de George Floyd causée par un policier à Minneapolis (Minnesota) en mai 2020. L'opérateur postal a déclaré que les timbres «reflètent une réalité injuste et douloureuse qui ne devrait pas être autorisée» et que chaque lettre ou colis expédié avec «enverrait un message contre la discrimination raciale».
La campagne a été lancée pendant le Mois européen de la diversité, en collaboration avec la fédération espagnole de SOS Racisme, accompagnée d'une vidéo portée par le rappeur et militant espagnol El Chojin.
Une campagne antiraciste a diffusé un message clairement raciste
Correos España souhaitait ainsi «faire la lumière sur les inégalités raciales et promouvoir la diversité, l'inclusion et l'égalité des droits», comme expliqué dans le communiqué annonçant la campagne. Mais l'objectif semble avoir été manqué, car l'entreprise s'est surtout attirée des critiques.
Antumi Toasijé, historien espagnol et militant panafricaniste qui dirige le Conseil pour l'élimination de la discrimination raciale et ethnique (CERED), a exhorté le service postal à cesser de vendre ces timbres : «Une campagne qui scandalise ceux qu'elle prétend défendre est toujours une erreur», a-t-il tweeté. Selon lui, le fait que les timbres les plus foncés ont une valeur inférieure donne l'impression qu'une couleur de peau claire a plus de valeur.
Moha Gerehou, journaliste espagnol de 28 ans et ancien président de SOS Racisme Madrid, a dénoncé la «contradiction insurmontable» d'«une campagne qui, pour montrer la valeur égale de nos vies, met en circulation des timbres d'une valeur inégale selon la couleur». «Le message est un désastre absolu. C'est raciste», a-t-il ajouté sur Twitter.
Auprès de l'Associated Press le 28 mai, il a ajouté : «En fin de compte, une campagne antiraciste a diffusé un message clairement raciste.» Moha Gerehou a contextualisé la polémique en évoquant un racisme structurel en Espagne, qui n'est pas reconnu mais qui peut être détecté selon lui dans la publicité, la langue espagnole et l'accès au logement. «Tout est lié», a-t-expliqué à l'agence.
Correos España n'a pour l'instant fait aucun commentaire sur la controverse. La campagne du service postal a divisé les militants antiracistes espagnols. Alors que la fédération nationale de SOS Racisme l’a soutenue, la section madrilène de l'association a rejeté l'initiative, déclarant qu'elle contribuait à dissimuler la nature structurelle du racisme et à perpétuer la notion d'infériorité des personnes noires.