Lors d'un voyage au Mali le 31 mars dernier, la ministre des Armées Florence Parly a vigoureusement rejeté les conclusions de l'enquête de la division des droits de l'Homme de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), publiée la veille. Un rapport des Nations unies qui accuse l'armée française d'être responsable d'une bavure qui aurait tué 22 civils dans le village de Bounti (centre) le 3 janvier dernier.
Selon les enquêteurs onusiens, le groupe touché par la frappe «était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire», contrairement aux déclarations de Paris qui a toujours nié l'erreur de cible et affirmé avoir frappé un groupe de djihadistes.
C'est au cours d'un voyage au Mali avec ses homologues tchèque et estonien que la ministre a réagi, au lendemain de la publication du rapport de l'ONU. Alors que les trois ministres étaient en déplacement afin de constater «la pleine capacité opérationnelle de la force Takuba», regroupement de forces spéciales européennes au Sahel, Florence Parly a réfuté une nouvelle fois ces accusations, comme le rapporte l'AFP : «Les forces armées françaises [ont] effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel».
«Il y a aussi une guerre dans le domaine informationnel et notre ennemi [...] exploite toutes les polémiques possibles», a également affirmé la membre du gouvernement français, en ajoutant : «Je ne peux pas admettre que l'honneur de nos soldats puisse ainsi être sali.»
La ministre et le chef d'état-major dénoncent les conclusions de l'ONU
Après ces déclarations de la ministre des Armées, c'est le chef d'état-major des armées qui a réagi pour France Culture à ces accusations. François Lecointre a nié le 31 mars les accusations de bavure et maintenu la version d'une frappe sur une cible constituée de djihadistes. «Je conteste absolument les conclusions du rapport de l'ONU et nous allons adresser des contestations à l'ONU que nous faisons de leurs conclusions», a-t-il ainsi déclaré après avoir contesté la méthodologie de l'enquête onusienne : «Nous allons répondre par le biais de notre représentation permanente à l'ONU pour dire point par point ce que nous contestons dans ce rapport, en particulier des questions de méthodologie, qui évidemment ensuite nous amène à contester ce qui est dit sur le fond par le rapport.» Et l'officier d'ajouter : «La méthodologie est pour moi extrêmement contestable. Parce qu'il y a un certain nombre de témoignages qui sont la base des conclusions de ce rapport qui en réalité ne sont pas retranscrits, dont on ne connaît pas l'identité des témoins.»
A peine deux mois après le sommet du Tchad qui réunissait le G5 Sahel et que la France espérait être le départ «d'un sursaut diplomatique, politique», comme l'avait déclaré Jean-Yves Le Drian, et alors que Paris cherche à impliquer davantage les forces militaires européennes au sein de son dispositif Barkhane, cette accusation de l'ONU porte un coup dur à la stratégie française. Les conclusions de cette enquête de l'ONU risquent d'accroître la détérioration de l'image de la France en Afrique et de ne pas encourager les alliés européens de Paris, déjà peu enthousiastes, à s'impliquer d'avantage dans ce que d'aucuns n'hésitent pas à décrire comme un «bourbier» dans lequel l'armée française s'enlise depuis près de huit ans.
Benjamin Fayet