Unionistes et républicains du gouvernement local d'Irlande du Nord ont condamné d'une même voix ce 8 avril les violences «complètement inacceptables et injustifiables» qui ont secoué la province britannique ces derniers jours, dans un contexte de tensions exacerbées par le Brexit.
Le feu couve en effet en Irlande du Nord depuis la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, dont les conséquences créent un sentiment de trahison chez les unionistes attachés à la couronne britannique.
A l'origine, comme le rappelle l'AFP, ces heurts étaient majoritairement le fait d'unionistes en majorité protestants, fervents défenseurs du rattachement de la province au Royaume-Uni. La police locale a prévenu que parmi eux se trouvaient des groupes paramilitaires susceptibles d'attiser les tensions.
En face, des républicains, surtout catholiques, partisans d'une réunification avec la République d'Irlande, ont répondu par la violence, et les deux clans se sont mutuellement attaqués à coup de bombes à essence et projectiles. De nouvelles violences sont en cours ce 8 avril au soir.
Les tensions agitent la province depuis une semaine et se traduisent par des jets de projectiles et des véhicules incendiés, principalement dans des zones loyalistes à majorité protestante, ayant fait plus de 50 blessés au sein de la police.
Elles font resurgir le spectre des trois décennies sanglantes de «Troubles» entre républicains, principalement des catholiques partisans de la réunification avec l'Irlande, et unionistes protestants, qui ont fait 3 500 morts jusqu'à l'accord de paix de 1998.
Plus de 55 policiers blessés depuis le début des émeutes
«Les destructions, violences et menaces de violence sont complètement inacceptables et injustifiables, quelles que soient les inquiétudes existant dans les communautés», ont indiqué les dirigeants locaux après une réunion d'urgence faisant suite à une nouvelle nuit de violences à Belfast.
Dans un communiqué commun, ils se sont dits «gravement préoccupés» par les incidents. «Nos positions politiques divergent sur de nombreux points, mais nous sommes tous unis dans notre soutien à la loi et l'ordre», ont-ils ajouté, appelant à cesser «les attaques contre la police, les services publics et les communautés».
Nous n'avions pas vu des troubles de cette ampleur depuis plusieurs années à Belfast et ailleurs
La semaine dernière, des violences avaient d'abord éclaté dans la ville de Londonderry, avant de gagner un quartier loyaliste de Belfast et les environs de la capitale nord-irlandaise pendant le week-end de Pâques.
Dans la soirée du 7 avril, une foule atteignant jusqu'à 600 personnes s'est rassemblée dans la zone de Lanark Way, dans l'ouest de Belfast, selon la police. Des véhicules ont été incendiés dont un autobus en marche, et des cocktails Molotov ont été lancés de part et d'autre de barrières métalliques séparant les quartiers catholique et protestant.
«Nous n'avions pas vu des troubles de cette ampleur depuis plusieurs années à Belfast et ailleurs», a déclaré un responsable de la police, Jonathan Roberts. Selon lui, des jeunes d'à peine 13 ou 14 ans notamment étaient «encouragés» par des adultes. 55 policiers ont été blessés depuis le début des heurts, ainsi qu'un chauffeur de bus et un photographe de presse. Plusieurs personnes ont également été arrêtées ces derniers jours.
Des violences condamnées par Boris Johnson, la Maison Blanche «inquiète»
Ces violences ont été condamnées par le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui selon l'agence Press Association a dépêché à Belfast son ministre chargé de l'Irlande du Nord Brandon Lewis, ainsi que par le chef du gouvernement irlandais Micheal Martin et la Commission européenne.
Il s'est également entretenu dans l'après-midi avec son homologue irlandais, Micheal Martin.
«Soulignant que la violence est inacceptable, ils ont appelé au calme», a indiqué Dublin avant d'ajouter : «C'est par le dialogue et un travail sur les institutions mises en place par l'accord du Vendredi Saint [qui a mis fin aux Troubles en 1998] qu'il faut avancer».
Le Parlement local, rappelé en pleines vacances de Pâques pour débattre des heurts, a également condamné ces violences. S'exprimant par visioconférence, la Première ministre unioniste (DUP) Arlene Foster a souligné que «des problèmes politiques requièrent des solutions politiques».
Dénonçant une «escalade dangereuse», sa vice-Première ministre, la républicaine du Sinn Fein Michelle O'Neill, a accusé des groupes paramilitaires loyalistes d'inciter des jeunes adolescents à affronter la police.
La ministre de la Justice Naomi Long, du parti centriste Alliance Party, a de son côté dénoncé les promesses non tenues du gouvernement britannique sur le Brexit, disant avoir «de la sympathie pour les gens ici qui se sentent trahis».
La Maison Blanche a également réagi et se dit «inquiète» face à ces violences.
L'accord de paix de 1998 fragilisé
Comme le rappelle l'AFP, l'accord de paix signé en 1998 a estompé la frontière entre la province britannique et la République d'Irlande, mais le Brexit est venu fragiliser ce délicat équilibre, en nécessitant l'introduction des contrôles douaniers entre Royaume-Uni et Union européenne.
Cette solution – le protocole nord-irlandais –, trouvée après d'âpres négociations, vise à éviter le retour à une frontière physique sur l'île d'Irlande en déplaçant les contrôles dans les ports nord-irlandais.
Malgré une période de grâce destinée à permettre aux entreprises de s'adapter, les nouvelles dispositions, qui de fait maintiennent l'Irlande du Nord dans l'union douanière et le marché unique européens, entraînent des perturbations dans les approvisionnements.
Attisant les tensions, les autorités nord-irlandaises ont décidé de ne pas poursuivre des responsables du parti républicain Sinn Fein qui avaient assisté aux obsèques d'un ancien chef paramilitaire malgré les restrictions en vigueur contre le coronavirus.