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Arménie : le président refuse de démettre le chef de l'armée, les manifestations continuent

Le chef du gouvernement a demandé à ses soutiens de montrer le 1er mars «la disposition du peuple à soutenir l'ordre démocratique et constitutionnel», alors que de son côté, le président Armen Sarkissian a refusé de révoquer le chef de l'armée.

Les partisans du Premier ministre arménien Nikol Pachinian et ceux de l'opposition sont de nouveau attendus dans la rue le 1er mars en Arménie, plongée dans une grave crise politique sur fond de défaite militaire au Haut-Karabagh à l'automne dernier.

Pour l'opposition, l'objectif est d'obtenir le départ du chef de gouvernement Nikol Pachinian, qualifié de traître. Ce dernier a pour sa part appelé ses partisans à montrer «la disposition du peuple à soutenir l'ordre démocratique et constitutionnel». Chaque camp tentant de mesurer sa force, les organisateurs ont appelé à des rassemblements à 18h heure locale (15h à Paris) à deux endroits distincts de la capitale, Erevan.

Selon l'agence RIA Novosti, des opposants au Premier ministre en place ont pénétré le 1er mars dans un bâtiment gouvernemental pour demander la démission de celui-ci.

L'Arménie est déstabilisée depuis que Nikol Pachinian a accepté en novembre, sous pression, un accord de paix entérinant une défaite humiliante face à l'ennemi juré, l'Azerbaïdjan, dans la région indépendantiste du Haut-Karabagh. L'opposition appelle depuis à son départ et la confrontation, qui couvait depuis des mois, a été ravivée de façon spectaculaire le 25 février par l'appel de l'état-major à la démission de Nikol Pachinian.

Fragilisé mais pas vaincu, le Premier ministre a immédiatement dénoncé une tentative de coup d'Etat militaire, ordonné le limogeage du chef de l'armée et rassemblé le jour même 20 000 sympathisants dans la rue. De son côté, l'opposition s'est aussi mobilisée avec trois jours consécutifs de manifestations, du 25 au 27 février.

Le président refuse la révocation du chef de l'armée

Mettant de l'huile sur le feu, le président Armen Sarkissian – un adversaire politique de Nikol Pachinian – a refusé le 27 février de valider la révocation du chef de l'armée, arguant que la crise «ne peut pas être résolue par des changement fréquents de responsables». «La lutte politique ne doit pas sortir du cadre légal et conduire à des chocs, à une instabilité», a ajouté le 1er mars Armen Sarkissan dans un communiqué, appelant à faire preuve «de tolérance et de solidarité». Nikol Pachinian, obstiné, a rétorqué qu'il renverrait l'ordre de limogeage du chef de l'armée à la présidence. 

Plus en mesure de prendre les décisions qui s'imposent

Le 1er mars, les soutiens de Nikol Pachinian ont prévu de converger jusqu'à un mémorial des victimes des troubles ayant suivi les élections présidentielles de mars 2008. Dénonçant un scrutin biaisé, l'opposition, dont Pachinian était alors l'une des figures montantes, avait été réprimée et des heurts avec la police avaient fait 10 morts et des centaines de blessés.

Emprisonné pendant deux ans pour avoir participé à ces manifestations, Nikol Pachinian a pris sa revanche au printemps 2018, se hissant au pouvoir lors d'une révolution ayant renversé l'ex-président Serge Sarkissian. Très populaire et promettant de débarrasser l'Arménie des vieilles élites corrompues, Nikol Pachinian a toutefois perdu une partie de son crédit avec la défaite militaire au Haut-Karabagh face à l'Azerbaïdjan.

Face au risque de débâcle, l'armée arménienne avait demandé en novembre au chef du gouvernement, après six semaines de combats, d'accepter un cessez-le-feu négocié par le président russe Vladimir Poutine et qui impliquait d'importantes pertes territoriales. Si l'essentiel de la région séparatiste arménienne du Haut-Karabagh a survécu, l'Arménie a perdu la ville symbolique de Choucha, ainsi qu'un glacis de territoires azerbaïdjanais entourant la région. En six semaines, la guerre a fait environ 6 000 morts.

L'armée soutenait jusqu'à présent le Premier ministre, mais l'a lâché la semaine dernière après le limogeage d'un haut gradé ayant critiqué les déclarations de Nikol Pachinian selon lesquelles la défaite était en partie due à l'inefficacité d'un système d'armement russe, les lance-missiles Iskander. L'état-major arménien a alors réclamé la démission de Nikol Pachinian, jugeant qu'il n'était «plus en mesure de prendre les décisions qui s'imposent». L'opposition le considère, elle, comme un «traître» ayant vendu le pays.