Les pays de l'OTAN se sont dressés d'une seule voix à la suite de l'arrestation de l'opposant Roman Protassevitch et de sa compagne à Minsk le 23 mai après que l'avion dans lequel ils se trouvaient a été contraint par les autorités biélorusses à un atterrissage d'urgence. Les Occidentaux, qui ont le président Loukachenko dans leur collimateur depuis les élections d'août dernier, n'ont pas manqué de tancer le «régime» biélorusse pour ses agissements et de réclamer des sanctions internationales. Minsk a de son coté assuré avoir agi dans le cadre du droit international et a reçu le soutien de Moscou.
«Nous condamnons fermement l'acte effronté et choquant du régime de Loukachenko de détourner un vol commercial et d'arrêter un journaliste», a écrit le Secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken sur Twitter le 24 mai.
«Cet acte choquant perpétré par le régime Loukachenko a mis en danger la vie de plus de 120 passagers, y compris des citoyens américains», a-t-il encore expliqué dans un communiqué pointant du doigt «l'implication des services de sécurité biélorusses et l'utilisation d'avions militaires biélorusses pour escorter l'avion» dans l'opération.
Washington explique appuyer «le peuple biélorusse dans ses aspirations à un avenir libre, démocratique et prospère et soutient son souhait que le régime respecte les droits humains et les libertés fondamentales». Il a par ailleurs demandé la libération de l'opposant.
Les pays membres de l'Alliance transatlantique et les autorités européennes ont tenu à peu près le même discours. Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a fait savoir sur RMC que cet acte relevait de la «piraterie d'Etat» et ne pouvait «pas rester impuni» : «Je pense à une mesure qui doit se discuter au niveau européen et international, c'est l'interdiction de l'espace aérien biélorusse, qui est une mesure de sanctions», a-t-il encore expliqué. L'ambassadeur de Biélorussie avait été convoqué la veille par le quai d'Orsay à la demande du ministre Jean-Yves Le Drian.
Le chef de la diplomatie irlandaise a lui aussi évoqué un acte de «piraterie aérienne» : «Nous ne pouvons permettre à cet incident de se produire avec des avertissements ou de forts communiqués de presse», a-t-il assuré en appelant lui aussi à des sanctions.
«Cette action extravagante de Loukachenko aura de graves implications», a prévenu pour sa part son homologue britannique Dominic Raab sur Twitter.
Les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept se réunissent en sommet les 24 et 25 mai pour discuter d'éventuelles sanctions contre la Biélorussie. L'incident ne «restera pas sans conséquences», a averti le président du Conseil européen Charles Michel dans un communiqué.
Minsk assure agir dans le cadre du droit international
Les autorités biélorusses ont pour leur part défendu leur action en prétendant agir pour la sécurité des passagers. «Il ne fait aucun doute que les actions de nos autorités compétentes ont été effectuées en pleine conformité avec les règles internationales», a notamment rétorqué Anatoli Glaz, attaché de presse du ministère des Affaires étrangères biélorusse à l'agence RIA Novosti. Le porte-parole a affirmé que le pays pouvait prouver sa bonne foi. «De plus, je suis sûr que, concernant cette question, nous sommes en mesure de garantir une transparence totale et, si cela s’avère nécessaire, d’accueillir des experts et de présenter tous les matériaux afin d'exclure toute insinuation», a-t-il encore assuré.
Anatoli Glaz a par ailleurs tancé les réactions occidentales : «La hâte, dans les déclarations franchement belliqueuses d’un certain nombre de pays et de structures européennes, est frappante. La situation est expressément et clairement exagérée. On discerne une politisation délibérée, il y a des accusations non confirmées, on colle des étiquettes», a-t-il fait savoir, reprochant à ces pays d'avoir immédiatement proféré des «slogans en faveur des sanctions».
Le signe de l'effondrement de la domination occidentale pour Moscou
Les déclarations tonitruantes occidentales ont par ailleurs agacé à Moscou. «Ce qui est choquant, c’est que l’Occident qualifie l’incident survenu dans l’espace aérien de la Biélorussie de "choquant"», a écrit la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova sur son compte Facebook.
Le sang et les souffrances de millions de personnes à travers le monde ont fait tomber le tabouret sur lequel étaient perchés les démagogues occidentaux pour faire leur sermon
«Cela fait longtemps que la vie des "démocraties civilisées" basée sur le principe "quod licet Iovi, non licet bovi" ["ce qui est permis à Jupiter n'est pas permis au bœuf", locution latine] n’est plus d’actualité, puisque ceux qui étaient autrefois leaders ont perdu les qualités dignes d’un vrai leader. Le sang et les souffrances de millions de personnes à travers le monde ont fait tomber le tabouret sur lequel étaient perchés les démagogues occidentaux pour faire leur sermon», a-t-elle par ailleurs ajouté.
«Nous appelons à ce que cette situation soit analysée non pas à la hâte, dans la précipitation», a déclaré le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov dans la foulée. Il a précisé que «les autorités biélorusses étaient prêtes à agir de manière transparente, qu’elles étaient disposées à se conformer à toutes les règles internationales et à garantir une transparence totale, y compris, si nécessaire, en accueillant des experts internationaux», et jugé que cette approche était «absolument raisonnable».
«Je m’abstiendrai de tout commentaire concernant l’avion de Ryanair. Il y a des règles internationales en matière de navigation aérienne, et c’est aux autorités internationales en la matière de donner une évaluation quant à la conformité ou la non-conformité avec lesdites règles internationales. Je ne suis pas en mesure de faire le moindre commentaire», a fait valoir pour sa part le porte-parole du kremlin Dmitri Peskov.