Une part d'ombre dans le parcours de l'opposant biélorusse Roman Protassevitch ? Au lendemain de son interpellation à Minsk – dénoncée à l'international – le journal britannique The Times a publié le 24 mai un article dans lequel étaient, entre autres, mentionnés les liens du jeune homme avec le bataillon Azov, milice d'extrême droite opérant en Ukraine contre les rebelles de l'est du pays.
Les deux paragraphes sur le sujet ont depuis été supprimés du portrait de l'ancien rédacteur en chef de la chaîne Telegram biélorusse d'opposition Nexta. «En 2014, Protassevitch se serait rendu dans l'est de l'Ukraine, où il a rejoint le bataillon Azov, un groupe d'extrême droite qui a combattu les séparatistes soutenus par la Russie», pouvait-on y lire, en référence aux rebelles de l'est de l'Ukraine que Moscou dément soutenir.
«Il n'a pas participé aux hostilités mais il était avec le bataillon dans le Donbass. "C'était un photographe et, d'après ce que j'ai compris, un bénévole", a déclaré un journaliste biélorusse», apprenait-on encore.
L'auteur de l'article du Times Marc Bennetts a expliqué sur Twitter avoir demandé la suppression du passage car «une source anonyme ne suffisait pas pour le garder». «Et après avoir creusé davantage, j'ai eu des doutes. C'était deux petits paragraphe dans un portrait de 550 mots», a-t-il justifié.
Une proximité pourtant bien documentée
Le bataillon Azov, créé en mai 2014, est rapidement devenu un régiment en septembre de la même année. A l'époque, dans un rapport de l’ONU, le groupe avait été accusé de violation des droits de l’homme ainsi que de pillage et de détention arbitraire en Ukraine. Début juin 2015, le Congrès américain avait même brièvement bloqué toute fourniture d’aide à ce bataillon, le qualifiant de «groupuscule néonazi».
Cette personne se conforme pleinement à la définition d'un terroriste
Les liens entre Roman Protassevitch et le bataillon Azov ont été explicités dans une publication sur Telegram d'Andriy Biletsky, le fondateur de la milice, qui a précisé qu'à l'époque, le Biélorusse avait participé comme reporter, et non comme soldat. Et selon Andriy Biletsky, l'opposant biélorusse n'aurait pas fait mystère de ses sympathies pour la cause : «Roman, avec Azov et d'autres unités militaires, s'est battu contre l'occupation de l'Ukraine. Il était avec nous près de Shyrokyne [village dans l'oblast de Donetsk], où il a été blessé. Son arme en tant que journaliste n'était pas une arme à feu, mais les mots.»
Les services de renseignement biélorusses (KGB), commentant l'arrestation de cet opposant, ont d'ailleurs évoqué son passé en tant que membre de ce bataillon. «Il est incontestable que cette personne se conforme pleinement à la définition d'un terroriste, d'un mercenaire, participant aux événements sanglants du tristement célèbre bataillon Azov, associé aux atrocités et aux décès de civils dans le sud-est de l'Ukraine. Et ce ne sont pas seulement nos données et les données de l'enquête, mais aussi des faits présentés dans les médias avec les aveux personnels de Protassevitch», a expliqué le 26 mai Ivan Tertel, le chef du KGB, cité par l'agence de presse Belta.
Au sujet de l'arrestation de Roman Protassevitch le 23 mai, le président biélorusse Alexandre Loukachenko, en opposition frontale avec l'Union européenne et les Etats-Unis, a assuré avoir agi «légalement» en détournant l'avion de ligne sur lequel se trouvait l'opposant en raison, selon Minsk, d'une alerte à la bombe. L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) doit se pencher ce 27 mai sur le dossier, après que plusieurs pays occidentaux ont demandé une «enquête urgente» de sa part.
Les membres européens du Conseil de sécurité de l'ONU et Washington ont également appelé à la «libération immédiate» de Roman Protassevitch et de son amie russe Sofia Sapega, également présente à bord de ce vol Athènes-Vilnius et elle aussi arrêtée. Alors que la France a dénoncé un «acte de piraterie», l'Union européenne a décidé en représailles de fermer son espace aérien aux avions biélorusses.