Et si le vaccin contre le Covid-19 était considéré comme un bien commun et non plus comme une marchandise ? C'est la proposition d'une tribune publiée dans Libération le 20 février et signée par de nombreuses personnalités de gauche des quatre coins du monde comme Jean-Luc Mélenchon, le vice-président du comité consultatif au Conseil des droits de l’homme des Nations unies Jean Ziegler, ou encore les anciens présidents du Brésil et de l'Equateur, Lula et Rafael Correa.
Dans cette tribune intitulée «Levez les brevets sur les vaccins contre le Covid», les signataires déplorent que les vaccins, «si vitaux pour l’humanité, [soient] traités comme des marchandises». «Les entreprises privées décident à qui elles livrent et à quel prix. Cette privatisation du vaccin, pourtant un «bien commun» selon l’OMS, freine sa diffusion. Une minorité de pays riches s’est approprié l’essentiel des doses disponibles. Dans le reste du monde, certains Etats doivent payer 2,5 fois plus cher pour les mêmes vaccins», écrivent-ils.
Et les signataires de dénoncer les gains engrangés par les entreprises pharmaceutiques durant la pandémie : «Ce sont quelques multinationales du Big Pharma qui raflent la mise. Le laboratoire américain Pfizer a prévu que la vente de son vaccin lui rapporterait 15 milliards de dollars en 2021. Les vaccins, si vitaux pour l’humanité, sont traités comme des marchandises.»
«Voilà pourquoi nous proposons de lever les brevets sur les vaccins et les futurs traitements contre le Covid. L’argent ne doit pas être un frein à la santé mondiale», plaident-ils, avant d'ajouter : «Dans beaucoup de pays, il existe des dispositifs de licences libres, licences d’office ou licences obligatoires. Ils permettent la fabrication et la diffusion libre des vaccins. Nous appelons les dirigeants de ces pays à les utiliser le plus rapidement possible.»
«Les pays doivent pouvoir produire [les vaccins] eux mêmes»
Contacté par RT France, Arnaud Le Gall, membre de l'équipe du Monde en Commun (revue internationale insoumise), explique que cette tribune est à l'initiative du leader des insoumis Jean-Luc Mélenchon.
«[Emmanuel] Macron en a fait beaucoup sur la solidarité internationale, le multilatéralisme, alors que Donald Trump se contrefichait de la question pandémique. En pratique, on voit bien que les initiatives qu'il soutient au sein du G7 sont du domaine de la charité. Il s'agit de donner les surplus [de vaccins] aux pays pauvres. Ca n'est pas comme ça qu'il faut procéder. Si on veut que la grande majorité de l'humanité ait accès aux moyens de lutter contre la pandémie, dont les vaccins, il faut lever les droits de propriété intellectuelle», estime l'insoumis, spécialiste des questions internationales.
«Les pays doivent pouvoir produire ces moyens eux mêmes et c'est d'ailleurs une demande de l'OMC, de l'Inde et de l'Afrique du Sud qui ont demandé une dérogation temporaire. La France ne soutient pas cette initiative. Jean-Luc Mélenchon a réussi a recevoir des soutiens des quatre coins du monde ce qui montre bien que c'est une question d'intérêt général», conclut-il.
Une idée qui n'est pas partagée par le gouvernement, comme l'a expliqué la ministre déléguée à l'Industrie Agnès Pannier-Runacher le 7 février sur France info. Supprimer les brevets sur les vaccins est «une fausse bonne idée», expliquait la ministre avant d'insister sur ce qu'elle considère comme le véritable sujet blocage : trouver des sites de production en capacité de fabriquer les vaccins.
«Vous ne pouvez pas convertir n’importe quel site en site de production de vaccins : il vous faut 4, 5, 6 mois pour le faire», précisait-elle en réponse à la mobilisation de dizaines de militants et élus communistes qui réclamaient, quelques jours auparavant, la libération des brevets du vaccin en manifestant devant les sièges de Pfizer à Paris et de l’OMS à Lyon. Affirmant partager «l’idée que le vaccin doit être un bien public mondial», la ministre a plutôt vanté «des mécanismes de don pour les pays à bas revenus» et la participation de la France à «l’initiative Covax», un programme international de distribution de vaccins soutenu par l’OMS.
Charles Demange