Alors que les Etats-Unis – par la voix de leur représentant à l'Organisation mondiale de la Santé, Jeremy Konyndyk – ont demandé le 25 mai une nouvelle enquête sur les origines du Covid-19 «solide, complète et dirigée par des experts», l'ex-président américain Donald Trump s'est félicité le même jour d'avoir défendu «très tôt» l'idée selon laquelle le Covid-19 – qu'il surnommait fréquemment le «virus chinois» – avait une origine accidentelle à Wuhan.
«A présent tout le monde est d'accord avec le fait que j'avais raison quand j'ai dit très tôt que Wuhan était la source du Covid-19, parfois qualifié de virus chinois. Pour moi c'était une évidence depuis le début, mais j'ai été sévèrement critiqué, comme d'habitude. Maintenant tout le monde est en train de dire "Il avait raison". Merci !», s'est-il enorgueilli sur son site From the Desk of Donald J. Trump.
D'abord qualifiée de complotiste, l'hypothèse d'une origine accidentelle du SARS‑CoV‑2 est en effet considérée avec de plus en plus de sérieux par la communauté scientifique.
Le 24 mai, un article du Wall Street Journal a relancé les spéculations aux Etats-Unis. Disant se baser sur un rapport inédit du renseignement américain, le média affirme que trois chercheurs du laboratoire chinois de Wuhan ont été hospitalisés avec des «symptômes compatibles» avec le Covid dès novembre 2019 – c'est-à-dire un mois avant l'apparition officielle de la maladie selon Pékin.
Le quotidien précise néanmoins que ces symptômes peuvent également être ceux d'une «infection saisonnière» classique.
Une enquête «transparente et objective» a par ailleurs été demandée par une vingtaine de scientifiques le 14 mai dans la prestigieuse revue Science. Une étude conjointe de mars 2021 entre la Chine et l'OMS avait été décriée en raison d'un déséquilibre supposé des investigations menées concernant les deux hypothèses abordées (un accident de laboratoire et une dissémination par voie animale). Alors que les conclusions de la mission consacraient la piste de la transmission par voie animale comme la plus probable, le renseignement américain révélait au même moment qu'il disposait d'éléments privilégiant la fuite du laboratoire.
Pékin fustige des «théories complotistes et de la désinformation»
Tout en écartant cette piste, l'étude de l'OMS avait également échoué à démontrer la transmission du Covid-19 de l'animal à l'homme. Le virologue français Etienne Decroly, officiant au laboratoire Architecture et fonctions des macromolécules biologiques (CNRS, université d’Aix-Marseille), a expliqué à Mediapart le 20 mai : «Plus de 80 000 échantillons provenant d’animaux sauvages, domestiques ou d’élevage, ont été testés, sur le marché de Wuhan, dans la région du Hubei et d’autres régions chinoises. Tous étaient négatifs.» Un élément pouvant justifier selon lui de se pencher sur la thèse de la fuite de laboratoire.
De nouveaux doutes ont aussi émergé quant à la source du Covid-19 lorsque l'institut de virologie de Wuhan a refusé de reconnaître dans un premier temps qu’il travaillait bien sur des coronavirus de chauve-souris prélevés en 2012 dans la mine désaffectée de Mojiang, qui avaient causé la mort de plusieurs mineurs. Monali Rahalkar, chercheuse indienne relayée par Franceinfo, relevait que les «clichés des poumons étaient très ressemblants avec ceux des malades du Covid-19» lorsqu'elle avait pris connaissance de ces nouveaux travaux. Les scientifiques du laboratoire de Wuhan auraient selon elle effectué de nombreuses expéditions pour collecter des coronavirus, mais la possibilité qu'ils aient ramené avec eux le Covid-19 reste encore à démontrer.
Enfin, Le Monde fait état d'«un financement de 250 000 yuans (32 000 euros) en 2018» pour «l’étude de la pathogénicité de deux nouveaux coronavirus de chauve-souris de type Sars, sur des souris transgéniques exprimant le récepteur ACE2 humain». Il mentionne aussi la publication le 21 mai des séquences génétiques de huit nouveaux coronavirus de chauve-souris. Pékin a toujours farouchement rejeté la théorie selon laquelle le Covid-19 aurait pu s'échapper d'un de ses laboratoires, en particulier de l'Institut de virologie de Wuhan, pointé du doigt par l'ex-administration Trump.
«Certains aux Etats-Unis diffusent des théories complotistes et de la désinformation, telle que l'hypothèse d'une fuite de laboratoire», a d'ailleurs fustigé ce 26 mai devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian. Les premiers cas de Covid-19 ont été identifiés fin 2019 dans la métropole chinoise de Wuhan, avant que le virus ne se répande à la surface du globe et n'emporte près de 3,5 millions de personnes.